Mai, le mois de Marie dans l’année liturgique
Par Jean Évenou, Prêtre du diocèse de Quimper, ancien membre de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements
Le mois de Marie est né à Rome autour du Collège romain tenu par les jésuites, avant d’atteindre la France seulement à la veille de la Révolution. C’est au XIXe siècle qu’il s’est vigoureusement implanté avec la multiplication des missions paroissiales, les congrégations mariales dans les collèges, et le développement de la dévotion mariale.
En concurrence avec le Temps pascal ?
Pourquoi le mois de mai a-t-il été retenu comme le mois de Marie ? Probablement parce que c’est le mois du renouveau de la nature avec les prairies diaprées, les aubépines en fleurs. A la chanson de la Renaissance « Ce mois de may ma verte cotte je vêtirai » fait écho au XIXe siècle le cantique : « C’est le mois de Marie, c’est le mois le plus beau ».
Rien d’étonnant si le mouvement liturgique, depuis le début du XXe siècle, allait à l’encontre d’un mouvement marial envahissant : comment ne pas constater que le mois de mai recouvrait, au risque de le submerger, le temps pascal ? Dans une lettre du 8 octobre 1943, vingt ans avant l’ouverture d’un concile œcuménique, auquel personne ne songeait, le P. Louis Bouyer, en souhaitant une réforme liturgique profonde, pronostiquait un renversement de tendance : « Autant dire que c’est ici (…) sans doute un « coup dur » pour les mois de ceci ou de cela, lesquels en sortiront ou radicalement transformés ou réduits à rien » (Dans P. Duployé, Les origines du Centre de Pastorale liturgique, Salvator, 1968, p. 293).
Moins radical, le Concile Vatican II, dans sa Constitution sur la liturgie, affirme nettement la primauté de celle-ci, et précise que les exercices de piété, comme ceux du mois de Marie, « doivent être réglés en tenant compte du temps liturgique et de façon à s’harmoniser avec la liturgie, à en découler d’une certaine manière et à y introduire le peuple, parce que, de sa nature, elle leur est de loin supérieure » (SC, 13).
Marie dans le mystère pascal
Qu’en est-il depuis bientôt cinquante ans ? Cela va du statu quo à la suppression pure et simple. Comment resituer le mois de Marie, là où il existe encore, dans la dynamique pascale de l’année liturgique ? Alors que le rôle de Marie est bien mis en valeur dans la liturgie de l’Avent et de Noël, le temps pascal est, lui, d’une sobriété qui n’a d’égale que celle des Évangiles : au Regina coeli, s’ajoute, comme clôture du mois de mai, la fête de la Visitation, déplacée du 2 juillet au 31 mai, dans les trois mois dont parle saint Luc (1, 56) qui séparent l’Annonciation du Seigneur de la naissance de Jean Baptiste.
Comment harmoniser les éléments traditionnels du mois marial avec l’orientation du temps pascal ? La solution la plus opportune serait de mettre en évidence la participation de la Vierge Marie au mystère pascal (cf. Jn 19, 25-27) et à l’événement de la Pentecôte (cf. Act 1, 14) qui inaugure le chemin de l’Église, qu’elle-même, Marie, a parcouru. La prière du Rosaire à travers la méditation des mystères glorieux rejoindrait ainsi la prière des Apôtres autour de la mère de Jésus dans l’attente de l’Esprit de Pentecôte.
Extrait du Directoire sur la Piété populaire et la Liturgie
(…) Durant le mois de mai, qui coïncide en grande partie avec les cinquante jours du temps liturgique de Pâques, les exercices de piété doivent mettre en évidence la participation de la Vierge Marie au mystère pascal (cf. Jn 19, 25,27) et à l’événement de la Pentecôte (cf. Ac 1, 14), qui inaugure le chemin de l’Eglise, c’est-à-dire un itinéraire qu’elle-même, en participant à la nouveauté inaugurée par le Ressuscité, parcourt sous la conduite de l’Esprit Saint. Et puisque cette période des « cinquante jours » et le temps liturgique particulièrement consacré à la célébration de la mystagogie des sacrements de l’initiation chrétienne, les exercices de piété du mois de mai peuvent utilement mettre en évidence la place éminente que la Vierge Marie, glorifiée dans le ciel, occupe sur la terre, « ici et maintenant », dans la célébration des sacrements du baptême, de la confirmation et de l’Eucharistie.
Il est nécessaire, dans tous les cas, de se conformer très soigneusement à la directive de la Constitution Sacrosanctum Concilium, selon laquelle « on orientera l’esprit des fidèles avant tout vers les fêtes du Seigneur, par lesquelles se célèbrent pendant l’année les « mystères du salut »(SC 108), auxquels il est certain que la bienheureuse Vierge Marie a été associée. »