Vivre en communion : communier en dehors de la messe

cathopic_1493646605456278

Les dispositions sanitaires visant à limiter la propagation de la Covid-19 sont encore dans les mémoires. Les initiatives se sont multipliées pour répondre au désir de communier malgré tout, alors que l’accès habituel à la communion au sein de l’assemblée dominicale n’était plus possible. Rédigé dans ce contexte, le présent article rappelle divers repères pour ne pas à oublier le lien essentiel de la communion avec la messe. Alors que la situation est redevenue normale, la lecture de cet article demeure utile pour préserver notre désir de communier de l’influence plus ou moins consciente de l’individualisme ou des logiques de la consommation.

Reprenant l’instruction Eucharisticum mysterium (1967), le décret qui promulgue le Rituel de l’eucharistie en dehors de la messe (REM) souligne fortement que « la célébration de l’eucharistie dans le sacrifice de la messe est vraiment la source et le but du culte qui lui est rendu en dehors de la messe », ajoutant que « si les saintes espèces sont conservées après la messe, c’est principalement pour les personnes qui ne peuvent assister à la messe, surtout les malades et les personnes âgées, s’unissent par la communion sacramentelle au Christ et à son sacrifice qui est célébré à la messe »

C’est dans cet esprit que le Rituel, à la suite des enseignements de st Paul VI dans Mysterium fidei, expose la nécessité du culte à rendre à l’eucharistie (n. 3), les raisons de sa conservation au tabernacle (n. 5) puis les modalités de la communion en dehors de la messe ou de son adoration. Ce faisant, il invite à garder en mémoire la norme qui veut que « la participation la plus parfaite à la célébration eucharistique consiste à recevoir la communion sacramentelle au cours de la messe » (n. 13). Cette attention venant du Concile mise en avant par l’instruction Eucharisticum mysterium (n. 6)

C’est ainsi qu’il serait risqué de prendre l’habitude de distribuer la communion sans lien avec la célébration de la messe, sous la forme notamment d’un service individuel. Ceci est d’autant plus important que notre monde est dominé par l’avoir et la consommation. Les premières générations chrétiennes ont désigné la messe comme « fraction du pain » : une belle manière de dire que la communion est inséparablement nourriture et partage.

Il s’agit donc de situer la pratique du don de la communion face à l’empêchement de rassemblement dominical comme une attente de la pleine dimension ecclésiale du sacrement. C’est également une opportunité pour réapprendre à dire la fraternité et l’espérance dont l’Eucharistie est le sacrement par excellence. Son absence concrète élargira l’espace pour que la Parole du Seigneur achève en nous son œuvre de charité envers ceux qui nous entourent. La Bonne nouvelle du Salut n’est audible que lorsque les croyants sont capables d’en faire un récit qui entre en résonance avec l’histoire humaine, et d’agir en fonction de ces paroles d’espérance dans un engagement qui manifeste leur fraternité et la construit dans la société.

Plusieurs possibilités, enracinées dans le Rituel de l’eucharistie en dehors de la messe (AELF, 1996, 2e éd.), peuvent permettre au peuple chrétien de vivre une communion eucharistique, voire sacramentelle, marquée par la dynamique communautaire. Les propositions qui suivent voudraient offrir quelques pistes possibles et qui restent à adapter selon les situations.

Parce que l’eucharistie est source et sommet de la vie chrétienne, il convient de promouvoir une pastorale de l’eucharistie qui oriente vers la célébration commune de la messe dominicale. Particulièrement, elle permettra que se développe le sens de la communauté paroissiale et que les fidèles « apprennent à s’offrir eux-mêmes et soient conduits de jour en jour, par le Christ médiateur, à la perfection de l’unité avec Dieu et de l’unité entre eux, pour que Dieu soit tout en tous » (SC 48).

Par la feuille paroissiale, ou d’autres moyens, il sera ainsi possible de proposer une catéchèse qui veillera à présenter le mystère de l’Eucharistie dans la richesse de ses dimensions : le lien avec la Parole de Dieu, avec la vie de l’Église et l’exercice de la charité, entre célébration communautaire et prière personnelle, entre communion sacramentelle et spirituelle.

