Le lieu de la réconciliation, un lieu de la rencontre
Par Joseph Gélineau, († 2008) père jésuite, liturgiste et compositeur de musique sacrée.
Je n’ai jamais oublié ce moment où, dans une liturgie byzantine, le prêtre, debout devant la porte de l’iconostase, déclarait la miséricorde et le pardon de Dieu aux fidèles qui, s’avançant sur une file, se reconnaissaient pécheurs en se frappant la poitrine. C’était déjà l’époque, dans les années 50, où nos confessionnaux commençaient d’être désertés. Dès les années 60, avant même que la réforme de Vatican ait fixé les normes des célébrations communautaires du sacrement de la réconciliation, on avait inventé, dans diverses églises, avec un instinct très sûr, des pratiques de ce genre. Depuis, les formes n’ont pas beaucoup évolué.
Vingt ans plus tard, je devins curé d’un secteur pastoral où quelques petites paroisses commençaient revivre grâce aux assemblées que des chrétiens tenaient eux-mêmes les dimanches où je n’étais pas Je constatais que les propositions de célébrations pénitentielles communautaires comme telles ne rassemblaient que très peu de fidèles adultes. Je me souvins alors de l’image du prêtre devant l’iconostase. Un dimanche de Carême, après l’homélie, j’invitai ceux qui le désiraient à venir vers le prêtre — comme pour la communion — pour se dire pécheur devant Dieu et entendre les paroles du pardon. La majorité de l’assemblée, âges et milieux confondus, vint ainsi chercher la réconciliation. Par rapport aux pratiques que j’avais connues, j’observai plusieurs traits touchant à l’utilisation — et donc à l’aménagement — du lieu d’église pour une célébration de réconciliation.
La visibilité de la démarche ce qui aurait pu être un obstacle vu le poids de l’image antérieure du confessionnal lieu strictement individuel et secret, s’est avérée au contraire positive en ce que l’action de chacun est redevenue l’action de toute l’assemblée en acte de réconciliation — y compris de ceux qui ne présentent pas eux-mêmes au prêtre mais sont contents d’être là et de participer, â leur manière.
La lisibilité de la démarche après une préparation commune de l’assemblée (« Je confesse »etc.), on se lève de sa place parce que, comme le Fils prodigue, on « ose parler ». On se met dans la file des pénitents, comme ceux qui venaient au Jourdain se faire baptiser par Jean. On arrive près du prêtre en lui parlant, c’est à Dieu qu’on s’adresse. On entend, dite pour soi, la parole de pardon et d’encouragement. On retourne vers ses frères avec qui on est aussi réconcilié avant de revenir à son milieu de vie. On chante ensemble l’action de grâce des « graciés », sauvés, ressuscités (spécialement si on continue avec l’eucharistie autour de l’autel). L’ensemble de la démarche dessine un parcours, de l’anonymat, d’où on sort, à la communion des saints, après avoir été reconnu comme fils de Dieu, et avant le retour au monde. Il est bon que le point de rencontre soit signifié : au pied d’une croix ; devant une icône. Le retour peut faire un détour pour protéger l’intimité du réconcilié très ému à ce moment radieux ou en larmes. L’aller peut être ponctué de « stations » comme autant de moments de la préparation invitation à la conversion — écoute de la Parole — méditation — examen de conscience — supplication litanique — etc.
En célébrant dans cinq églises différentes, j’ai observé comment on pouvait profiter dès données architecturales de chacune d’elles pour valoriser le parcours de réconciliation le seuil, le mémorial du baptistère, un vitrail, une station de chemin de croix, un déambulatoire, un autel latéral, une statue, des éclairages, l’acoustique de certains passages de la procession. Ici, comme souvent, ce sont les choses qui donnent des idées.
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J. Gélineau – Le lieu de la réconciliation, lieu de la rencontre