La prière de bénédiction de l’huile des malades
Par Arnaud Toury, Prêtre, délégué de pastorale liturgique et sacramentelle du diocèse de Reims
Selon l’usage de la liturgie latine, depuis le début du IIIe siècle (Tradition apostolique d’Hippolyte), la prière de bénédiction de l’huile des malades est prononcée pendant la prière eucharistique, soit aujourd’hui au cours de la messe chrismale, juste avant la grande doxologie[1]. Ainsi la forme du rite établit nettement un lien entre l’eucharistie, mémorial de la passion et de la résurrection du Seigneur, et le sacrement des malades.
La maladie, un enjeu pascal
La prière de bénédiction évoque la situation dans laquelle sont les malades : ils sont frappés dans leur corps, leur âme et leur esprit, de douleurs, de souffrances physiques et morales. L’expérience de la maladie a une forte dimension pascale :
« Telle personne prendra conscience qu’elle est atteinte d’un mal qui ne lui laisse qu’un temps limité à vivre. Il y a d’autres cas où le danger vital est plus éloigné par les soins. Enfin, il y a la personne âgée qui prend conscience qu’elle est entrée dans la dernière étape de sa vie, étape qui l’achemine d’une manière irréversible vers la mort. »[2]
Dans tous les cas, la personne malade est conduite, malgré elle ou avec elle, à une lutte pour la vie contre le mal : « Il lui faut réapprendre à offrir sa vie, telle qu’elle lui est imposée par les circonstances »[3]. Au cœur de cette lutte, l’Église propose, de la part de Dieu, le sacrement des malades comme secours et comme soutien.
La source de tout réconfort
La prière de bénédiction de l’huile des malades s’ouvre par une adresse au Père, « de qui vient tout réconfort ». Il s’agit d’une citation de 2 Co 1, 3-4, où Paul évoque la « cascade du réconfort » à l’œuvre dans l’Église :
« Dans toutes nos détresses, il nous réconforte ; ainsi, nous pouvons réconforter tous ceux qui sont dans la détresse, grâce au réconfort que nous recevons nous-mêmes de Dieu. »
Ce grand réconfort qui jaillit du cœur du Père s’exprime dans le don qu’il nous a fait de son Fils (Jn 3, 16). Au cours de sa vie publique, Jésus n’a cessé de manifester la compassion divine, en multipliant les signes de guérison. Mais ultimement, c’est par sa mort et sa résurrection que nous est donnée la guérison de « toutes nos faiblesses et nos maladies » :
« Parce qu’il a souffert jusqu’au bout l’épreuve de sa Passion, il est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve » (He 2, 18) ; « Par ses blessures nous sommes guéris » (1 P 2, 24).
La force de la foi
En annonçant et en célébrant le mystère du Christ, l’Église supplie Dieu de poursuivre son œuvre de guérison et de salut. Elle redit à la suite des apôtres :
« Maintenant, Seigneur, sois attentif […] : donne à ceux qui te servent de dire ta parole avec une totale assurance. Étends donc ta main pour que se produisent guérisons, signes et prodiges, par le nom de Jésus, ton Saint, ton Serviteur. » (Ac 4, 29-30).
Cette prière, selon la formule de bénédiction de l’huile, est la prière de notre foi : dans de nombreux récits de guérison est soulignée l’importance de la foi, qui ouvre au don de Dieu et à l’accomplissement de sa volonté de vie (Mc 9, 24 ; 10, 52 ; Lc 8, 50 etc.). Dans l’onction des malades, la force de la foi ecclésiale vient soutenir la foi personnelle de tous ceux qui souffrent et qui luttent contre le mal.
L’Esprit Saint Consolateur
Au cœur de cette prière de l’Église sur l’huile des malades se trouve une véritable épiclèse : « Envoie du ciel ton Esprit Saint Consolateur ». Cette dernière dénomination fait référence au discours de Jésus après la Cène, dans l’évangile de Jean : « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Paraclet qui sera pour toujours avec vous » (Jn 14, 16, également 14, 26 et 16, 7). Le terme grec parakletos peut se traduire par « consolateur », mais il signifie plus largement « défenseur, intercesseur, avocat ». La consolation apportée par l’Esprit au cœur de l’épreuve n’est pas « un lot de consolation » : il est de notre côté dans le combat contre le mal sous toutes ses formes ; il lutte avec nous ; il vient au secours de notre faiblesse (Rm 8, 26) ; il est celui qui donnera vie à nos corps mortels (Rm 8, 11).
L’huile sainte
L’épiclèse donne à la prière une dimension consécratoire, bien qu’il s’agisse seulement d’une bénédiction (contrairement à la consécration du saint chrême). L’huile d’olive est appelée à devenir l’huile sainte au moyen de laquelle l’action de l’Esprit est rendue visible et tangible. L’onction dépasse alors le symbolisme du baume de massage, ou du lubrifiant du lutteur, pour signifier la transmission de la grâce. Elle relie le combat du souffrant à l’agonie du Christ au pressoir du Jardin des Oliviers. Gethsémani signifie en araméen « le pressoir à huile ». Elle révèle la dimension profondément spirituelle de l’épreuve, où il s’agit de s’ouvrir toujours plus à la volonté de celui qui nous dit : « Choisis donc la vie » (Dt 30, 19).
Prière de bénédiction de l’huile des malades
La prière de bénédiction de l’huile des malades est prononcée au cours de la messe chrismale.
Dieu notre Père, de qui vient tout réconfort,
par ton Fils, tu as voulu guérir toutes nos faiblesses et nos maladies,
sois attentif à la prière de notre foi :
envoie du ciel ton Esprit Saint Consolateur
sur cette huile que ta création nous procure pour rendre vigueur à nos corps.
Qu’elle devienne par ta bénédiction + l’Huile sainte que nous recevons de toi,
pour soulager le corps, l’âme et l’esprit des malades qui en recevront l’onction,
pour chasser toute douleur, toute maladie, toute souffrance physique et morale.
Que cette huile devienne ainsi l’instrument dont tu te sers pour nous donner ta grâce,
au nom de Jésus Christ, notre Seigneur, qui règne avec toi pour les siècles des siècles.
Prière de bénédiction de l’huile des malades au cours de la messe chrismale
Cet article est paru dans la revue Célébrer n°404.
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1. Pour des motifs pastoraux, la bénédiction de l’huile des malades, celle de l’huile des catéchumènes et la consécration du saint-chrême peuvent également avoir lieu après la liturgie de la Parole. Cf. Pontifical romain, Bénédiction de l’huile des catéchumènes, de l’huile des malades et confection du saint chrême, n° 11-12.
2. Sacrements pour les malades, Chalet-Tardy, note n° 57, p. 33.
3. Ibid.
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