La composition florale en liturgie

Arbre de Judée, dahlia et feuilles de bergenia.

Arbre de Judée, dahlia et feuilles de bergenia.

Les fleurs, dans une célébration, ne sont ni pur ornement ni homélie. Quel est leur rôle liturgique ?

En lien avec la liturgie du dimanche ou de la fête célébrée, la composition florale est le fruit de la méditation des textes proposés par cette liturgie et de la prière contemplative, prière qui se prolonge au moment du choix des divers éléments, du contenant, des feuillages et des fleurs. Quelle branche donnera le mouvement souhaité ? Quelles fleurs l’accompagneront au mieux ? Et devant toutes ces merveilles, comment ne pas remercier notre Créateur ! Cette prière se poursuit dans l’église lors de la réalisation de la composition qui peut être précédée d’un bref temps de silence et de recueillement.

Une équipe en prière

La composition florale liturgique est avant tout louange et action de grâce. Elle est le fruit d’un travail en équipe qui commence par la méditation des textes en lien étroit avec les différents acteurs de la liturgie, lorsque cela s’avère possible. En effet, il ne s’agit pas de l’œuvre personnelle de la personne chargée du fleurissement et il serait souhaitable qu’au moment des grandes fêtes – Pâques par exemple – ou des événements diocésains – ordinations par exemple -, la réalisation se fasse à deux avec un autre regard. Pareille disposition implique une bonne entente : il s’agit vraiment de « faire équipe ».

Au rythme des temps liturgiques et des saisons

La composition met en valeur les mystères célébrés au cours de l’année liturgique, grâce aux symboles de la Tradition chrétienne, en évitant figuration et allégorie. Pour la fête de Pâques, nous évoquerons la lumière et la vie divine qui jaillit du tombeau grâce aux couleurs jaunes ou blanches de branches fleuries (Forsythia, Corète du Japon, Spirée, …) et de celles des fleurs de printemps (jonquilles, tulipes, …).

Ce renouveau saisonnier avec fleurs et banches fleuries évoquera le jaillissement de la vie. D’autres arbustes de printemps : pommier du Japon rouge ou rose, aubépine rose ou encore chatons de saule et de noisetier, bourgeons ou jeunes feuilles, témoigneront aussi de l’esprit de Pâques.

La composition florale est non seulement en harmonie avec les temps liturgiques mais aussi avec les saisons. Dans notre hémisphère, la nature est dépouillée en temps de Carême alors qu’elle se réveille à Pâques et que les couleurs éclatent.

L’accord avec les saisons implique certains choix quand on se fournit chez le fleuriste où les tournesols sont présents même en hiver.

Une composition enracinée dans la sobriété1  et la beauté

La composition est enracinée comme l’est notre enracinement d’homme sur la terre. Elle part du sol avec une base visible. Elle n’est donc pas suspendue à une croix, à l’ambon, au porte-cierge ou à la cuve baptismale. Pour le cas précis du cierge pascal, lieu à fleurir pendant tout le Temps pascal, l’une des solutions est d’utiliser un beau vase en verre transparent d’où l’on fera jaillir des branches de printemps avec des mouvements gracieux, ou encore, d’associer deux ou trois contenants de même matière et de tailles différentes. Il est aussi possible de faire un montage de souches dissimulant le contenant dans lequel sera construite la composition. En effet, celle-ci est présente pour servir la beauté de la liturgie et accompagner la prière de l’assemblée. Elle ne doit pas être un obstacle.

La composition florale, chemin vers Dieu,  doit être simple et belle – la noble simplicité2 – avec des vides apportant légèreté et transparence. « Le luxe pompeux » et la sophistication inutile pourraient arrêter le regard. Dieu a besoin d’espace pour « parler ».

Le déploiement trinitaire

La composition florale est structurée avec un cœur, un rayonnement et un mouvement. Frère Didier, moine à l’abbaye de Tamié dit que cette structure trinitaire est très présente dans la nature. Le cœur ou point focal évoque le Père, le rayonnement, le Fils et le mouvement qui va de l’un à l’autre, l’Esprit.

Pour le cierge pascal, rayonnement et mouvement seront évoqués grâce aux formes harmonieuses des branches dans l’espace qui entoure le porte-cierge. On fera cependant en sorte que la composition ne gêne pas les différents déplacements lors de la célébration.

Bien située dans l’espace sacré

La composition sera visible, si possible de toute l’assemblée, mais à sa juste place, ce qui implique de bien occuper l’espace liturgique. Il est bon de rappeler qu’une seule composition suffit et que la multiplication des compositions disperse le regard. Reprenant l’exemple du cierge pascal, celle-ci sera placée près de l’autel, et/ou de la cuve baptismale fleurie en harmonie avec la composition principale pour associer la lumière et l’eau.

En harmonie avec la nature

La composition est naturelle avec feuillages et fleurs utilisés dans le sens de la pousse, donc avec un respect total de la végétation, ce qui exclut les formes stéréotypées. C’est la nature qui fournira la forme, et non l’inverse : une jolie courbure de branche ou de fleur ; un cep de vigne tourmenté ; un bois flotté ou une souche  au mouvement évocateur.

Et pour découvrir tout cela, notre regard doit être ouvert sur la création.

De l’explication de la composition florale en liturgie

Enfin, la composition ne s’explique pas. Frère Didier l’exprime ainsi :

« Loin du figuratif, de la décoration, de l’explication, le bouquet doit amener au-delà de lui-même et conduire au pays du silence qui laisse la parole à Dieu. »

Et le père Claude Duchesneau3 :

« Les fleurs en liturgie n’ont pas à faire l’homélie, même une explication, leur cohérence avec la liturgie n’est pas de l’ordre de l’énoncé, du discours mais de l’indicible et de l’ineffable, leur message commence là où le verbe s’arrête. »

La composition florale en liturgie est donc prière, louange et action de grâce, en accord avec la liturgie. Elle peut être chemin, passage, transparence vers Dieu. Pour conclure, écoutons cette phrase de Frère Didier :

« Viens au pays du silence pour adorer, tu l’entendras dire merci, il t’a cueilli, transfiguré, offert car cette fleur qui passe c’est toi, sa Vie, sa Joie, et le reflet de son éternelle Beauté … toute fleur t’enseignera l’art de disparaître pour qu’apparaisse le Transfiguré ».

 

D’après un article paru dans la revue Célébrer n°383

[1] Présentation Générale du Missel Romain, n° 305

[2] Présentation Générale du Missel Romain, n° 292

[3] Claude Duchesneau (1936-2003), prêtre du diocèse de Saint-Claude, ancien membre du CNPL et professeur à l’ISL, a beaucoup contribué à la formation des personnes investies dans le fleurissement des églises.

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