Saint Joseph, culte et liturgie
Quand la dévotion à saint Joseph a-t-elle commencé ? On peut s’interroger, alors qu’à l’occasion du 150ème anniversaire de sa proclamation comme patron de l’Église universelle, le pape François invite les catholiques à vivre une « année spéciale saint Joseph » du 8 décembre 2020 au 8 décembre 2021.
Disons-le d’emblée : tandis que les chrétiens d’Orient vénèrent très tôt Notre Père saint et juste, comme le chante une hymne copte, les chrétiens d’Occident ont mis un certain temps à prier et fêter saint Joseph. Peut-être le portrait du bon vieillard un peu dépassé par les événements n’a-t-il pas aidé. Quoiqu’il en soit de ce portait qui vient non pas des évangiles mais de la littérature apocryphe ancienne, le charpentier de Nazareth, qui n’était ni vieux ni dépassé, a commencé son parcours occidental dans une grande discrétion, voire une grande obscurité.
A l’apogée du Moyen-Âge, les débuts d’un culte public
Cependant, à l’apogée du Moyen Âge, alors que les croisés rapportent de Terre Sainte, avec enthousiasme, des reliques du « père nourricier » du Seigneur (son bâton, son manteau, son anneau !), un saint Bernard de Clairvaux chante les louanges de celui qui a « veillé sur la mère et l’enfant ». Par ailleurs, même si, dès l’époque carolingienne, saint Joseph se trouve inscrit dans les martyrologes à la date du 19 mars, son culte public n’apparaît vraiment qu’au XIVe siècle, lorsque les ordres mendiants (Servites, Frères Mineurs), très dévots à saint Joseph, célèbrent sa fête avec ferveur.
Au siècle suivant, le chancelier Gerson (+ 1429) est un infatigable propagateur du culte de saint Joseph, dont il vante la chasteté et dont il fait le patron des familles, des nobles, des ouvriers, des mourants ! Surtout, il voit dans Joseph un témoin si privilégié de l’Incarnation : Il t’a été donné de voir et d’entendre Jésus. Bien plus : de le porter et de l’étreindre, de l’embrasser, de le vêtir, de le garder… Dans son sillage, les prédicateurs populaires de Joseph se multiplient. L’on découvre une figure proche du peuple, cet artisan discret et laborieux, bon père, bon époux, obéissant à Dieu : une sainteté ordinaire au coeur d’un destin exceptionnel. Saint Joseph ne cessera plus d’être aimé et prié.
A la fin du XVIe siècle, un âge d’or de la dévotion
La dévotion à saint Joseph commence sans doute son âge d’or à la fin du XVIe siècle, lorsqu’après la fondation de Saint-Joseph d’Avila (1582), sainte Thérèse confie à saint Joseph tout le Carmel réformé espagnol !
Une génération plus tard, en France, Bérulle ou François de Sales propagent avec succès la dévotion au Père nourricier de Jésus, désormais incontournable dans la spiritualité catholique. Louis XIV demande à l’Assemblée du clergé de 1661 de rendre la fête de saint Joseph obligatoire dans tout le royaume.
Les autres pays se bousculent pour le prendre pour saint patron national, le Canada (1624), le Pérou et la Bohème (1655), l’Espagne (1657). Des centaines de diocèses, de congrégations religieuses, de collèges, se mettent sous le patronage de Joseph.
La reconnaissance officielle des papes
C’est alors que les papes s’en mêlent – si l’on peut dire. Tandis que la fête de saint Joseph a déjà été étendue à toute l’Eglise par Sixte IV depuis 1481, les papes des XIXe et XXe siècle officialiseront cette dévotion populaire devenue universelle. En 1870, tandis que l’Eglise vit un moment tragique puisque le souverain pontife est fait prisonnier dans le Vatican, Pie IX en appelle à saint Joseph, en le proclamant, le 8 décembre, « patron de l’Eglise universelle ». Dieu lui-même, explique Pie IX, a fait confiance au charpentier de Nazareth : on peut donc confier l’Eglise entière à la garde de ce saint. Du coup, le pape élève la fête du 19 mars au « rite de 1ère classe », le plus haut rang liturgique de l’époque, aujourd’hui « solennité ».
Son successeur Léon XIII est également un ardent promoteur du culte de saint Joseph, à qui il consacre en 1899 une encyclique (Quamquam pluries) où le charpentier de Palestine est proposé comme modèle aux ouvriers. C’est un écho vibrant des préoccupations sociales du pontife.
Remplaçant l’ancienne fête du « patronage » de Joseph créée au XVIIe siècle, Pie XII crée en 1955 la fête de « saint Joseph artisan », patron des travailleurs, placée au 1er mai. Notons enfin, prévue par le Missel romain, une messe « votive » (c’est-à-dire optionnelle, par dévotion) « En l’honneur de saint Joseph » chaque mercredi, exactement comme pour la Vierge Marie chaque samedi. Une belle oraison de cette messe du mercredi, prie Dieu qui a confié à saint Joseph la mission de veiller comme un père sur son Fils unique.
Avec un saint patron universel, déjà doté de deux fêtes, d’une messe votive, de litanies propres et d’innombrables prières de dévotion, il ne restait plus guère aux papes du Concile et de la période post-conciliaire qu’un honneur à rendre à saint Joseph : le faire entrer dans le cercle très fermé des saints du canon de la Messe. C’est ce que fait saint Jean XXIII (qui aimait tendrement saint Joseph) le 8 décembre 1962, en l’inscrivant au Canon romain (prière eucharistique n°1), tandis que Benoît XVI, le 1er mai 2013, l’inscrit dans la récitation des trois autres prières eucharistiques : « Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire, pour que nous obtenions un jour les biens du monde à venir, auprès de la Vierge Marie, la bienheureuse Mère de Dieu, avec saint Joseph, son époux, avec les Apôtres, les martyrs, [saint N.] et tous les saints, qui ne cessent d’intercéder pour nous » (PE III).