La constitution apostolique Laudis canticum (1970)

Le Concile Vatican II a demandé la rénovation de l’Office divin (cf. Sacrosanctum concilium, ch. IV, n° 83 -101). Après un long travail, la Liturgia Horarum juxta ritum romanum fut publiée en avril 1971. Deux documents ont précédé cette publication en quatre volumes : la constitution apostolique Laudis canticum (1er novembre 1970), par laquelle le pape Paul VI promulgue « l’Office divin restauré », et la Présentation générale de la Liturgie des heures (11 mars 1971). On trouvera ci-après une traduction française de Laudis Canticum (« Le chant de louange »).

Constitution apostolique Laudis canticum,
promulguant l’Office divin restauré par décret du 2e Concile du Vatican
Paul, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu,
en perpétuelle mémoire de cet acte.

Le chant de louange qui résonne éternellement au ciel et que Jésus Christ, souverain prêtre, a introduit dans cette terre d’exil, a toujours été continué par l’Église au cours des siècles, avec constance et fidélité, dans la merveilleuse variété de ses formes.

La liturgie des heures s’est développée progressivement jusqu’à devenir la prière de l’Église locale. Dans des lieux et à des moments déterminés, elle est alors devenue, sous la présidence du prêtre, comme le complément nécessaire de tout le culte divin exprimé dans le sacrifice eucharistique, pour imprégner toutes les heures de la vie des hommes.

Le livre de l’Office divin, auquel de nombreux éléments nouveaux sont venus s’ajouter au cours des siècles, est devenu un instrument adapté à l’action sacrée à laquelle il est destiné. Cependant, avec les importantes modifications qui, à diverses époques, ont été introduites dans la façon de célébrer les Heures – notamment la célébration individuelle -, il ne faut pas s’étonner que ce livre, appelé par la suite Bréviaire, ait été adapté à diverses formes qui parfois affectaient les règles mêmes de sa composition.

Histoire des réformes récentes du Bréviaire

Le manque de temps n’a pas permis au Concile de Trente de terminer la réforme du Bréviaire et il l’a confiée au Siège apostolique. Le Bréviaire romain, promulgué par notre prédécesseur saint Pie V en 1568, a voulu avant tout, pour répondre à l’ardent désir de tous, assurer à la prière canonique dans l’Église latine une uniformité qui, à cette époque, s’était perdue.

Au cours des siècles qui suivirent, différentes modifications ont été apportées par les Papes Sixte V, Clément VIII, Urbain VIII, Clément XI et d’autres.

En 1911, saint Pie X fit publier le nouveau Bréviaire, préparé sur son ordre. Le rétablissement, selon l’ancien usage, de la récitation hebdomadaire des 150 psaumes a rénové entièrement la disposition du psautier. Les répétitions ont été supprimées, et il fut possible d’harmoniser le psautier de la férie et le cycle des lectures bibliques avec les offices des saints. De plus, l’office du dimanche prenait une plus grande importance. Il lui était donné un degré plus élevé pour que la plupart du temps il ait la priorité sur les fêtes des saints.

Tout le travail de réforme liturgique fut de nouveau repris par Pie XII. Il permit d’utiliser, tant dans la récitation privée que dans la récitation publique, une nouvelle traduction du psautier établie par l’Institut biblique pontifical. Une Commission spéciale, créée en 1947, fut chargée de la question du Bréviaire. À partir de 1955, les évêques du monde entier furent consultés sur ce même sujet. Les premiers fruits de ce travail assidu apparurent avec le « décret sur la simplification des rubriques », du 23 mars 1955, et les normes du Bréviaire publiées par Jean XXIII en 1960 dans le Code des rubriques.

La prière des Heures au Concile Vatican II

Mais, n’ayant pourvu que partiellement à la réforme de la liturgie, Jean XXIII entrevoyait que les grands principes fondamentaux de la liturgie nécessitaient une étude approfondie. Il confia cette tâche au 2e Concile œcuménique du Vatican qu’entre-temps il avait convoqué. Le Concile traita de la liturgie en général et de la prière des Heures en particulier avec une ampleur et une richesse spirituelle sans précédent dans l’histoire de l’Église.

Pendant le Concile du Vatican nous avons voulu faire appliquer les décisions de la Constitution sur la liturgie dès après sa promulgation.

