La liturgie, cadre naturel des célébrations domestiques

Rencontre de jeunes autour de la Parole de Dieu.

Rencontre de jeunes autour de la Parole de Dieu.

Les liturgies domestiques se sont multipliées lors des confinements liés à la crise sanitaire. D’autres circonstances peuvent inciter à renouveler exceptionnellement cette expérience. Voici quelques éléments de discernement visant à ce que les célébrations proposées offrent un authentique chemin de rencontre de Dieu et servent la croissance de l’Église.

La pandémie qui a frappé notre société en 2020 a obligé à repenser les liens sociaux et les modes d’expression de la fraternité humaine. Dans ce contexte, l’Église, peuple de Dieu, a été invitée à repenser la manière de vivre sa foi dans une vie liturgique, non plus déployée au sein de la paroisse, qui est son lieu de rassemblement habituel, mais dans nos maisons. L’article qui suit a été écrit en novembre 2020 au début du deuxième confinement national décidé pour faire face à la recrudescence de l’épidémie de Covid-19. Il visait alors à indiquer divers repères nécessaires pour que nos liturgies domestiques offrent un authentique chemin de rencontre de Dieu, un chemin qui contribue à la croissance de l’Église. Nous sommes sortis de la crise sanitaire, mais cet article demeure pertinent pour éclairer diverses situations se présentant aujourd’hui et qui incitent à proposer à nouveau une liturgie domestique comme un chemin de sanctification. Le lecteur saura adapter le texte proposé et l’enrichir en lisant un ouvrage comme « Les liturgies domestiques », paru dans la collection « Célébrer » en septembre 2023.

Déployer la vie liturgique dans les maisons, une option possible et nécessaire

« Les fidèles, affirme le concile Vatican II, incorporés à l’Église par le baptême, grâce au caractère dont ils sont marqués, sont députés au culte religieux chrétien » (Lumen Gentium, 11). Le baptême rend donc les fidèles aptes à prier selon les règles liturgiques, bien que n’ayant pas le soutien d’un ministre ordonné.

En effet, la prière chrétienne, si elle trouve son sommet et sa source dans la célébration de l’eucharistie présidée par un ministre ordonné, a la capacité de se déployer sous d’autres formes dont l’Église, dans sa sagesse, donne le cadre non figé, mais adaptable à bien des situations de vie. C’est la raison pour laquelle il est non seulement envisageable de célébrer dans nos maisons, en famille, mais la contrainte sanitaire nous encourage à passer de l’aptitude aux actes.

L’Église domestique : une pratique traditionnelle

Un bref retour dans l’histoire nous rappelle que la jeune Église a commencé à se réunir dans la maison de l’un ou l’autre de ses membres. Les Actes des Apôtres le disent avec simplicité : les Apôtres « montèrent dans la chambre haute où ils se tenaient habituellement » (Ac 1, 13) ; « ils rompaient le pain dans les maisons » (Ac 2, 46). Les églises n’existaient pas, mais l’Église se rassemblait chez Prisca et Aquilas (Rm 16, 5), chez Narcisse (Rm 16, 11) ou chez Philémon (Phm 2). Ces Églises sont dites « domestiques » parce qu’elles se réunissaient dans les maisons, domus en latin.

Il en fut ainsi, jusqu’au IVe siècle. Nous en avons le témoignage dans les écrits de saint Jean Chrysostome : « Fais de ta maison une Église ». Il invitait les familles à dresser une double table, celle des « vivres » parce qu’elle donne les « germes de la terre » et celle des « paroles qui nourrissent » parce qu’elle déploie en nous « les fruits de l’Esprit ».

Aux yeux des premiers chrétiens, la maison est un lieu clef de la transmission de la foi, mais aussi de la prière liturgique.

Célébrer aujourd’hui en « maisonnées »

Ce détour par l’histoire n’invite pas, bien sûr, à déserter les églises quand, en temps normal, il est possible de s’y retrouver. Le rassemblement qu’elles permettent, en particulier le dimanche, est vital pour la vie de foi autant que pour le signe donné au cœur de la société. Les premiers chrétiens n’ont pas partagé cette chance qui est habituellement la nôtre. En retour, la période actuelle incite à renouer avec cet aspect traditionnel un peu oublié de la vie de l’Église et que le dernier concile a rappelé : la famille est la première Église où se construit, entre autres, l’identité chrétienne des enfants. (cf. à nouveau Lumen gentium, n° 11).

