Des assemblées de louange
Bénédicte Ducatel, Collaboratrice à Magnificat
Depuis une quarantaine d’années, des assemblées de louange issues du Renouveau charismatique1 fleurissent dans le paysage ecclésial français. Quelque soit leur capacité à s’inscrire dans une durée, le phénomène des assemblées de prière ou de louange interroge la liturgie et au plus haut point l’eucharistie qui est le sacrifice de louange par excellence (cf. He 13, 15-16)2.
Chantez à Dieu de tout votre cœur
L’assemblé de louange pourrait être décrite comme une mise en pratique des conseils de saint Paul (Col 3, 16 ; Ep 5, 19-20) : « Chantez à Dieu de tout votre cœur avec reconnaissance, par des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés3 ». Il en découle que l’assemblée de louange n’est pas structurellement organisée, même si une organisation implicite y est discernable.
Le chant y occupe une place privilégiée. Il est vécu comme inspiré par l’Esprit Saint qui chante en nos cœurs. Il soutient l’expression de la louange qui peut également être intérieure ou verbale, être exprimée tous ensemble – chacun à haute voix et en même temps énonce ses motifs de louange – ou par un seul au milieu de l’assemblée. Il peut s’agir d’un motif de louange ou d’une exhortation à la louange telle qu’on en trouve dans les psaumes. En lien avec le chant, le corps exprime librement sa joie en levant les mains, en tapant des mains, etc.
Au cœur de ce moment de louange peuvent apparaître des charismes variés tels que le chant en langue, la prophétie, les paroles de science ou de guérison. La proclamation de la parole de Dieu est vécue comme un charisme et apparaît comme la réponse de Dieu à la louange de l’assemblée. Une ou plusieurs paroles bibliques jaillissent spontanément. Elles donnent toujours lieu à des commentaires qui engage les personnes à la mettre en pratique. La suite logique est l’intercession, la prière les uns pour les autres pour obtenir la grâce de vivre selon l’Évangile. Se tenir par la main – ou d’autres gestes fraternels – exprime ce lien de communion dans la prière.
Souffle de Pentecôte
L’assemblée de louange ne se comprend bien qu’en étant située dans la mouvance de la Pentecôte où s’expriment la joie de la résurrection et l’ivresse de l’Esprit. Le Cardinal Suenens écrivait :
« On peut dire que le mouvement charismatique est fondé sur le renouvellement de ce qui nous constitue d’Église : à savoir les ‘sacrements de l’initiation chrétienne’ : baptême, confirmation, eucharistie4. »
Ce qui est au cœur des assemblées de louange, c’est la découverte sensible de l’action conjointe du Père, du Fils et de l’Esprit dans la vie du croyant. En s’approfondissant, cette découverte conduit à un amour renouvelé de l’Église, dans sa structure hiérarchique et sacramentelle. L’engagement des personnes au service de l’Église est un fruit repérable de l’assemblée de louange et aussi un critère de discernement qui authentifie l’expérience vécue dans l’assemblée.
Louange de l’Église
L’assemblée de louange place les croyants en présence du Christ qui a dit : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (Mt 18, 20). La louange est alors ce débordement du cœur que l’Esprit suscite. Et les mots viennent à la manière de Jésus lui-même qui « tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et dit : « Je te bénis Père, Seigneur du ciel et de la terre » (Lc 10, 21). C’est dans ce registre que s’inscrit habituellement l’expression de la louange : « Je te bénis » ; « Sois loué » ; « Tu es grand, Seigneur ». Elle n’est orientée vers aucune fin sinon celle d’être louange. En cela, elle se distingue des actions de grâce et des louanges qui émaillent la liturgie et qui sont toujours en lien avec l’acte liturgique qui se déploie. Rien de tel dans les assemblées de louange. Les motifs de louange peuvent partir dans tous les sens au gré de chacun, allant de l’émerveillement devant Dieu à l’action de grâce pour une guérison.
L’ecclésialité des assemblées de louange ne peut pas se mesurer dans l’analyse des expressions de la louange. Les personnes qui s’expriment parlent avec la simplicité des mots de tous les jours, mais passés au creuset d’une foi renouvelée par l’écoute de la Parole, la vie sacramentelle et la charité fraternelle. Parallèlement à des expressions maladroites à la théologie incertaine apparaîtront des expressions heureuses ressourcées dans l’Écriture, particulièrement dans les psaumes.
Tenir dans la louange n’est pas chose facile. Si le chant prend souvent le relai de l’expression verbale personnelle, il est important de constater que dans l’assemblée de louange, tous participent de la voix à la louange et tous sont dans un bain prolongé de louange qui modèle l’être chrétien comme être de louange. Cette expérience est souvent plus difficile dans la liturgie où, la plupart du temps, un seul, au non de tous, prononce les motifs de la louange, motifs pour lesquels l’assemblée peut se sentir moins directement concernée.
En conclusion, ne pourrait-on penser que la louange spontanée ne saurait jaillir si elle n’avait été préparée préalablement par l’expérience liturgique qui, en retour, peut être réappropriée comme louange ?
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1. Voir Le Renouveau charismatique aujourd’hui
2. « En toute circonstance, offrons à Dieu, par Jésus, un sacrifice de louange, c’est-à-dire l’acte de foi qui sort de nos lèvres en l’honneur de son nom. Ne manquez pas d’être généreux et de partager. C’est cela qu’il faut offrir à Dieu pour lui plaire. »
3. La Bible de Jérusalem note qu’il « s’agit dans doute d’improvisation “charismatique » suggérées par l’Esprit ».
4. Documents de Malines n° 1, « Le Renouveau charismatique, orientations théologiques et pastorales » (1974).