C’est ainsi qu’au sein du Consilium pour l’application de la Constitution sur la liturgie, institué par nous, fut créé un groupe spécial qui a travaillé soigneusement et intensément pendant sept ans à préparer le nouveau livre de la Liturgie des heures, en faisant appel à la collaboration d’experts en matière de liturgie, de théologie, de spiritualité et de pastorale.

Après avoir consulté l’épiscopat du monde entier et de nombreux pasteurs d’âmes, de nombreux religieux et de nombreux laïcs, le Consilium et le Synode des évêques, lors de sa session de 1967, approuvèrent les principes et la structure de l’œuvre tout entière et de chacune de ses parties.

Structure des Heures

Il convient donc d’exposer dans le détail la nouvelle structure de la Liturgie des heures et ses motivations.

  1. Ainsi que l’avait demandé la Constitution Sacrosanctum Concilium, il a été tenu compte des conditions qui sont actuellement celles des prêtres engagés dans l’apostolat.
    L’Office étant la prière du Peuple de Dieu tout entier, il a été disposé de telle manière que puissent y participer non seulement les clercs, mais aussi les religieux et les laïcs. En introduisant diverses formes de célébration, on a voulu répondre aux exigences particulières de personnes de diverses catégories, et la prière peut être adaptée à la condition et à la vocation des différentes communautés qui célèbrent la Liturgie des heures.
  1. La Liturgie des heures étant la sanctification de la journée, la structure de la prière a été rénovée de telle façon que les Heures canoniques puissent plus facilement s’adapter aux différentes heures du jour, compte tenu des conditions de vie des hommes d’aujourd’hui.
    C’est pour cette raison qu’a été supprimée l’Heure de Prime. La première place a été donnée aux Laudes du matin et aux Vêpres qui sont au centre de tout l’Office et qui apparaissent comme les vraies prières du matin et du soir. L’Office de lecture, tout en conservant sa caractéristique de prière de la nuit pour ceux qui célèbrent les vigiles, peut être adapté à toute heure du jour. Pour ce qui est des autres heures, l’Heure médiane a été disposée de telle sorte que ceux qui choisissent une seule des heures de Tierce, Sexte et None, puissent l’adapter au moment de la journée où ils la célèbrent, en n’omettant aucune partie du psautier, réparti sur plusieurs semaines.
  1. Afin que dans la célébration de l’Office l’esprit concorde plus facilement avec la voix, et que la liturgie des heures soit vraiment « source de piété et nourriture de la prière personnelle » [Const. sur la Liturgie, n. 90], dans le nouveau livre des Heures, la part de prière fixée pour chaque jour a été quelque peu réduite, tandis que les textes sont notablement plus variés et que différentes aides sont apportées pour méditer sur les psaumes : titres, antiennes, oraisons psalmiques, moments de silence à introduire selon l’opportunité.

4. Conformément aux normes données par le Concile [Const. sur la Liturgie, n. 91], le cycle hebdomadaire a été aboli et le psautier a été réparti sur quatre semaines, dans la nouvelle traduction latine préparée par la Commission pour la nouvelle Vulgate de la Bible, instituée par nous. Dans cette nouvelle répartition du psautier, quelques psaumes et versets particulièrement durs ont été omis, eu égard aux difficultés qu’ils pourraient présenter, surtout dans la récitation en langue du peuple. Pour augmenter la richesse spirituelle des Laudes du matin, on leur a ajouté de nouveaux cantiques, extraits des livres de l’Ancien Testament, tandis que des cantiques du Nouveau Testament ont été enchâssés dans les Vêpres comme des pierres précieuses.

5. Dans le nouveau recueil de lectures de la Sainte Écriture, le trésor de la Parole de Dieu est distribué plus largement. Il a été disposé de façon à correspondre à celui de la messe.
Dans l’ensemble, il y a une certaine unité de sujet dans les péricopes et elles ont été choisies de manière à évoquer tout au long de l’année les moments les plus importants de l’histoire du salut.

  1. Conformément aux normes du Concile, la lecture quotidienne des œuvres des Pères et écrivains de l’Église a été modifiée de telle sorte qu’elle offre ce qu’il y a de meilleur dans les écrits des auteurs chrétiens, en particulier des Pères de l’Église. Mais pour présenter plus abondamment les richesses spirituelles de ces auteurs, un autre lectionnaire facultatif sera préparé permettant d’en tirer des fruits plus abondants.

