Jubilé 2025 : 1700e anniversaire du concile œcuménique de Nicée

L’empereur Constantin (au centre) avec les évêques du concile de Nicée tenant anachroniquement le texte du « Symbole_de_Nicée-Constantinople » dans sa forme liturgique grecque fondée sur le texte adopté au premier concile de Constantinople (381 apr. J.-C.).

Le 20 mai 2025 aura lieu le 1700e anniversaire de l’ouverture du premier concile œcuménique, celui de Nicée en 325. Réuni pour préserver l’unité de la foi – certains niaient alors la divinité de Jésus-Christ et son égalité avec le Père -, ce concile est entré dans l’histoire principalement pour son Credo, complété ensuite par le Concile de Constantinople en 381. Si souvent proclamé dans la liturgie, ce Credo offre des ressources pour soutenir la foi des chrétiens et leur unité de l’Orient à l’Occident, ressources décisives dans la perspective de l’évangélisation du monde d’aujourd’hui en attente d’espérance.

L’anniversaire de Nicée au cours du Jubilé 2025 : une opportunité

Le 1700e anniversaire du Concile de Nicée aura lieu au cours du Jubilé 2025. Dans la bulle d’indiction pour l’Année sainte, Spes non confundit, « l’espérance ne déçoit pas », le pape François a invité tous les chrétiens, en Occident comme en Orient, à saisir cette opportunité pour « s’unir dans la louange et l’action de grâce à la Sainte Trinité et en particulier à Jésus-Christ, le Fils de Dieu, “consubstantiel au Père”, qui nous a révélé ce mystère d’amour ». Cet anniversaire « représente aussi une invitation à toutes les Églises et communautés ecclésiales à poursuivre le chemin vers l’unité visible ». On lit au numéro 17 de Spes non confundit, bulle d’indiction du Jubilé 2025 | Liturgie & Sacrements : 

  1. Un anniversaire très important pour tous les chrétiens tombera au cours du prochain Jubilé. En effet, cela fera 1700 ans que le premier grand Concile œcuménique, le Concile de Nicée, a été célébré. Il convient de rappeler que, depuis les temps apostoliques, les pasteurs se sont à plusieurs reprises réunis en assemblée pour traiter de questions doctrinales et disciplinaires. Dans les premiers siècles de la foi, les synodes se sont multipliés tant en Orient qu’en Occident, montrant l’importance de préserver l’unité du Peuple de Dieu et la fidélité à l’annonce de l’Évangile. L’Année Jubilaire pourrait être une occasion importante pour concrétiser cette forme synodale que la communauté chrétienne perçoit aujourd’hui comme une expression de plus en plus nécessaire pour mieux répondre à l’urgence de l’évangélisation : tous les baptisés, chacun avec son charisme et son ministère, coresponsables pour que de multiples signes d’espérance témoignent de la présence de Dieu dans le monde.

Le Concile de Nicée avait pour mission de préserver l’unité gravement menacée par la négation de la divinité de Jésus-Christ et de son égalité avec le Père. Environ trois cents évêques étaient présents, réunis dans le palais impérial, convoqués par l’empereur Constantin, le 20 mai 325. Après divers débats, ils se sont tous reconnus, par la grâce de l’Esprit, dans le Symbole de la foi que nous professons encore aujourd’hui dans la célébration eucharistique dominicale. Les pères du Concile ont voulu commencer ce Symbole en utilisant pour la première fois l’expression « Nous croyons », pour témoigner que dans ce “Nous”, toutes les Églises étaient en communion, et que tous les chrétiens professaient la même foi.

Le Concile de Nicée est une pierre milliaire dans l’histoire de l’Église. Son anniversaire invite les chrétiens à s’unir dans la louange et l’action de grâce à la Sainte Trinité et en particulier à Jésus-Christ, le Fils de Dieu, « consubstantiel au Père », qui nous a révélé ce mystère d’amour. Mais Nicée représente aussi une invitation à toutes les Églises et communautés ecclésiales à poursuivre le chemin vers l’unité visible, à ne pas se lasser de chercher les formes adéquates pour répondre pleinement à la prière de Jésus : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » ( Jn 17, 21).

