Baptême des enfants et mariage des parents célébrés ensemble ?
Par Pierre Faure
Accueillir et comprendre la demande
Il y a un peu plus de dix ans que les prêtres et autres agents pastoraux ont commencé à rapporter une demande nouvelle pour la pastorale sacramentelle : un couple ayant déjà un ou deux enfants demande le mariage à l’église et voudrait bien qu’au cours de cette célébration ses enfants soient baptisés aussi. Les raisons invoquées sont de commodité : la famille est réunie, certains venant parfois de fort loin, il faut profiter de l’occasion. Les considérations financières sont sérieuses aussi : une seule fête de famille est moins coûteuse que deux. Pour un ménage aux ressources modestes, ou si un des conjoints est au chômage il arrive que le mariage ait été plusieurs fois repoussé par manque de ressources pour pouvoir payer les frais de la noce et de la fête de famille. Ces raisons ont leur poids bien sûr et doivent être comprises et accueillies. Il est vrai aussi que cette double demande manifeste un vrai souci de vie chrétienne et d’engagement dans l’église qui doit être pris en compte aussi par les agents pastoraux. Il peut arriver que des époux choisissent le mariage chrétien après des années de vie commune parce qu’ils ont recommencé à croire puis repris une pratique chrétienne. Ils pensent alors naturellement au baptême de leurs enfants. Et pourtant, nous n’avons pas trace dans l’histoire de l’Église de mariage et baptême célébrés dans la même liturgie. Pour la raison principale que l’arrivée des enfants – jusqu’à une date récente – a toujours suivi le mariage des parents. On comprend donc que – jusqu’à une date récente – il n’existait pas de texte ni d’orientations pastorales permettant de savoir comment traiter cette demande nouvelle.
Réfléchir aux enjeux
On peut exprimer les quelques raisons qui poussent à célébrer séparément ces deux sacrements. Des raisons de fond d’abord. Le baptême étant l’entrée dans la foi, dans l’Église, et dans le mystère du corps du Christ, est un sacrement « d’ecclésialité première », qui doit être préparé et célébré pour lui même et le plus possible en présence de la communauté locale réunie. Alors que le mariage est un sacrement qui n’engage pas la foi au même titre que le baptême ; il accompagne dans la foi une réalité humaine largement indépendante de l’activité de l’Église. On peut célébrer un mariage hors de l’Église, il n’existe pas de baptême célébré hors de l’Église (1).
Ensuite il paraît évident que si l’on célèbre ces deux sacrements au cours de la même célébration c’est l’éclat du mariage qui va l’emporter à cause des vêtements, de la musique, des invités, de la préoccupation des conjoints. Les époux et leurs familles vont être d’abord mobilisés par la réussite de la célébration du mariage, et le baptême risque d’être vécu comme un appendice, émouvant et sérieux certes,
mais comme une sorte d’annexe à la célébration principale du mariage. De plus les invités au mariage peuvent être des collègues de travail, de loisirs, de sport, qui normalement ne seraient probablement pas invités pour la célébration du baptême de l’enfant. Á moins que la célébration ne regroupe que la famille et les amis proches. Il faut penser aussi à la préparation des deux sacrements. Les parents seront-ils assez disponibles pour suivre, au cours de la même période, leur propre préparation au mariage, et la préparation au baptême de leur enfant ?
Il faut enfin considérer l’âge des enfants que l’on demande de baptiser. Si ceux-ci ont déjà six ou sept ans, on n’est plus dans le cas du baptême des petits enfants, ce ne sont plus des bébés. Ils peuvent choisir eux-mêmes le baptême et non pas les parents à leur place. Il faudra donc envisager une préparation au cours du catéchisme avec des étapes selon le baptême des enfants en âge scolaire. Et dans ce cas la préparation et la célébration du baptême devront être complètement séparées du mariage des parents.
Des orientations
La Commission épiscopale française de liturgie et de pastorale sacramentelle a publié en 1994 des « Points de repère en pastorale sacramentelle » pour les sacrements de l’initiation chrétienne et pour le sacrement de mariage (2). Dans la partie consacrée au baptême des petits enfants, ce texte donne des repères précis pour répondre à la demande de célébration de baptême et de mariage ensemble :
« Il arrive que des parents demandent de célébrer le baptême de leur enfant au cours de la célébration de leur mariage. Célébrer les deux sacrements ensemble ne peut qu’amener à dévaluer l’un ou l’autre. La règle doit donc être de célébrer les deux sacrements à des dates différentes, et de faire une préparation propre à chacun d’eux. Si cela n’est vraiment pas possible, il faut maintenir l’exigence de préparations séparées, et célébrer les sacrements l’un après l’autre. On célébrera d’abord le mariage en suivant le rituel dans son intégralité et en soulignant que le mariage prépare les époux et les appelle à être de bons éducateurs de la foi de leur enfant. On célébrera ensuite le baptême en suivant tout le déroulement de la liturgie. Ce type de célébration doit rester absolument exceptionnel. »
Il est bien difficile, faute d’enquête un peu large, de savoir si cette règle a été suivie. Mais plusieurs échanges avec des prêtres ayant eu à accueillir de telles demandes semblent montrer que la célébration des deux sacrements ensemble reste une exception.
Plus récemment l’Assemblée plénière des évêques de France à Lourdes, en novembre 2002, a confirmé brièvement la règle déjà énoncée, dans des orientations concernant le mariage, préparées par la Commission épiscopale de la famille : « Quand un couple demande la célébration conjointe de son mariage et du baptême de son (ou ses) enfant (s), il est préférable de distinguer les deux démarches sacramentelles. Si des motifs particuliers conduisent exceptionnellement à accepter la célébration conjointe, on veillera à respecter le sens de chaque sacrement » (3).
En pratique
Dans la plupart des cas il semble que l’on pourra faire comprendre aux demandeurs que le sérieux des deux démarches de baptême et de mariage sera mieux respecté si chaque célébration est faite pour un seul sacrement et si les invités ne sont pas les mêmes. On peut souligner aussi que la fête sera sans doute mieux réussie ainsi, car chaque invité peut choisir plus librement de participer à l’une ou l’autre des deux célébrations ou au deux. Mais on sait bien que la pression des demandeurs sera forte pour que les deux célébrations soient proches dans le temps pour profiter de la venue de la famille et des amis. Une bonne solution serait que le mariage ait lieu le samedi après midi sans eucharistie et que le baptême soit célébré le dimanche au cours de la messe, ou à l’issue de la messe comme le pratiquent beaucoup de paroisses. On peut aussi penser à célébrer le baptême le samedi matin car il y aura moins d’invités, et placer le mariage le samedi après-midi lorsque tous les invités seront arrivés. Nous n’avons encore rien dit des contraintes de l’emploi du temps du prêtre ou du diacre qui présidera ces sacrements. Dans les années qui viennent, elles pèseront de plus en plus fort sur la décision qui sera prise.
Article extrait de Célébrer, n°327, mars-avril 2004, p 10-12
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1. Ce que certains appellent le « baptême républicain » a-t-il quelque chose à voir avec le baptême ?.
2. Documents épiscopat n° 10/11, juin 1994. Repris dans Pastorale sacramentelle – Points de repère I, Commission Épiscopale de Liturgie, Éd. du Cerf, 1996.
3. Documentation catholique n° 2281 du 1er décembre 2002, p. 1027.
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P. Faure – Baptême des enfants et mariage des parents célébrés ensemble