L’hymne dans la liturgie des Heures

Mai 2010: "Te Joseph celebrent agmina caelitum", hymne des laudes de la St Joseph, Vitrail de la chap. de la Providence, Rouen (76), France. May 2010: Stainglass, La Providence, Rouen, France.

Mai 2010: « Te Joseph celebrent agmina caelitum », hymne des laudes de la St Joseph, Vitrail de la chap. de la Providence, Rouen (76), France.

Avec les psaumes, les lectures, et les prières (oraisons, prières litaniques, Notre Père), l’hymne est l’un des quatre éléments principaux de la structure de la Liturgie des Heures.

Les autres éléments, secondaires (mais non sans importance), sont les versets d’ouverture et de conclusion, les répons après les lectures, les antiennes qui entourent les psaumes…, sans oublier les silences, caisses de résonnances indispensables pour que la Parole soit entendue, et que réponse lui soit donnée !

L’hymne se situe au début de l’office, après le verset d’ouverture. La réforme liturgique a privilégié cette fonction d’ouverture de l’hymne. Celle-ci donne à l’heure ou à la fête sa tonalité propre, et fait entrer la communauté célébrante dans la dynamique de la célébration.

Par leur nature lyrique, les hymnes sont destinées expressément à la louange de Dieu, mais […] elles manifestent, mieux que les autres parties de l’office, le caractère propre des heures ou de chaque fête (PGLH n° 173) – ou des temps liturgiques propres. Elle est cependant parfois située après la lecture : elle est alors réponse à la Parole de Dieu, espace de contemplation de l’œuvre de Dieu.

Elle exulte de la joie pascale le dimanche, exprime notre attente et notre espérance en Avent, notre joie et notre adoration devant le Verbe fait chair, l’appel à la conversion au long du carême, la victoire du Christ en sa Pâque, l’œuvre de l’Esprit dans la variété des visages des saints. Elle s’émerveille dans la louange et la confiance, le matin ; intercède, demande, rend grâce, à la fin de la journée.

Commentant l’hymne O Père des siècles du monde, sœur Etiennne Reynaud, de l’abbaye de Pradines, écrit : « Son titre ‘hymne du matin pour tous les temps’ renvoie à un acte liturgique précis, celui de l’office de laudes, ‘au petit jour’, à l’heure où la communauté chrétienne se réunit pour la libre et gratuite louange, dans l’accueil émerveillé du ‘dernier des jours qui monte’, en faisant mémoire du Jour Pascal où le Christ s’est définitivement ‘levé à l’Orient’ et dans l’attente de ‘la nouvelle lumière’ à l’œuvre déjà ‘au plus secret des corps’. […] Jour Premier du commencement, Jour Pascal de la Résurrection, Jour daté de l’histoire du chanteur de l’hymne, se superposent et pointent vers un Jour Nouveau : ‘Voici la nouvelle lumière’ ! »

Par ses paroles, la qualité de sa poésie et sa profondeur théologique et spirituelle, elle nous invite à entrer plus avant dans le mystère de notre salut, de notre incorporation dans le Corps vivant du Christ, de notre entrée dans la vie même de la Trinité. Elle rassemble à travers nous l’humanité entière et la création sortie des mains de Dieu, blessées par le mal mais sauvées dans le Christ.

Le rapport au temps, signifié très particulièrement par l’hymne, se situe à deux niveaux : celui du temps « cosmologique » avec ses oppositions nuit-jour ; matin-midi-soir, et celui du temps « sotériologique », c’est-à-dire de l’Histoire du Salut. L’office devient un moment du salut où il nous est offert de rencontrer Dieu, d’être sauvés par lui et d’entrer davantage dans son alliance.

L’aurore et l’apparition de la lumière sont référées à la personne du Christ, à sa Résurrection au matin de Pâques.

Le plein midi fait signe de la gloire de Dieu, la nuit est liée au sommeil de la mort, mais elle devient le moment de la pâque depuis que le Christ est le Premier-né d’entre les morts.

Tout au long de l’année liturgique, les hymnes de chaque « temps » célèbrent les divers aspects de cette Histoire du Salut.

