Les bénédictions, solidement ancrées dans les traditions
Par Serge Kerrien, Diacre permanent du diocèse de Saint Brieuc-Tréguier
Beaucoup de chrétiens restent attachés aux bénédictions, surtout à celles qui sont fortement ancrées dans les traditions populaires ou les pardons. Pourtant, on peut se demander s’il faut bénir un bateau, des chevaux, les motos, une maison. L’Eglise a répondu en publiant en 1984 un Livre des bénédictions. Comment comprendre les rites de bénédiction ?
Dieu, source de tout bien
Dans l’Ancien Testament, Dieu bénit l’homme (Gn 1, 22 et 28) en signe d’alliance. Dans d’autres passages (Lv 9, 22 – 23 ; Nb 6, 24 – 26) le roi, puis les prêtres bénissent le peuple au nom du Seigneur en invoquant son nom. Ces bénédictions témoignent de la présence bienfaisante et agissante de Dieu, source de toute bonté.
D’autres passages de l’Ecriture montrent l’homme bénissant Dieu. Cette bénédiction-là est tout autre : c’est un mouvement d’émerveillement et de reconnaissance pour l’action de Dieu. Et les motifs de bénédiction sont souvent évoqués (Gn 24, 27 ; Ex 18, 10 ; et dans de nombreux psaumes).
Le Nouveau Testament nous montre Jésus pratiquant la bénédiction (Mt 14, 19 ; Mc 14, 22) ; ces bénédictions sont d’abord une louange à Dieu. Bénir devient alors un geste qui nous tourne vers Dieu pour lui dire toute notre reconnaissance, pour proclamer qu’Il est la source de tout don. Jésus bénit aussi des personnes (Mc 10, 16 ; Lc 24, 50 – 51) pour signifier que le salut leur est donné.
Le début de la lettre aux Ephésiens nous fait découvrir que le Christ est au cœur de la bénédiction offerte par le Père aux hommes (Ep 1,3). Désormais, proclamer les merveilles de Dieu, c’est faire mémoire du Salut dans le Christ. Le chrétien annonce la Bonne Nouvelle et il en rend grâce en bénissant Dieu en toute chose (1 Co 10,31). C’est le sens même du sacrifice spirituel que Paul demande aux chrétiens ; c’est le sens des bénédictions.
Sacrements, sacramentaux et bénédictions
Tous les sacrements comportent des bénédictions dont la liturgie eucharistique est la forme la plus aboutie. Cette dimension de louange adressée à Dieu se trouve normalement dans les oraisons, le psaume, la préface, la présentation des dons. Il en est ainsi pour tous les sacramentaux (funérailles, consécration religieuse, dédicace d’une église, liturgie des heures, etc.). Dans toute liturgie, le chrétien est invité à entrer en Alliance avec Dieu ; la bénédiction est le moment privilégié de cette invitation.
Le livre des bénédictions
Il débute par la bénédiction des personnes, invitées à bénir Dieu dans leurs différentes situations : familles, enfants, associations d’entraide missionnaires et catéchistes. On trouve ensuite tout ce qui concerne l’activité humaine ; il s’agit ici de discerner la présence de Dieu dans tous les événements de la vie pour mieux vivre selon l’Évangile. La bénédiction du travail des champs, des fruits de la terre, de l’eau… invite l’homme à prendre sa responsabilité envers la nature et à exprimer la bienveillance de Dieu s’exprimant à travers l’initiative des hommes. Quant à la bénédiction des animaux, pour ne pas paraître folklorique, elle vise à rendre grâce pour la création tout entière et toutes les créatures qui la peuplent. Viennent ensuite les objets de culte, les objets de dévotion et des bénédictions diverses.
Quelques points d’attention
Il convient, à propos des bénédictions, d’exercer un vrai discernement. On ne bénit pas n’importe quoi (par exemple de l’armement, un monument qui n’a rien à voir avec un agir chrétien). On se demandera toujours si la bénédiction a du sens pour le moment, le lieu, les personnes présentes et si elle peut être vécue dans la foi.
De nombreuses bénédictions sont possibles ; ce n’est pas certain, non plus, qu’elles favoriseront la vie chrétienne et annonceront l’Evangile. Il importe de penser une préparation pastorale et catéchétique de la bénédiction. Elle doit être perçue comme le signe de la bienveillance de Dieu et porter vers Dieu l’action de grâce de ceux qui la reçoivent. Il faut donc l’évangéliser. Cela signifie qu’avant toute bénédiction, la Parole de Dieu sera proclamée et commentée et que tout rite comportera une prière de louange qui s’achève par le Notre Père. Ainsi, la bénédiction est-elle mise en lien avec le désir du règne de Dieu.
Enfin la bénédiction est faite pour stimuler la foi, le témoignage de vie chrétienne, la communion fraternelle, l’action de grâce. Cette dimension missionnaire ne saurait être oubliée ; elle fait de toute bénédiction une invitation à suivre le Christ.