7. Dans les textes de la Liturgie des heures, on a supprimé tout ce qui ne correspond pas à la vérité historique. C’est ainsi que les lectures, spécialement les récits de la vie des saints, ont été revues afin que la physionomie spirituelle du saint et le rôle qu’il a joué dans la vie de l’Église soient présentés et situés dans leur juste lumière.

8. Aux Laudes du matin ont été ajoutées des prières pour le travail que l’on va commencer et pour consacrer la journée. À Vêpres, on fait une courte prière, analogue à la prière universelle.
À la fin de ces prières, on reprend la prière dominicale. Celle-ci étant récitée également à la messe, l’usage de l’Église primitive où elle était récitée trois fois par jour se trouve maintenant restauré.

L’Église en prière

La prière de la sainte Église étant donc rénovée et restaurée complètement selon sa très ancienne tradition et en tenant compte des besoins de notre temps, il est très souhaitable qu’elle imprègne, vivifie, pénètre profondément toute la prière chrétienne, qu’elle l’exprime et qu’elle alimente efficacement la vie spirituelle du Peuple de Dieu.

C’est pourquoi nous avons grande confiance que se ravivera le sens de la prière inlassable [cf. Lc 18, 1 ; 21, 36 ; 1 Th 5, 17 ; Ep 6, 18] que notre Seigneur Jésus Christ a demandée à son Église. Effectivement, le livre de la Liturgie des heures, bien réparti dans le temps, est destiné à soutenir continuellement et à aider cette prière qui manifeste la vraie nature de l’Église priante et en est le signe merveilleux, spécialement lorsqu’une communauté se réunit à cet effet.

La prière chrétienne est avant tout la prière de toute la communauté humaine que le Christ rassemble [Const. sur la Liturgie, n. 83]. Chacun participe à cette prière, qui est la prière propre d’un corps unique, car en elle s’unissent les prières qui expriment la voix de l’épouse bien-aimée du Christ, les désirs et les vœux de tout le peuple chrétien, les supplications pour les besoins de tous les hommes.

La prière du Christ avec son Corps

C’est du cœur du Christ que cette prière reçoit son unité. Notre Rédempteur a en effet voulu « que la vie qu’il avait commencée dans son corps mortel par ses prières et son sacrifice fût continuée sans interruption au cours des siècles dans son Corps mystique qui est l’Église » [Pie XII, encycl. Mediator Dei, 20 nov. 1947, n. 2]. C’est ainsi que la prière de l’Église est en même temps « la prière du Christ que celui-ci, avec son Corps, présente au Père » [Const. sur la Liturgie, n. 84]. Il est donc nécessaire que, lorsque nous célébrons l’Office, nous reconnaissions l’écho de nos voix dans le Christ et l’écho de la voix du Christ en nous [cf. S. Augustin, Enarrationes in ps 85, n. 1].

L’Écriture, source principale de toute prière chrétienne

Afin qu’apparaisse plus clairement cette caractéristique de notre prière, il faut que se ravive chez tous « ce goût savoureux et vivant de la Sainte Écriture » [Const. sur la Liturgie, n. 24] que l’on trouve dans la Liturgie des heures, de sorte que la Sainte Écriture devienne réellement la source principale de toute la prière chrétienne. La prière des psaumes surtout, qui accompagne et proclame l’action de Dieu dans l’histoire du salut, doit être aimée par le peuple de Dieu d’un amour nouveau. Cela se réalisera plus facilement si l’on se préoccupe plus attentivement de susciter dans le clergé une connaissance plus approfondie des psaumes, dans le sens qu’ils revêtent dans la liturgie, et si une catéchèse adaptée est donnée à tous les fidèles. La lecture plus abondante de la Sainte Écriture, non seulement à la messe, mais dans la nouvelle Liturgie des heures, fera que l’histoire du salut soit commémorée sans interruption, et que sa continuation dans la vie des hommes soit annoncée efficacement.

