Le chant dans les funérailles : (3) mise en application
Cet article est extrait de l’intervention de Sœur Sylvie André en mars 2021 au cours des Journées nationales de Musique liturgique.
Pas évident de parler de ce sujet car peu chantent dans les funérailles à cause de la gorge nouée, ou à cause du peu de familiarité avec l’Eglise et sa liturgie.
Autre point compliqué de ce sujet : le décalage entre ce que les familles peuvent demander et les propositions chrétiennes….
Et pourtant chanter durant funérailles semble nécessaire. Car cet acte est une rencontre de Dieu et l’humanité, une rencontre entre Vie et Mort.
Cette série d’articles souhaite donc montrer que l’acte de chant qui vient du profond de l’homme permet une rencontre avec le Dieu de vie au cœur même des funérailles. Cet acte de chant qu’il soit cri, louange, méditation que nous trouvons dans toute prière chantée a également sa place dans les funérailles. Nous analyserons donc le rituel et ses instants chantés en trois articles différents :
- L’acte de chant, le geste vocal dans la liturgie
- La finalité des funérailles : redire notre Espérance
- Application de ces deux points pour les chants dans les obsèques
Mise en application
Choisir un chant, une musique dans les funérailles n’est pas chose facile pour les équipes d’accompagnement du deuil… Entre demandes parfois farfelues des familles et recherche de l’adéquation entre rites/chant/foi de l’Eglise, elles marchent bien souvent sur un fil en équilibre…
C’est bien la grande difficulté d’un répertoire pour les funérailles…
Cependant, n’oublions pas ces 3 gestes vocaux cités plus haut. Cri-Chant-Murmure ont bien leur place dans les funérailles.
- Cri, ce vouloir-vivre: qui permet l’expression de la détresse des familles. Mais détresse à tourner vers le Seigneur, celui-là même qui entend le cri des pauvres et des petits.
- Prenons alors un Kyrié qui soit vraiment un Kyrié.
- Prenons un refrain de PU court, facile, qui exprime notre prière vers le Seigneur de la Vie
- Prenons un alléluia qui en soit vraiment un, comme cri non plus de détresse mais de confiance car le Seigneur nous exauce
- Chant, exprimant le partage et en même temps notre foi… qui permet de se retrouver, de partager où nous en sommes. Par exemple :
- Enfin, le murmure, la méditation qui nourrit l’âme, qui libère l’expression de l’être intérieur, qui est un réel acte de foi (comme je disais tout à l’heure).
- Le Je vous salue Marie
- Par excellence : le chant de l’adieu. Il a une place unique dans cette liturgie des funérailles. Dans les préliminaires du rituel, seul cet acte de chant est noté.
RF 10 « le sommet de l’adieu de l’assemblée au défunt ». DEC 227 : si on ne chante pas qu’il y ait des invocations « cette forme de prière doit tendre à créer le même climat de confiance et d’espérance que le chant d’adieu »
C’est le seul moment où est noté le type de chant à chanter : « sur le seuil de sa maison » !!!
C’est à mon sens un réel acte de relecture de la Parole et de notre foi que nous avons exprimé tout au long de la célébration. Ici parce que nous nous sommes « détachés » de notre défunt, nous disons notre foi en Celui qui donne la Vie et qui retrouve ses enfants. Un résumé superbe !
Nous redisons « oui » à cet acte de foi avec espérance, nous redisons « oui » à ce passage de relais aux anges, aux saints, à Dieu.
1.Au revoir
Quand les portes de la vie S’ouvriront devant nous Dans la paix de Dieu Nous te reverrons.
Quand viendra le dernier jour, A l’appel du Seigneur Tu te lèveras, Et tu marcheras. |
2.Pardon et salut en Jésus Christ
Par le sang de Jésus Christ Par sa mort sur la croix Le pardon de Dieu Te délivrera.
Mort-nouvelle naissance Comme à ton premier matin Brillera le soleil, Et tu entreras Dans la joie de Dieu |
3.Rappel du baptême
L’eau qui t’a donné la vie Lavera ton regard Et tes yeux verront Le salut de Dieu.
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Conclusion de cette série d’articles
En conclusion, dans toute liturgie et d’autant plus dans la célébration des funérailles, l’acte de chant exprimé sous toutes ses formes (cri, chant et méditation), est :
- signe du Royaume en train d’advenir. Il permet une réelle rencontre de Dieu qui se déroule entre Vie et Mort.
- expérience que nous pouvons nommer « pascale », intégrant la corporéité de l’être chantant ainsi que sa vie finale et sa relation à autrui. (Cette corporéité qui deviendra poussière mais qui est également temple de l’Esprit qu’on honore par l’encens. Cette finitude de la vie qui s’oriente vers Dieu. Cette relation qu’il faudra réajuster.)
- Il permet d’extérioriser ce qui est à l’intérieur de soi.
- Bien souvent beaucoup disent qu’ils prient quand ils chantent. Chanter lors d’une liturgie fait passer la personne du statut d’homme au statut d’homme devant Dieu et en Eglise.
- D’autant plus dans les funérailles, la musique, la liturgie nous invitent à vivre une expérience de foi, un itinéraire de foi. Comme Abraham ou Moïse, les chrétiens pérégrinent de campements en campements après avoir dit oui à une promesse de vie. C’est une réelle expérience pascale que de passer à un autre lieu. On quitte quelque chose de connu, une certaine mort se vit pour passer à autre chose.
- La musique, la liturgie déploient également une autre attitude spirituelle : l’expérience eschatologique. En effet, il y a une activité de l’Esprit tant dans le chant (musique et poésie) que dans la liturgie faite d’attention, d’attente, de mémoire. Autrement dit, la musique, la liturgie tire le croyant vers un futur. Ce « futur » qui est la rencontre de Dieu en plénitude. Elles ont donc, comme finalité d’aider tout homme à atteindre le but de sa création dans la rencontre définitive du Dieu Trinité qui invite ses créatures à vivre en communion avec Lui et avec ses proches pour que son Règne vienne.
C’est d’autant plus vrai dans une liturgie des funérailles.