A la source de la création artistique, rencontre avec Marjolaine Salvador-Morel
Par Maud de Beauchesne, Responsable du département art sacré du Service National de Pastorale Liturgique et Sacramentelle
Niché dans la campagne normande aux alentours d’Argentan, l’atelier/maison de Marjolaine Salvador-Morel est un véritable cabinet de curiosités ; broches, médailles, coraux, carnets de voyage, livres, objets de piété et bocaux forment un tout foisonnant, un joyeux mélange … Omniprésentes, tantôt courbées, tantôt rigides, enchevêtrées, les sculptures en fil de nylon jaillissent ici et là, dotant le lieu d’une harmonie douce et mystique.
Quel lieu riche, foisonnant, c’est important pour vous un lieu de création ?
Oh oui, j’ai besoin d’être entourée de tout cela. Pour moi les objets ont une âme. Tous ces objets, toutes ces pièces en nylon, je suis reliée à elles. Ici c’est mon cocon, mes œuvres ce sont mes cocons. Dans chaque pièce j’y mets ce que je suis. Quand je dois me séparer de mes œuvres pour des expos, c’est très dur, je dois couper le cordon ombilical. Je ressens un grand vide.
Et en même temps c’est fou comme mes œuvres prennent vie dans certains lieux. Par exemple l’œuvre « Le cœur cousu de Marie » installé dans le palais Episcopal de Bayeux a pris vie. Maintenant elle est dans sa vitrine, elle est morte.
Votre mère est dentellière, travaillant entre autres avec les plus grands couturiers, elle vous a transmis cette technique. Comment êtes-vous passée de cette technique à ces œuvres en 3 dimensions ?
A chaque fois c’est le fruit d’une rencontre, ça s’est présenté à moi … Il y a eu d’abord un travail pédagogique auprès d’une personne non-voyante. Pour lui faire percevoir le travail de dentelle, il a fallu que je crée une œuvre en fil de lin en 3D. ça a été une révélation, le fil de nylon m’a permis de quitter l’aplat pour le volume, avec cette technique du fil tendu.
Et puis il y a eu cette découverte littéraire. Je venais de finir mon 1er « cocon » (inspiré par une araignée confectionnant son cocon) et j’ai lu un livre intitulé « Le cœur cousu » de Carole Martinez, qui parle de transmission mère-fille, du travail de l’aiguille qui prend vie…dans lequel l’héroïne s’est mise à coudre un cœur pour une Madone, statue de la vierge vénérée par le village. Tout cela a résonné en moi de manière très forte et cela a impacté ma 2ème création, Le cœur cousu de Marie….
Vous dites que vous vous « laissez travailler par le fil comme en écriture automatique », pouvez-vous nous en dire plus ?
Quand je travaille, je ressens parfois que l’œuvre ne m’appartient plus. C’était très vrai avec cette œuvre Le cœur de Marie notamment quand je tendais les fils. J’avais l’impression que cette pièce prenait forme sous mes yeux toute seule et en même temps ma main était là.
Vous avez un rapport à la nature et qui transparaît évidemment dans vos œuvres.
Sans cette nature on meurt.
Ce que je ressens dans la nature, je le replace dans les œuvres.
Être au monde, c’est ce que j’éprouve. Être acteur de la Création.
Il faut que je respire à pleins poumons.
En ce moment, je me tourne plus vers la biologie, le cellulaire, en quête de l’origine de la Vie !
Une forme de spiritualité se perçoit à la fois dans vos sources d’inspiration, dans votre manière de travailler mais également dans vos œuvres …
On ne peut créer si on n’a pas un lien à la spiritualité. On est des récepteurs en tant qu’artiste. On reçoit les choses et après on redonne. Dans la spiritualité, il y a quelque chose qui nous dépasse. Quand on voit la beauté de la nature, du Printemps qui rejaillit…on ne peut pas ignorer une forme de spiritualité.
Vous avez une capacité d’analyse et de remise en question sur votre travail qui est particulièrement clairvoyante pour un artiste …
Je me questionne tout le temps. Je ne peux pas faire du beau pour du beau.
Il faut que ça ait du sens. Il faut que tout soit justifié.
Mes quêtes de sens font partie de mon processus de création.
Merci Marjolaine.
Extrait du dossier L’Église et l’art contemporain, un dialogue fécond
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