Prendre en compte l’assemblée et les familles lors des baptêmes communautaires
Par Bruno Mary, Prêtre du diocèse de Lille, directeur du SNPLS
Beaucoup de baptêmes de bébés ou de petits enfants sont célébrés de façon communautaire et en dehors de la messe dominicale. Ces célébrations rassemblent alors plusieurs groupes de familles et de proches qui ne se connaissent pas. Or, si les parents et parfois les parrains-marraines ont participé à une préparation, les autres personnes présentes n’en ont pas bénéficié. Elles ont peu ou pas de repères liturgiques ; leur lien à la foi chrétienne est très hétérogène et leur nombre peut atteindre celui d’une assemblée dominicale. Comment alors constituer une assemblée et favoriser leur participation à la célébration des baptêmes ?
Une épreuve
Ces célébrations peuvent être éprouvantes pour le ministre ordonné et ceci pour au moins deux raisons :
- Elles demandent une grande qualité de présence : il faut « tenir » le groupe dont beaucoup de visages nous sont inconnus. Nous ne les verrons souvent qu’à cette occasion ;
- Le ministre ordonné est seul la plupart du temps.
On se demande parfois ce qu’on y célèbre et on a l’impression d’être à mille lieux d’une célébration chrétienne. Donc, la célébration peut ne pas être satisfaisante à nos yeux – et à ceux de chrétiens pratiquants – et ne nous nourrit pas. C’est pourquoi, je connais des confrères qui refusent de célébrer des baptêmes communautaires. Des chrétiens pratiquants peuvent être également éprouvés dans leur foi, dans leur manière de prier et de célébrer.
Alors que faire ? Comment vivre ces assemblées dans le respect de chacun et du sacrement de baptême que nous célébrons ?
J’ai commencé par énumérer les difficultés : nous commençons souvent ainsi ! En fait, je vous invite à voir d’abord la chance que cela peut représenter pour l’évangélisation. Par cette célébration, nous touchons, aujourd’hui et dans la région lilloise où j’exerce mon ministère, majoritairement des chrétiens du seuil, des baptisés non catéchisés, des personnes en recherche ou indifférentes au fait religieux. (Je n’ai pas l’expérience de célébration avec une assemblée composée en majorité de personnes non baptisées.) Il y a un réel enjeu pastoral.
Une attitude intérieure, une qualité de regard …
En premier lieu, essayons de comprendre et de connaître ces personnes et de poser sur elles un regard bienveillant. Elles sont là au nom de liens familiaux et amicaux. Ces liens en tant que tels ont du sens et sont un des facteurs de cohésion de cette assemblée.
Un évangile souvent choisi pour les baptêmes est celui de Mc 10, 13-16 : « Laissez les enfants venir à moi. Ne les empêchez pas, car leur royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent ». Jésus accueille des enfants que les disciples rabrouent. Ne sommes-nous pas invités à adopter l’attitude de Jésus vis-à-vis des enfants c’est-à-dire vis-à-vis de ceux qui comptent peu à nos yeux ? Cela nous demande une conversion. Et peut-être de ne pas partir battus d’avance ; ces personnes peuvent entrer dans la démarche. La qualité de notre accueil fait partie intégrante de la foi chrétienne.
Nous sommes invités à croire que nos paroles et nos gestes – ou plutôt les paroles et les gestes liturgiques – peuvent être signifiants, peuvent initier à la foi chrétienne. Pour cela, il est nécessaire de les habiter « dans une noble simplicité » et en conséquence, d’y croire nous-mêmes. La beauté des gestes et la justesse des paroles en dépendent pour une part. Cette attitude intérieure fondamentale s’accompagne de moyens concrets dans la mise en œuvre de la célébration et l’art de célébrer.
Une réflexion pratique
L’expérience montre qu’il ne faut pas dépasser trois ou quatre baptêmes. Au-delà, il faut préparer et célébrer autrement. Comme les personnes connaissent pas ou peu les points de repère d’un comportement dans une église, il convient de les leur donner au début de la célébration tout en les accueillant : le nombre de photos, éteindre les portables, ne pas entrer dans le chœur, etc.