Le Concile de Nicée a également discuté de la date de Pâques. À ce sujet, il y a encore aujourd’hui des positions divergentes qui empêchent de célébrer le même jour l’événement fondateur de la foi. Par un concours de circonstances providentiel, cela aura précisément lieu en 2025. Cela doit être un appel à tous les chrétiens d’Orient et d’Occident pour qu’ils fassent un pas décisif vers l’unité autour d’une date commune de Pâques. Beaucoup, il est bon de le rappeler, n’ont plus connaissance des polémiques du passé et ne comprennent pas comment des divisions peuvent subsister sur ce sujet.

« Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur. 1700e anniversaire du concile œcuménique de Nicée (325-2025), un document de la Commission Théologique Internationale publié le 3 avril 2025 

Pour éclairer cet anniversaire, qui aura lieu pendant le Jubilé de l’espérance et, qui plus est, une année où les chrétiens à la fois d’Orient et d’Occident fêteront le même jour Pâques, cet événement fondateur de la foi, la Commission Théologique Internationale (CTI) a décidé de lui consacrer un long document. En 124 paragraphes, la CTI rappelle le sens fondamental du Credo pour aider à son approfondissement dans la foi, et cherche à mettre en évidence ses ressources pour la vie même de la communauté chrétienne.

Plan du document de la Commission Théologique Internationale 

Note préliminaire
Introduction : Doxologie, théologie et annonce
Chapitre 1 : Le Symbole pour le salut : doxologie et théologie du dogme de Nicée
Chapitre 2 : Le symbole de Nicée dans la vie des croyants. « Nous croyons comme nous baptisons ; et nous prions comme nous croyons »

Chapitre 3 : Nicée comme évènement théologique et comme évènement ecclésial
Chapitre 4 : Garder la foi accessible à tout le peuple de Dieu

Conclusion : Annoncer à tous Jésus notre Salut aujourd’hui

Dans le deuxième chapitre en particulier, le texte souligne que la richesse de Nicée, même après dix-sept siècles, peut orienter l’existence chrétienne quotidienne. Ce chapitre intitulé « Le symbole de Nicée dans la vie des croyants » (§ 48 à 69) explore comment la liturgie et la prière ont été fécondées dans l’Église depuis cet événement, qui constitue un tournant dans l’histoire du christianisme. « Nous croyons comme nous baptisons ; et nous prions comme nous croyons », comme le montre l’histoire de la réception de ce Concile dans la pratique liturgique et sacramentelle, dans la catéchèse et la prédication, dans la prière et les hymnes du IVe siècle. Une réception qui peut encore éclairer nos pratiques actuelles.

Prélude : la foi confessée dans la foi vécue

48. La foi professée à Nicée a un riche contenu dogmatique qui a été déterminant pour l’établissement de la doctrine chrétienne. Cependant, l’enjeu de cette doctrine était et demeure de nourrir et guider la vie du croyant. En ce sens, il est possible de mettre en lumière un véritable trésor spirituel du Concile de Nicée et de son Symbole, une « source d’eau vive » à laquelle l’Église est appelée à puiser aujourd’hui et toujours […] Ce trésor se dévoile directement dans la manière dont la foi de Nicée naît de la lex orandi et a nourri celle-ci. D’ailleurs, les synodes ne se proposaient jamais de limiter leurs débats au domaine spéculatif des énoncés de foi. Au contraire, les participants de ces synodes avaient à cœur d’échanger sur la totalité de la vie ecclésiale, sur la meilleure manière de s’imprégner au quotidien des vérités de foi et de les pratiquer et, inversement, de régler leur enseignement sur l’orthopraxie liturgique, sacramentelle, et même éthique. Les évêques, en somme, emmenaient spirituellement avec eux dans les conciles les membres du corps de l’Église, avec lesquels ils partageaient la vie de foi et de prière, et avec lesquels ils chantaient la louange et la gloire du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, un seul Dieu. Ainsi, pour saisir la portée spirituelle et théologale du dogme de Nicée, il convient d’explorer sa réception dans la pratique liturgique et sacramentelle, la catéchèse et la prédication, la prière et les hymnes du IVe siècle.

