Sainteté et ritualité

9 octobre 2016 : Trois mois après l'attentat de Nice, une fidèle catholique dépose un cierge avant la messe dominicale en l'église St Pierre d'Arène, située aux abords de la promenade des Anglais. Nice (06), France.

9 octobre 2016 : Trois mois après l’attentat de Nice, une fidèle catholique dépose un cierge avant la messe dominicale en l’église St Pierre d’Arène, située aux abords de la promenade des Anglais. Nice (06), France.

Par Bénédicte Ducatel, Collaboratrice à Magnificat

Les saints prennent, aujourd’hui, une place croissante dans la vie des croyants. Phénomène de mode ? Besoin de se rassurer ? Envie d’intercesseurs plus faciles à atteindre que la Majesté divine ? Ces questions actuelles nous invitent à regarder la place que l’Église donne aux saints dans la liturgie.

Qu’est-ce qu’un saint ?

Puisque Dieu seul est saint, il convient, en premier lieu, de définir ce que l’Église nomme « saint », en tenant compte de l’évolution de la notion au cours de l’histoire de l’Église.

La première acception du terme se trouve dans les lettres de Paul. Loin de vouloir délimiter un groupe de personnes particulièrement avancées dans la connaissance de Dieu et la pratique des vertus, Paul appelle « saints » les croyants de Rome, de Jérusalem et d’ailleurs, ceux qui ayant reçu le baptême sont rendus participants à la sainteté même de Dieu. Ainsi, tout baptisé est saint par le don de la grâce.

Assez rapidement, un glissement s’est produit dans la compréhension de la sainteté. Le titre de « saint » a été appliqué à ceux qui ont été conformés au Christ, non seulement par le baptême d’eau, mais par le baptême du sang : le martyre. Celui qui verse son sang au nom du Christ dans un acte d’amour et de charité est véritablement uni au Christ dans sa Passion et, comme lui, il entre dans la Vie.

La période des persécutions passée, la notion de sainteté s’est approfondie. Seront, et sont encore aujourd’hui, déclarés « saint » les hommes et les femmes qui ont mis en œuvre dans leurs paroles et dans leurs actes « la plénitude la vie chrétienne et la perfection de la charité. » (Lumen Gentium 40).

Le culte des saints

C’est à par tir du culte des défunts que s’est organisé le culte des saints. L’anniversaire de la mort des martyrs, leur dies natalis, jour de naissance au ciel, a ouvert la voie à l’organisation de la dévotion. Le culte rendu au défunt, en l’occurrence au martyr, se démarque du culte familial en devenant un culte officiel de l’Église locale. En ce jour anniversaire, la communauté rassemblée auprès de sa tombe – tout au moins au début – proposait son exemple à la vénération commune, puis se confiait à son intercession. Ainsi chaque Église locale tenait-elle un registre des confesseurs de la foi, prémices, dès le IIIe siècle, des premiers calendriers chrétiens.

L’élargissement de la notion de sainteté n’a pas changé la manière de rendre un culte aux saints, mais le culte, d’abord local, s’est répandu, chaque Église honorant certains saints d’une autre Église dans une communion plus étroite. Par ailleurs ce qui caractérise le culte des saints c’est la fête, c’est-à-dire la joie et l’allégresse, pendant de l’action de grâce.

Les saints dans la prière eucharistique

La vie et la mort du saint sont source d’action de grâce. En eux, le peuple chrétien reconnaît un témoin du Christ qui, comme lui et avec lui, rend compte de la puissance du mystère pascal. Au fil des siècles, l’habitude a été prise par les différentes Églises, tant en Orient qu’en Occident, d’insérer le nom des saints dans la Prière Eucharistique. L’introduction de ces listes est relativement tardive par rapport à la composition des anaphores, c’est pourquoi selon les familles liturgiques, elles se situent à des places différentes et peuvent parfois s’apparenter à une litanie. Le Canon romain quant à lui comporte deux listes relativement courtes.1

L’intention de l’Église, en introduisant les saints dans la Prière Eucharistique, est d’unir l’Église du ciel et de la terre dans une même action de grâce et de manifester la communion des saints, vivant dans la gloire ou vivant ici-bas.

Une fête pour tous les saints

À partir de ce cœur de la prière de l’Église qu’est la Prière Eucharistique, la piété populaire a cherché à donner une expression plus vivante à sa dévotion et dès la moitié du IVe siècle on trouve une fête de « tous les saints confesseurs » le vendredi de l’octave de Pâques. Quant à Rome, la dédicace du Panthéon, au début du VIIe siècle, inaugure une fête de « Marie et de tous les saints martyrs » le 13 mai. Le VIIIe siècle voit apparaître en Angleterre une solennité de « tous les Saints », fixée au 1er novembre, qui va se répandre dans tout l’empire carolingien. Les saints fêtés ne sont plus les seuls martyrs, mais la foule immense des saints dont Dieu seul connaît le nom. On retrouve ici, le sens baptismal de la sainteté donné par Paul dans ses lettres.

Les saints dans la liturgie aujourd’hui

Le Concile rappelle que « dans l’anniversaire des saints, l’Église proclame le mystère pascal en ces saints qui ont souffert avec le Christ et son glorifiés avec lui 2». Il convient donc toujours de situer la dévotion au regard du mystère pascal et de privilégier, dans la liturgie, les mystères du Christ qui conduisent les croyants à participer à la sainteté même de Dieu. Le cycle liturgique se déploie selon le grand mouvement des mystères du Christ avec Pâques en son centre, les fêtes des saints étant placées de manière à recevoir la lumière de ce noyau central.

C’est pourquoi, les mémoires obligatoires et facultatives s’insèrent avec discrétion dans ce cycle.3

Les canonisations, nombreuses ces dernières années, n’ont en général que peu d’influence sur le cycle liturgique, car la canonisation n’entraîne pas l’inscription au calendrier général 4. Ainsi la dévotion peut prendre une orientation qui reste sans influence sur la liturgie qui est toujours célébration du mystère pascal.

1. 1ère liste : Marie, les douze apôtres (avec Paul, mais sans Matthias) et neuf martyrs. 2e liste : Jean Baptiste, Étienne, Matthias et Barnabé, et onze martyrs (dont cinq femmes) qui ne sont pas tous romains, mais honorés à Rome avant le Ve siècle.

2. Sacrosanctum concilium, n° 104.

3. La Présentation générale du Missel romain demande de privilégier le cycle des lectures suivies de semaines, plutôt que celles du sanctoral, et pour les oraisons, seule celle d’ouverture est requise les jours de mémoire obligatoire.

4. Notification sur l’inscription des saints au calendrier romain général, Congrégation pour le culte divin, 25 décembre 2006.

 

Pour approfondir :

  • L’Église en prière, t. IV, Le temps et la liturgie, chapitre IV, « Le culte des saints », p. 124-145.
  • L’Église en prière, t. II, L’Eucharistie, « Les prière d’intercession », p. 121-123.
  • Directoire sur la piété populaire et la liturgie, chapitre VI, « la vénération des saints et des bienheureux », p. 174-177 ;
    191-196.
  • André Haquin, « Le culte des saints dans la réforme de Vatican II », LMD 238, 2004/2, p. 87-102

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