Sacré-Cœur de Jésus : sens de la fête à travers les lectures liturgiques
Par Olivier Bourion, Prêtre du diocèse de St-Dié – Enseignant au CAEPR de l’Université de Lorraine
Tout comme celles du dimanche, les lectures de la solennité du Sacré-Cœur de Jésus, célébrée le vendredi qui suit le 2e dimanche après la Pentecôte, varient en fonction de l’année liturgique. Une approche attentive des textes choisis par le lectionnaire permet de comprendre comment l’Église fait contempler sous trois angles différents le mystère inépuisable de l’amour divin.
Avant d’ouvrir le lectionnaire il convient d’abord de se rappeler ce que signifie dans la Bible ce « cœur » que nous célébrons. Loin de se réduire à une métaphore sentimentale, il désigne le lieu le plus profond de l’humain, sanctuaire de son intériorité, de sa mémoire et de sa conscience. Fêter le Sacré-Cœur de Jésus, c’est donc quitter l’imagerie pieuse et romantique dans laquelle on l’a souvent confiné, pour entrer à « l’intérieur » du Christ et du mystère de son amour. Comment les lectures choisies par l’Église nous y aident-elles ?
Année A : Un cœur prévenant qui aime les humbles
(Dt 7, 6-11 ; Ps 102, 1…10 ; 1 Jn 4, 7-16 ; Mt 11, 25-30)
Les textes bibliques de l’année A insistent sur la prévenance et la gratuité de l’amour de Dieu qui se donne à tous ceux qui l’accueillent dans l’humilité de la foi. Moïse, dans l’extrait du Deutéronome choisi comme première lecture, rappelle que, si Dieu a choisi Israël et l’a destiné à devenir son peuple, c’est gratuitement, parce qu’il l’aime. Le Psaume 102 invite alors à bénir le Seigneur en citant en quelque sorte les qualités de son cœur, lui qui est « tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ». Un beau passage de la première lettre de saint Jean revient sur cet amour de Dieu qui ne fait qu’un avec lui et se manifeste dans le don de son Fils. C’est en lui que nous sommes invités à demeurer et à lui donner consistance dans la charité fraternelle, lieu par excellence où Dieu se manifeste. L’Évangile donne alors la parole à Jésus qui loue le Père d’avoir révélé son mystère aux petits et nous invite à nous mettre à son école pour le suivre. Une piste de prédication, en cette année A, pourrait donc être de mettre en valeur cette cascade de l’amour divin, débordant du cœur de Dieu, réalisé dans la personne de Jésus, et proposé à vivre dans la charité quotidienne qui construit l’Église.
Année B : Un cœur maternel qui contient la vie
(Os 11, 1…9 ; Is 12, 2…6 ; Ep 3, 8…19; Jn 19, 31-37)
Les lectures de l’année B mettent en valeur le vocabulaire de la naissance et de la tendresse maternelle. Le prophète Osée nous tourne d’abord vers la tendresse d’un Dieu qui éduque patiemment son peuple comme une mère son petit enfant. C’est cet élan de miséricorde qui le porte à revenir sur son projet de punir Israël de ses fautes. Le cantique tiré du chapitre 12 d’Isaïe célèbre, quant à lui, la majesté de Dieu qui s’exprime dans l’histoire à travers son action en faveur de son peuple. L’antienne, tirée d’Is 12, 3, anticipe l’image de la source qu’on trouvera dans l’Évangile. Le magnifique passage de la lettre aux Éphésiens montre alors comment le Christ nous donne accès à la richesse du mystère de Dieu et nous invite à rester enracinés dans son amour. L’Évangile reprend tout ce qui précède et nous place au pied de la croix. Du côté de Jésus qui donne sa vie jaillissent le sang et l’eau, signe de l’enfantement de l’humanité nouvelle qui sort de son cœur ouvert. Pourquoi ne pas tirer parti de ces lectures, très riches, pour bâtir une prédication sur le baptême, sacrement où Dieu nous engendre à sa vie et nous fait participer à l’intimité de son être ?
Année C : Un cœur de bon pasteur qui ramène à lui les hommes
(Ez 34, 11-16 ; Ps 22, 1…6 ; Rm 5, 5b-11 ; Lc 15, 3-7)
L’année C, enfin, est placée sous le signe du bon berger, analogie classique dans la Bible pour évoquer la sollicitude du Seigneur à l’égard d’Israël. C’est ainsi qu’à travers la voix d’Ézéchiel, Dieu, devant la faillite des bergers humains, annonce qu’il s’occupera lui-même de son peuple. Le psaume 22 répond à cette promesse en la déclinant sous un mode plus personnel et en célébrant le bon pasteur qui conduit chacun à la plénitude de la vie. Paul quitte apparemment ce vocabulaire pour montrer comment la mort du Christ réconcilie l’humanité avec Dieu. Mais l’Évangile récapitule l’ensemble de ces textes grâce à la parabole de la brebis perdue. L’auditeur comprend que c’est à travers le mystère de sa mort et de sa résurrection que le Christ Jésus lui-même part sauver la brebis perdue. Les derniers mots l’invitent alors à partager la joie que Dieu éprouve à réconcilier avec lui tous les pécheurs. Une piste pour la prédication pourrait être d’inviter chacun à se laisser chercher et conduire par celui dont la mission est de ramener vers le Père ses enfants dispersés.
Quelle que soit l’année liturgique, les choix du lectionnaire ouvrent de belles pistes pour une vraie catéchèse sur l’amour miséricordieux du Père en montrant comment il trouve sa pleine réalisation dans le don de son Fils Jésus, mort et ressuscité. Au seuil de la longue période du temps ordinaire qui suit le temps pascal, l’Église nous offre ainsi l’occasion de contempler toutes les facettes d’un amour qui ne fait qu’un avec Dieu lui-même et prend chair dans son Fils. Il reviendra aux différents acteurs de la liturgie de s’approprier la profondeur théologique de ces lectures pour aider le peuple chrétien à comprendre que fêter le Sacré-Cœur de Jésus n’est pas autre chose qu’aller tout simplement au cœur… de la foi.
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