  1. Baptême et foi trinitaire
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    49. Avant même que la doctrine de la Trinité ne se développe théologiquement, la foi en la Trinité était au fondement de la vie chrétienne célébrée dans le baptême. La profession de foi baptismale prononcée dans la formule sacramentelle du baptême n’exprimait pas simplement un mystère théorique mais la foi vivante qui se référait à la réalité du salut donné par Dieu, et donc à Dieu lui-même. La foi baptismale donne une « connaissance » de Dieu qui est en même temps un accès au Dieu vivant. Ainsi, l’apologiste Athénagoras assure : « Il existe […] des hommes […] qui se laissent guider uniquement par le désir de connaîtrele vrai Dieu et son Verbe, de savoir ce qu’est l’unité du Fils avec le Père, ce qu’est la communion du Père avec le Fils, ce qu’est l’Esprit, ce que sont l’union et la distinction des trois personnes ainsi confondues, l’Esprit, le Fils et le Père. »

50. C’est pourquoi la formule baptismale, dans laquelle le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont placés sur un pied d’égalité, constitue l’argument central contre Arius et ses disciples, bien plus que le recours à un raisonnement théologique. […].

51. Cela dit, pour Athanase et les Pères Cappadociens, il ne s’agit pas simplement de prononcer la formule trinitaire, mais le baptême suppose la foi en la divinité de Jésus-Christ. Ainsi, l’enseignement de la foi droite est nécessaire et fait partie de la pratique conforme du baptême. Athanase cite comme fondement la formulation du précepte en Mt 28,19 : « Allez… enseignez… et baptisez ». C’est pourquoi Athanase – tout comme Basile et Grégoire de Nysse – nie toute efficacité au baptême arien, car ceux qui considèrent le Fils comme une créature n’ont pas une juste conception de Dieu le Père : celui qui ne reconnaît pas le Fils ne comprend pas non plus le Père et ne « possède » pas le Père, car le Père n’a jamais commencé à être Père. »

2. Le Symbole de Nicée comme confession de foi
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52. Non seulement la confession de foi nicéenne est l’expression de la foi baptismale mais il se peut qu’elle provienne directement d’un symbole baptismal de l’Église de Césarée en Palestine (si on prête foi à ce que dit Eusèbe). Trois ajouts auraient été faits : «… c’est-à-dire de la substance du Père », « engendré, non pas créé », et « consubstantiel au Père (homoousios) ». De cette manière, il est établi avec une bouleversante clarté que celui qui « a pris chair pour nous les hommes … et a souffert » est Dieu, homoousion tō Patri. Pourtant, tout en étant « dela substance du Père » (ek tēs ousias tou Patros), il est distinct du Père en tant qu’il est son Fils.  Par lui, qui « s’est fait homme pour notre salut », nous savons ce que signifie le fait que le Dieu trinitaire « est amour » (1 Jn 4,16). Ces ajouts sont essentiels et marquent l’originalité propre et l’apport déterminant de Nicée, mais il convient en même temps de souligner sans cesse que le Symbole en tant que symbole de foi s’enracine originellement dans le cadre liturgique, qui est son milieu vital et donc le cadre où il prend tout son sens. Il ne s’agit certainement pas d’un exposé théorique mais d’un acte de la célébration baptismale, qui s’enrichit du reste de la liturgie et l’éclaire à son tour. Nos contemporains peuvent parfois avoir l’impression que le credo est un exposé très théorique parce qu’ils en ignorent l’enracinement liturgique et baptismal.