N’oublions pas cependant, que pour les premiers chrétiens, la « maisonnée » allait bien au-delà de la famille composée des seuls parents et enfants, elle s’élargissait à tous ceux qui gravitaient autour de la maison.

Aujourd’hui, si les familles sont le lieu naturel de la mise en œuvre de liturgies domestiques, ces liturgies devraient aussi être déployées dans des maisons de retraite, entre personnes vivant en colocation, entre voisins parfois, entre deux familles proches, etc. De même, il serait nécessaire de donner aux personnes vivant dans la solitude les moyens de vivre une authentique vie liturgique spirituellement féconde.

Mais habitués à la célébration eucharistique dominicale, nous pourrions nous sentir démunis devant la responsabilité qui nous incombe de prier liturgiquement. Or l’Église ne nous laisse pas sans ressource, au risque de nous abandonner à une créativité arbitraire. Au contraire, sa liturgie offre un cadre normatif que nous pouvons adapter selon les lieux et les circonstances.

Les ressources de la liturgie de l’Eglise pour bâtir une liturgie domestique

La prière liturgique comporte des éléments structurels précieux pour bâtir toute liturgie :

  • Elle est toujours adressée au Père par le Fils dans l’Esprit, ce que rappelle le signe de la croix qui ouvre toute célébration.
  • Elle est ritualisée, c’est-à-dire qu’elle suit un déroulement connu à l’avance dans lequel les personnes présentent se reconnaissent comme appartenant au même corps.
  • Elle suit une dynamique qui conduit les participants à entrer en communion avec Dieu, communion d’âme, de cœur et d’esprit tendue vers la communion sacramentelle impossible à réaliser dans les circonstances actuelles.

La prière liturgique se fonde sur deux axes : proclamer la gloire de Dieu qui fait merveille dans la vie de ses enfants, la plus grande merveille étant l’œuvre du salut, et en conséquence prier pour le salut du monde dans lequel nous vivons.

Selon ce modèle, toute liturgie comportera :

  • un temps consacré à la proclamation des merveilles de Dieu par le chant, la psalmodie, l’écoute de la Parole (éventuellement suivi d’un court commentaire ou d’un partage simple de ce qui nous touche dans la parole), puis
  • un temps d’intercession et de prière dont le sommet est le Notre Père, qui est à la fois la parfaite prière enseignée par le Christ et le moment de communion à toute l’Église qui, ici et là, dispersée dans le monde autant que par les circonstances, se trouve ainsi unie. Une oraison, une bénédiction plus ou moins développée conclurons la célébration.

Appuyées sur cette source qu’est la liturgie de l’Église, les liturgies domestiques deviennent plus riches qu’un simple décalque de la liturgie eucharistique en manque de sa part sacramentelle, mais une véritable liturgie de la Parole où le Christ, Verbe, Parole faite chair, se donne à connaître et à aimer. À cet égard, la Liturgie des heures offre un modèle sûr, que chacun pourra utiliser, en l’adaptant selon les circonstances : choix des psaumes et de leur nombre, choix des lectures, celles du dimanche ou d’autres, choix de chants, choix des prières, des oraisons, etc. Ainsi la Parole priée et méditée deviendra plus sûrement nourriture pour chacun, tout en faisant grandir entre tous un esprit de famille où Dieu reconnaitra celui qui anime son Eglise.

SNPLS

Pour aller plus loin

"Fais de ta maison une église"

Mais qu’est-ce qu’une « église domestique » ? Pour le comprendre, le site du diocèse de Versailles propose une série de quatre vidéos publiées sur la chaine YouTube de la paroisse de Poissy-Villennes-Médan (78). Christophe Dickès, historien, y raconte comment les premières communautés chrétiennes vivaient et se rassemblaient avant la construction des églises.

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Elaboré par l’équipe PLS du diocèse de Strasbourg pour vivre les dimanches du temps pascal à l’occasion du premier confinement (avril 2020)