L’évangéliaire et l’autel
Par Louis Groslambert, Curé et responsable de la musique liturgique et de la PLS du diocèse de Belfort-Montbéliard
On peut être surpris lorsque, en tête de la procession d’entrée, on voit un diacre ou un lecteur porter l’évangéliaire et le déposer non pas sur l’ambon mais sur l’autel. Cette manière de faire est conforme à la Présentation générale du missel romain (PGMR) :
« Le lecteur peut porter l’Évangéliaire en l’élevant un peu, mais non le lectionnaire » (n°120 et 194). « Lorsqu’il y est parvenu, le diacre monte à l’autel en omettant l’inclination s’il porte l’Évangéliaire. Puis, comme cela est souhaitable, il dépose l’Évangéliaire sur l’autel » (ib. 173 et 122) « Sur l’autel même, on pourra mettre, à moins qu’on ne le porte dans la procession d’entrée, le livre des Évangiles, distinct du livre des autres lectures » (PGMR 117).
De la sacristie à l’autel
L’évangéliaire apparaît comme l’icône du Christ ressuscité. Il est le signe de la présence du Ressuscité qui entre dans l’assemblée en tant que Parole de vie. L’entrée de l’évangile représente, selon Germain de Constantinople, l’avènement du Fils de Dieu ; et le pseudo Germain de Paris déclare que « la procession de l’évangile s’avance comme la puissance du Christ triomphant de la mort ». Sachant que la procession d’entrée avec l’évangéliaire est comme une épiphanie du Christ, on lui donne le maximum d’ampleur.
La Parole de vie
Bien que le lieu de la Parole soit l’ambon, l’Église prévoit que le diacre dépose l’évangéliaire sur l’autel. Ce faisant, d’une part, le diacre donne à l’autel, apparemment silencieux, sa capacité d’être riche de la parole de résurrection. Et d’autre part, il donne à l’évangile son ancrage dans le mystère de l’anamnèse du Christ de Pâques qui retentira de l’autel. En un mot, l’autel, c’est l’alliance, le rocher de la foi, le Christ. Etant posé sur l’autel, l’évangéliaire apparaît comme livre porteur de la Parole qui traverse la mort, de la même manière que le pain et le vin, eux-mêmes posés sur l’autel, seront reconnus comme sacrements de la vie du Ressuscité. L’autel fait la jonction entre « le livre et le calice », comme aimait à le dire Jean XXIII.
De l’autel à l’ambon
L’évangéliaire a été porté en procession de la sacristie à l’autel. Arrive le moment où il le sera, de l’autel à l’ambon. La PGMR dit que le diacre prend l’évangéliaire sur l’autel :
« pendant qu’on chante Alléluia… et [qu’on] se rend à l’ambon en portant le livre un peu élevé, précédé par le thuriféraire avec l’encensoir fumant et les ministres avec les cierges allumés » (n°175) … « manifestant ainsi le respect dû à l’évangile du Christ » (ib. 133).
De même que le pain et le vin donnés aux fidèles viennent de l’autel (c’est-à-dire du Christ), de même la Parole annoncée aux fidèles dans l’évangéliaire depuis l’ambon vient de l’autel (c’est-à-dire du Christ). Le cérémonial vise à suggérer la présence réelle du Christ dans sa Parole (Constitution de Vatican II sur la liturgie, n° 7).
L’évangéliaire est le seul objet qui passe de l’autel à l’ambon.
« La liturgie de la Parole et la liturgie eucharistique sont si étroitement liées qu’elles forment un seul acte de culte. En effet, la messe dresse la table aussi bien de la parole de Dieu que du Corps du Christ, où les fidèles sont instruits et restaurés » (PGMR n° 28).
L’unité des deux tables
Les créateurs de mobilier liturgique savent traduire cette unité en recourant pour l’autel et l’ambon à des matériaux identiques travaillés de manière similaire. Il convient que le lecteur de la deuxième lecture retire le lectionnaire pour que l’évangéliaire puisse être confortablement placé sur l’ambon.
Pendant l’alléluia, les fidèles se lèvent : c’est le Ressuscité qui va leur parler : « Je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître ». D’une manière ou d’une autre, il atteste qu’il est Emmanuel, Dieu avec nous ; qu’il veut « dire seulement une parole pour que son peuple soit guéri ». Le cœur tout brûlant d’entendre cela, les fidèles s’exclament « louange à toi, Seigneur Jésus », comme, plus tard, ils acclameront « Gloire à toi qui étais mort… ». Ils reconnaissent que dans l’évangile, ils rencontrent le même Christ que dans l’eucharistie.
Après la proclamation
Après que le diacre ait baisé l’évangéliaire (ou l’ait porté à baiser à l’évêque), il « peut porter l’évangéliaire à la crédence ou à un autre endroit digne et convenable » (PGMR n° 175). Cette disposition est applicable quand le chœur est assez vaste pour y placer un lutrin bien ouvragé, sur lequel l’évangéliaire peut être posé, ouvert, face aux fidèles.
Il serait bien que l’évangéliaire ne soit pas transféré avant l’homélie pour manifester que le même Christ continue de tenir conversation avec son peuple. Il ne serait pas bien que celui qui donne l’homélie retire l’évangéliaire comme un objet gênant qui l’empêche de poser ses notes écrites. Il est toujours possible de laisser l’évangéliaire à l’ambon jusqu’à la fin de la célébration.
Ensuite, de même que les fidèles aiment se recueillir devant le tabernacle de l’eucharistie, on peut constater qu’ils aiment trouver dans les églises un lectionnaire, ou une bible. Faute de laisser en permanence l’évangéliaire dont on sait le prix.
« Puisque l’annonce de l’Évangile constitue le sommet de la liturgie de la Parole […] il convient que les églises les plus grandes […] possèdent un évangéliaire» (Présentation Générale du Lectionnaire Romain n°36).