Prière de l’Église et prière personnelle

Puisque la vie du Christ dans son Corps mystique perfectionne et élève aussi la vie propre ou personnelle de chaque fidèle, non seulement toute opposition entre la prière de l’Église et la prière personnelle doit être rejetée, mais les liens entre l’une et l’autre doivent être raffermis et développés. L’oraison mentale doit puiser un aliment continuel dans les lectures, dans les psaumes et dans les autres parties de la Liturgie des heures. La récitation de l’Office doit, dans la mesure du possible, être adaptée aux nécessités d’une prière vivante et personnelle. À cet effet, la Présentation générale prévoit que l’on choisira, pour la célébration, les temps, les modes et les formes qui correspondent le mieux à la situation spirituelle de ceux qui y participent. Si la prière de l’Office divin devient une vraie prière personnelle, les liens entre la liturgie et la vie chrétienne tout entière apparaissent mieux.

À chaque heure du jour et de la nuit, toute la vie des fidèles constitue comme une leitourgia par laquelle, en esprit d’amour, ils se mettent au service de Dieu et des hommes, en adhérant à l’action du Christ qui, en demeurant parmi nous et en s’offrant lui‑même, a sanctifié la vie de tous les hommes. La Liturgie des heures exprime clairement et confirme efficacement cette grande vérité qui est inhérente à la vie chrétienne.

C’est pourquoi les prières des Heures sont proposées à tous les fidèles, même à ceux qui ne sont pas légalement tenus de les réciter.

Ceux qui ont reçu mandat de célébrer la Liturgie des heures

Quant à ceux qui ont reçu de l’Église mandat de célébrer la Liturgie des heures, qu’ils s’acquittent chaque jour religieusement de cette charge par une récitation intégrale, qu’ils feront coïncider, dans la mesure du possible, avec le temps vrai de chaque heure ; qu’ils attachent l’importance qui leur est due avant tout aux laudes du matin et aux vêpres.

Que ceux qui, ayant reçu l’Ordre sacré, sont destinés à être d’une façon particulière le signe du Christ prêtre, et ceux qui par les vœux de la profession religieuse se sont spécialement consacrés au service de Dieu et de l’Église, ne récitent pas l’Office uniquement pour observer la loi, mais bien plutôt parce qu’ils reconnaissent l’importance intrinsèque de la prière, ainsi que sa valeur pastorale et ascétique. Il est vivement souhaitable que la prière publique de l’Église jaillisse d’un renouveau spirituel général et de la reconnaissance d’un besoin intrinsèque de tout le corps de l’Église, laquelle, à l’image de son chef, ne peut être définie autrement que comme l’Église en prière.

Louange de l’Église de notre temps

Que donc par le nouveau livre de la Liturgie des heures, maintenant sanctionné, approuvé et promulgué par notre autorité apostolique, résonne plus magnifiquement la louange divine dans l’Église de notre temps. Que cette louange s’unisse à celle des saints et des anges du ciel. Que, par sa perfection toujours plus grande, elle se rapproche toujours davantage, en cet exil terrestre, de la louange totale dont est éternellement l’objet « Celui qui siège sur le trône, ainsi que l’Agneau » [cf. Ap 5, 13].

Nous décidons donc que ce nouveau livre de la Liturgie des heures pourra être utilisé dès sa publication. Les Conférences épiscopales veilleront à en faire préparer des éditions en langue du peuple et, après approbation ou confirmation par le Saint-Siège, elles fixeront le jour à partir duquel ces traductions pourront ou devront commencer à être utilisées, en totalité ou en partie. À partir du jour où ces traductions devront être adoptées dans les célébrations en langue du peuple, même ceux qui continueront à utiliser le latin devront employer uniquement la forme rénovée de la Liturgie des heures.

Ceux qui, en raison de leur âge avancé, ou pour des motifs particuliers, éprouvent de graves difficultés à observer le nouvel Ordo, peuvent, avec l’autorisation de leur Ordinaire, et seulement dans la récitation individuelle, continuer à utiliser, en totalité ou en partie, le Bréviaire romain antérieur.

Nous voulons que tout ce que nous avons décrété et prescrit soit désormais ferme et efficace, nonobstant les constitutions et décisions apostoliques promulguées par nos prédécesseurs, ainsi que les autres décrets, même dignes de mention et de dérogation particulières.

Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, en la fête de la Toussaint, le 1er novembre 1970, huitième année de notre pontificat.

Paul VI, Pape

 

NB : Les titres et sous-titres ont été ajoutés au texte orignal

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La constitution apostolique Laudis canticum