53. Dans ce sens, la foi de Nicée reste et demeure un «symbolon » ekthesis », « pistis »), c’est-à-dire une confession de foi. Elle peut se distinguer d’une interprétation ou d’une définition théologique technique plus précise visant à protéger la foi (« oros », « definitio »), comme l’a par exemple proposée le concile de Chalcédoine. En tant que symbole, la Confession de Nicée est une formulation positive et une explicitation de la foi biblique. Elle ne prétend pas être une nouvelle définition, mais bien une évocation de la foi des apôtres : « Cette foi, le Christ l’a donnée, les apôtres l’ont annoncée, les Pères de toute notre Oikoumenē réunis à Nicée l’ont transmise (paradosis). »

54. De même, c’est en raison de son statut de confession de foi et précisément de la foi apostolique, et non en tant que définition ou enseignement, que le symbole de Nicée est considéré dans la période suivante (au moins jusqu’à la fin du Vsiècle) comme la preuve décisive de l’orthodoxie. C’est pourquoi il est utilisé comme texte de base lors des conciles suivants […] Notons que la profession de foi peut être exprimée au singulier – « je crois » – mais qu’elle est souvent au pluriel : « nous croyons » ; de même, la prière du Seigneur est au pluriel : « Notre Père… ». Ma foi radicalement personnelle et singulière s’inscrit tout aussi radicalement dans celle de l’Église, comme communauté de foi. Le symbole de Nicée et l’original grec du symbole de Nicée-Constantinople s’ouvrent par le pluriel « nous croyons », « pour témoigner que dans ce “Nousˮ, toutes les Églises étaient en communion, et que tous les chrétiens professaient la même foi. » […]

Ce « nous » de la profession s’expérimente en particulier lors de la vigile de Pâques et dans toute liturgie baptismale : « le symbole de Nicée-Constantinople est proclamé dans sa forme la plus solennelle qui est dialoguée. Cette profession de foi qui fonde la vie chrétienne individuelle et la vie de l’Église trouvera toute sa force si elle est enracinée dans la révélation faite à nos “frères aînés” et nos “pères dans la foi” et vécue en communion visible par tous les disciples du Christ » (n. 47). On comprend dès lors que le dernier numéro du texte de la CTI souligne de même la dimension toujours ecclésiale de l’annonce du salut, en cohérence avec ce que montre la genèse paradigmatique du Credo de Nicée, né de la liturgie et qui y manifeste sa force :

  1. Annoncer Jésus notre Salut à partir de la foi exprimée à Nicée, c’est l’annoncer en Église. C’est l’annoncer par le témoignage de la fraternité inouïe fondée en Christ. C’est faire connaître les merveilles par lesquelles l’Église “une, sainte, catholique et apostolique” est le « sacrement universel du salut » et donne accès à la vie nouvelle : le trésor des Écritures que le Symbole interprète, la richesse de la prière, de la liturgie et des sacrements qui découlent du baptême professé à Nicée, la lumière du magistère qui est au service de la foi partagée. Ce trésor, toutefois, « nous le portons dans des vases d’argile » (2 Co 4,7). Or cela est juste, car l’annonce sera féconde uniquement s’il y a consonance entre la forme du message et son contenu, entre la forme du Christ et la forme de l’évangélisation. Dans le monde d’aujourd’hui, il s’agit en particulier de garder à l’esprit que la gloire que nous avons contemplée est celle du Christ « doux et humble de cœur » (Mt 11,29), qui a proclamé : « Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage » (Mt 5,5). Le Crucifié-Ressuscité est réellement victorieux, mais il s’agit d’une victoire sur la mort et le péché et non pas sur des adversaires – il n’y a pas de perdants dans le Mystère Pascal, si ce n’est le perdant eschatologique, Satan le diviseur. L’annonce de Jésus notre Salut n’est pas un combat, mais plutôt une conformation au Christ, lui qui regardait ceux qu’il rencontrait avec amour et compassion (Mc 10,21 ; Mt 9,36) et se laissait guider par un autre, par l’Esprit du Père. L’annonce sera féconde si c’est le Christ qui agit en nous : « Il est bon de se rappeler qu’en envoyant ses disciples en mission, “le Seigneur agissait avec euxˮ (Mc 16, 20). Il est là, travaillant, luttant et faisant le bien avec nous. D’une manière mystérieuse, c’est son amour qui se manifeste par notre service, c’est lui qui parle au monde dans ce langage qui parfois n’a pas de mots.