Quelques citations…

Hymne pour l’Avent :

Voici le temps du long désir Où l’homme apprend son indigence,

Chemin creusé pour accueillir Celui qui vient combler les pauvres.

Hymnes pour le Carême :

Ami des hommes, Jésus Christ, Tu donnes sens à notre histoire,

Les yeux fixés sur l’avenir L’Eglise vit de ta mémoire.

Point de prodigue sans pardon qui le cherche, Nul n’est trop loin pour Dieu…

 

Hymne pour le matin :

Par lui tout demeure en genèse, Nos jours dans leur vieillissement Se dressent

A leur éveil vers sa jeunesse, Car il se lève à l’Orient.

Hymne pour le soir :

Seigneur, au seuil de cette nuit, nous venons te rendre l’esprit et la confiance…

Hymne pour tous les temps :

Pour que l’homme soit un fils à son image, Dieu l’a travaillé au souffle de l’Esprit…

Dieu nous a donné Jésus, le Bien-Aimé… Servir Dieu rend l’homme libre comme lui.

Nous ne pouvons que rendre grâces pour le travail magnifique de création qui a été accompli depuis plus de quarante ans en France. Si certains auteurs comme Patrice de La Tour du Pin ou Didier Rimaud nous précèdent dans le Royaume, ce travail se poursuit encore aujourd’hui, notamment au sein de la Commission Francophone Cistercienne de Liturgie. Si la PGLH, au n° 178, note : On veillera soigneusement à ne pas admettre de petits cantiques populaires qui n’auraient aucune valeur artistique et ne répondraient pas vraiment à la dignité de la liturgie, on peut se réjouir d’avoir maintenant à disposition un nombre considérable de textes qui expriment avec justesse et profondeur les mystères célébrés, ancrés qu’ils sont dans l’Ecriture Sainte, la Tradition de l’Eglise et l’expérience spirituelle des chrétiens de notre temps.

Un beau travail que chacun peut faire pour approfondir est de chercher derrière les mots d’une hymne l’inspiration biblique sous-jacente, depuis la Genèse jusqu’à l’Apocalypse !

Dans les paroisses – où l’office n’est pas célébré cinq ou six fois par jour comme dans les communautés monastiques –  il est bon de faire un choix judicieux dans cette si large palette de textes, surtout si l’hymne est chantée, comme il est souhaitable. Une seule hymne pour le temps de l’Avent, ou pour le Carême, peut suffire. L’appropriation et du texte et de la musique est une donnée capitale.

L’hymne n’est pas seulement un texte, c’est aussi un chant, et un chant en acte dans une communauté qui célèbre. Par le chant, celui de l’hymne en particulier, la communauté chrétienne se rassemble, s’harmonise, fait corps, prend corps, dans le corps du Christ animé par l’Esprit. Elle loue, elle adore, elle supplie, elle s’encourage elle-même dans la suite du Christ. Prendre le temps d’approfondir ces textes, laisser leur musique se mémoriser en nous, est un beau souhait que nous pouvons nous faire les uns aux autres pour être davantage tous ensemble le Corps du Christ !

 

Article extrait de la revue Célébrer n°388

Approfondir votre lecture

  • L’hymne du « Te Deum » : A toi, Dieu, notre louange !

    Cette hymne A toi, Dieu, notre louange ! est placée par la liturgie des Heures en conclusion de l’Office des lectures des dimanches (sauf en Carême), des solennités et des fêtes. Cette composition de Nicetas, qui était évêque en Roumanie à la fin du IVe siècle, l’Église l’a transmise précieusement et en a fait le chant privilégié des actions de grâce.

  • L’origine des hymnes dans l’Histoire de l’Eglise

    D’où proviennent les hymnes que l’on chante dans la Liturgie des Heures ? Déjà dans les premières communautés chrétiennes, on rencontre les hymnes :

  • Images du Temps ordinaire

    L’année liturgique permet de concevoir les temps de fêtes comme des passages. À travers le ressaisissement du cheminement avec Dieu, la fête apparaît comme un nouveau commencement. Dynamisme du quotidien, cette nouveauté se trouve chaque fois mise en œuvre dans le Temps ordinaire.