Année liturgique et conversion : se laisser toucher par la patience de Dieu
Par Laurent de Villeroché, prêtre eudiste, membre du SNPLS
Un Amour premier
Dieu a pris l’initiative de se rapprocher des hommes. Il veut qu’un peuple naisse de cette proximité. Selon le P. Gérard Billon1, une alliance est un « engagement réciproque qui dépassant le dialogue initial, unit deux êtres à la vie et à la mort ». L’Alliance est l’histoire de cette rencontre de Dieu avec l’homme qui court tout au long de la Bible jusqu’à son plein accomplissement dans le Christ.
Comme le rappelle la Prière eucharistique IV, Dieu a créé toutes choses. Avec sagesse et par amour, il a fait les hommes à son image, et lui a confié l’univers. Quand les hommes se sont détournés de lui, il ne les a pas abandonnés au pouvoir de la mort. Pour qu’ils le cherchent et puissent le trouver, il a multiplié les alliances avec eux et les a formés par les prophètes. Lorsque les temps furent accomplis, il a envoyé son propre Fils, pour qu’il soit leur Sauveur. Conçu de l’Esprit Saint, né de la Vierge Marie, il a vécu notre condition d’homme en toute chose, excepté le péché. Pour manifester la force de l’alliance voulue par Dieu – « à la vie et à la mort » – le Fils est allé jusqu’à se livrer lui-même à la mort. Mais, par sa résurrection, il a détruit la mort et renouvelé la vie. Comme premier don fait aux croyants, il a envoyé l’Esprit, qui poursuit son œuvre dans le monde et achève toute sanctification.
Ainsi Dieu est à l’initiative d’une relation unique qui donne vie en rassemblant les hommes. Son Amour se propose inlassablement.
Un Amour qui prend patience
Celui qui aime ne s’impose pas. Il chemine patiemment avec ceux qu’il aime. Les disciples d’Emmaüs (Lc 24, 13-35) ont expérimenté cette patience : il leur a expliqué dans les Écritures tout ce qui le concernait, il les a touchés davantage encore en joignant à la parole l’action de la fraction du pain. Leurs yeux se sont ouverts et le cœur brûlant, ils ont pu repartir.
Les premières communautés se sont d’ailleurs interrogées : Pourquoi ne revient-il pas dans la gloire, comme il l’avait promis ? L’auteur de la deuxième épître de Pierre leur répond :
« Bien‑aimés, il est une chose qui ne doit pas vous échapper : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Au contraire, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion » (2e dimanche de l’Avent B ; 2P 3, 8-14).
Dieu ne tarde pas mais il attend patiemment notre conversion.
Un Amour qui attend notre réponse
La conversion est avant tout l’action d’un cœur qui s’ouvre à la grâce et exprime cette ouverture par des gestes concrets, parfois des efforts. En se laissant toucher par l’amour de Dieu, de plus et plus intimement relié à lui, le vieil homme osera se détacher de ses oripeaux, abandonner ses idoles.
Passer peu à peu des manifestations de la grâce à celui qui en est l’auteur prend du temps. Le P. François Marxer s’exprime ainsi sur le sujet : souvent « le merveilleux est le propre de la première conversion. Mais il existe toujours une seconde conversion moins sensible que la première qui vient l’authentifier. Quand je lis un récit de conversion empreint de merveilleux, j’ai tendance à penser ‘Attendons la seconde conversion2…’ ». Une seule chose compte désormais : répondre à l’Amour qui prend patience.
À travers l’année liturgique, Dieu offre du temps pour la conversion
Parce que la conversion prend du temps, l’année liturgique est cet espace-temps offert à l’homme par lequel Dieu continue à se révéler à nous, progressivement, par petites touches ou en nous faisant vivre des temps forts.
À travers la célébration des mystères du salut par son Église, Dieu se met à notre portée. Et les temps liturgiques, tous orientés par le mystère pascal, deviennent autant de jalons qui donnent aux chrétiens de se laisser apprivoiser par Dieu, de nouer de plus en plus fortement le contact qu’il a voulu établir avec eux et entre eux.
L’année liturgique propose un chemin pour découvrir que Dieu nous donne du temps, un chemin pour nous convertir en réponse à l’amour patient de Dieu, un chemin où l’on apprend à « donner corps » à son Alliance avec ceux qu’Il nous donne de rencontrer.
Pour aller plus loin :
Célébrer l’année liturgique : entrer dans une autre signification du temps
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[1]. Mots prononcés lors d’une conférence donnée par Gérard Billon à la Conférence des évêques de France, à l’occasion de la session « Fleurir en liturgie » des 21 et 22 novembre 2017.
[2]. François Marxer, dans une interview parue dans le journal La Croix du 3 février 2017.
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L. de Villeroché – Se laisser toucher par la patience de Dieu