Choisir des chants en fonction de l’année liturgique

13 juillet 2010 : Cour de chant par Caroline GAULON lors des 10èmes Estivales de chant liturgique, Abbaye d'Ourscamp (60), France.

13 juillet 2010 : Cour de chant par Caroline GAULON lors des 10èmes Estivales de chant liturgique, Abbaye d’Ourscamp (60), France.

Des chants pour des rites

L’action liturgique se déploie en des rites variés : l’ouverture n’est pas la communion, la proclamation de l’évangile est autre que la prière de louange. Soit qu’ils les accompagnent (chant de la fraction, processionnal de communion), soit qu’ils les fassent résonner au cœur de l’assemblée pour en magnifier les effets (chant de la parole), soit qu’ils constituent par eux-mêmes le rite (Gloire à Dieu), les chants peuvent être aussi divers que les rites auxquels ils sont intégrés : à chaque fonction liturgique va correspondre un style – voire une forme de chant.

Dans l’état actuel de la production des fiches de chants en langue française, nous manquons le plus souvent, et en dépit d’une certaine évolution, de ces chants proprement rituels. Nous disposons d’une pléthore de cantiques religieux, mais nous avons encore peu de chants liturgiques utilisables par des assemblées moyennes. Ce qui entraîne à choisir des chants non parce qu’ils « sont faits pour », mais parce qu’ils « peuvent aller pour »…

Des couleurs pour les temps

« Elle est inépuisable, la grâce par laquelle Dieu nous a remplis de sagesse et d’intelligence en nous dévoilant le mystère de sa volonté, de ce qu’il prévoyait dans le Christ pour le moment où les temps seraient accomplis » (Ep 1, 7-9). Le mystère d’Alliance en Jésus Christ, contemplé par les chrétiens dans la prière et la méditation, vécu par eux dans la succession des jours, l’Église propose au peuple rassemblé de le célébrer dans la Liturgie : « Pendant le cycle de l’année, l’Église commémore tout le mystère du Christ, de l’Incarnation jusqu’au jour de la Pentecôte et jusqu’à l’attente de l’avènement du Seigneur » (Mysterii paschalis, 1, 9). « Avec les anciens Pères de la tradition unanime de l’Église, ces saints Pontifes (St Pie X, Pie XII et Jean XXIII) pensaient, en effet, que le déroulement de l’année liturgique n’offre pas seulement une évocation des actions par lesquelles notre Seigneur Jésus Christ à opéré notre salut, ou une évocation du passé propre à nourrir la méditation des fidèles et à rendre plus facile la catéchèse des simples. Ils enseignaient aussi que la célébration de l’année liturgique jouit d’une force sacramentelle et d’une efficacité particulière pour nourrir la vie chrétienne » (ibid, intro. 3).

On parlait plus haut de convenance liturgique à propos du lien entre le chant et le rite. La même expression peut être employée concernant le lien entre le chant et le mystère célébré : l’Avent n’est pas le Temps ordinaire, ni le Carême le Temps pascal. Outre qu’il est souhaitable de conserver aux chants, comme aux fleurs de saison, leur fraîcheur et leur nouveauté – on ne cueille pas le muguet en novembre ! – l’on peut dire que, à partir du moment où l’usage multiple, même s’il est autorisé par certains chants, devient une usure, le mystère célébré lui-même s’émousse et perd de son acuité. Un peu à l’image de ce que pouvait signifier naguère Attende, Domine, durant le Carême, [il faut] favoriser la mise en valeur de la parenté entre le chant, le mystère et la saison. (…)

Parole de Dieu, Église et chant

L’Église propose à ses enfants, lorsque l’Esprit les rassemble chaque dimanche, aux fêtes et pour les célébrations des sacrements, la Parole qui la fonde et la fait exister, la Parole qui les fait naître et grandir. La musique et le chant d’Église sont précédés d’une Parole qui est plus grande qu’eux et qu’ils ont à servir et à faire résonner pour qu’elle continue d’agir une fois qu’ils se sont tus. « Quand je me souviens des larmes que ces chants de l’Église me firent répandre au commencement de ma conversion et que, maintenant encore, je me sens touché non par le chant, mais par les choses qui sont chantées, lorsqu’elles le sont avec une voix nette et distincte et du ton qui leur est le plus propre, je rentre dans l’opinion que cette coutume est très utile » (St Augustin, Confessions, 10, 33).

De même que les lectures proclamées verront leur effet amplifié et fortifié si on les laisse résonner dans l’espace lyrique que constituent le chant et la musique, de même la musique et le chant se révéleront des moyens rituels – et non de simples ornements – si l’homélie ou telle monition, voire telle prière, y puisent une part de leur inspiration. Cette réalité apparaît évidente à propos d’un choral de Bach, qui constitue déjà, à lui seul, une prédication. Il n’est pas à négliger avec d’autres chants et d’autres musiques.

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