Des collaborateurs
Devant la difficulté de la solitude du ministre qui préside la célébration, il est souhaitable d’y associer tel ou tel paroissien, pas nécessairement un membre de l’équipe de préparation au baptême. Nous nous heurtons très vite à l’indisponibilité des gens, pris légitimement par leurs obligations familiales. D’où par ailleurs, l’importance d’une équipe qui veille aussi à réguler les jours et heures des célébrations de baptême. Cette ou (ces) personne(s) aidera à la logistique mais pas seulement. Elle pourra dire un mot d’accueil de la part des paroissiens et assurer une lecture. Elle pourra faire le lien avec les rencontres de préparation … Il ne convient pas qu’un membre de l’équipe de préparation ou un paroissien fasse un des gestes du sacrement de baptême, au nom du sens même du ministère ordonné. C’est le Christ qui baptise par son ministre. Même en ce qui concerne les rites complémentaires car les gestes et paroles liturgiques propres au baptême constituent un tout et il importe de s’en tenir aux indications du Rituel. Il sera préférable de mettre l’accent sur le « ministère » propre que les parents, parrains et marraines remplissent lors d’un baptême et qui peut se manifester par exemple par la remise du vêtement blanc et du cierge.
L’espace, la musique et le chant
Il me semble important de tirer parti de l’espace liturgique. Il doit être beau et montrer ainsi la force et la beauté de ce que nous allons célébrer. Comme l’indique le Rituel du baptême des petits enfants, on peut se déplacer : commencer sur le parvis de l’église puis entrer. Il faut cependant gérer l’effet collatéral de cette marche qui peut aussi dissiper l’assemblée. Il en va de même pour les autres déplacements de l’assemblée prévus dans la proximité de l’ambon, du baptistère et de l’autel.
La musique, un chant, peuvent aider les gens à revenir dans la célébration. Même si les personnes connaissent peu ou pas de chant liturgique, elles parviennent à reprendre des refrains, des acclamations simples comme l’alleluia de Taizé. Certaines aussi simplement écoutent. Il m’est arrivé de repérer des membres de la famille ou des amis qui sont musiciens, chanteurs, et de les mettre à contribution. La musique peut introduire des moments de silence que nous, ministres ordonnés avons à vivre les premiers (et ne pas en profiter pour préparer la suite !).
Il me semble intéressant d’avoir une feuille de célébration qui en donne le plan, les textes du Notre-Père et du Je vous salue Marie, les refrains des chants, et une introduction pour tel ou tel geste. On peut la transmettre via internet aux parents. La plupart ont un ordinateur et sont heureux de faire un beau livret pour le baptême de leur enfant.
Il y a des enfants dans ces assemblées et c’est heureux. Aujourd’hui, les enfants s’ennuient très vite. On peut les solliciter : par exemple, ils peuvent apporter de l’eau de la maison. Ils la verseront dans la vasque le moment venu et resteront à coté pendant la prière de bénédiction de l’eau. Ils peuvent être autour du baptistère lors des gestes du baptême. Un enfant plus grand peut porter le Saint-Chrême.
Une attention « flottante »
En arrière-fond de cette approche pastorale se pose la question de l’attention que requiert une célébration liturgique, particulièrement pour des personnes qui n’en connaissent pas les codes. Nous souhaiterions souvent une attention « scolaire » concentrée (encore que les enseignants savent bien que celle-ci a disparu aussi !) Or, il nous faut peut-être développer ce que les psychologues appellent « l’attention flottante », c’est-à-dire une perception sensible, chez les personnes, de ce qui les entourent, sans pour autant que cela se traduire par une attitude de concentration excessive. Bien entendu, il convient aussi d’en fixer les limites faute de quoi, on ne peut plus parler d’attention. C’est pourquoi il semble nécessaire de rechercher un bon équilibre entre l’expression des personnes et l’imprégnation liturgique. Cet article est forcément limité : il s’enracine dans mon expérience et dans ce que j’observe autour de moi. J’espère seulement qu’il vous aidera à relever le défi de ces assemblées de célébration de baptême : l’enjeu pastoral en vaut la peine.
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