  • Manifester le lien entre communion et célébration

Ceux qui désirent recevoir la communion eucharistique en dehors de la messe doivent avoir conscience qu’ils prennent part au Corps du Christ, même si celui-ci n’est pas rassemblé visiblement. Il conviendra donc de prendre soin d’assurer le lien entre communion et célébration de la messe :

  • En donnant à méditer préalablement les textes liturgiques de la messe du jour,
  • En proposant une liturgie domestique en lien avec le dimanche, ou de s’unir à une célébration eucharistique retransmise par les moyens de communication habituels,
  • En veillant à susciter un temps de prière personnelle à l’Église où est donnée la communion,
  • En demandant de demeurer dans la prière en action de grâce après la communion.

On veillera également à ne pas proposer de plages horaires pour distribuer la communion avant que la messe n’ait été célébrée.

De même, dans la mesure du possible, il semble opportun de ne pas proposer simultanément la communion et l’adoration eucharistique. Dans les églises où la communion est donnée dans une continuité, plus ou moins proche, de la messe célébrée, on pourra déposer la réserve eucharistique sur un corporal placé sur l’autel, entouré de cierges (Cf. REM n. 19).

  • Manifester le lien avec les fidèles absents et les pauvres

Parce que la réserve eucharistique vise la communion des malades et le viatique porté aux mourants, la célébration de la communion en dehors de la messe ne devra pas empêcher l’exercice de ce ministère qui exprime la sollicitude de l’Église pour ses membres empêchés. On sensibilisera les fidèles, et les communiants, à la prière pour les membres absents de la communauté, tout particulièrement lors de la réception individuelle de la communion.

De même, il serait opportun de proposer aux communiants divers moyens pour exprimer les fruits de la communion eucharistique reçue, par le service de la charité et le partage des biens.

  • Repères liturgiques

La forme communautaire de la communion en dehors de la messe « doit être employée surtout quand il n’y a pas de célébration de la messe, ou quand on donne la sainte communion à des heures déterminées ; il s’agit alors de permettre aux fidèles de se nourrir aussi à la table de la parole de Dieu. À écouter cette Parole, ceux-ci reconnaissent que les merveilles de Dieu qu’elle annonce atteignent leur sommet dans le mystère pascal dont à la messe on célèbre sacramentellement le mémorial et auquel la communion les fait participer » (REM n. 26). Selon les normes (REM nn. 27ss), cette forme rituelle permet la réception de la communion après un rite d’entrée et une préparation pénitentielle, une célébration de la Parole de Dieu à partir des textes de la liturgie du jour puis la réception de la communion. Elle requiert que la célébration soit faite à heures fixes ou quand un nombre suffisant de fidèles est présent.

Durant le confinement actuel, un rite bref (nn. 42 ss) peut être employé puisque le nombre de communiants ne permet pas une célébration communautaire. En conséquence, il est possible de proposer aux fidèles ce rite préparatoire avant la distribution de la communion. On veillera préalablement à rendre possible la célébration de la Parole de Dieu à domicile (ou individuellement sur place) avec les textes liturgiques du dimanche et/ou la participation à une retransmission télévisuelle de la messe paroissiale ou non.

La réception de la communion en dehors de la messe devra se faire à heures fixes et en présence d’un ministre dûment mandaté par l’autorité compétente.

Cliquez ci-dessous pour obtenir le « Rite bref » du Rituel de l’Eucharistie en dehors de la messe, accompagné de « notes pastorales » et de la trame pour une « célébration communautaire » de ce rite.

Pour rester en communion en dehors de la messe

Approfondir votre lecture

  • Vivre la pénitence : les pistes du rituel

    « Dieu fais-nous revenir » (Psaume 79). Ce cri du psalmiste devient souvent le nôtre, lorsque nous réalisons, qu’à cause de notre faiblesse ou du péché, nous avons besoin de renouer avec lui ou tout simplement d’intensifier notre vie baptismale. Chacun alors pense spontanément au sacrement de la pénitence et de la réconciliation, qui représente le chemin de la conversion privilégié dans l’Eglise latine depuis le Moyen Age jusqu’à une période récente. Or l’épidémie nous prive de ce chemin.

  • La Maison-Dieu n°307 : La science liturgique en ses sources

    En tant que « science », la liturgie est une discipline théologique à part entière. Sa particularité tient, non seulement au fait qu’elle est une pratique rituelle, mais qu’elle fait œuvre de Tradition puisqu’elle est mémorial de l’œuvre salvifique de Dieu en Jésus Christ.

  • La Maison-Dieu n°306 : Liturgies domestiques

    Pour le dernier numéro de cette année si particulière que fut 2021, notre revue revient sur les questions liturgiques posées par la crise sanitaire de la Covid 19, et les confinements qui ont empêché nombre de fidèles de célébrer dans leur communauté habituelle.