Pourquoi pratiquer le baptême par immersion ?
Par Paul De Clerck, Curé de paroisse à Bruxelles (Belgique), professeur honoraire de l’Institut Catholique de Paris.
Le Rituel du baptême recommande de baptiser par immersion ; qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes, il prévoit que les baptisés soient plongés dans l’eau ; si ce n’est pas possible, on leur versera de l’eau sur la tête. Ceci à l’encontre des habitudes, bien sûr. Ce n’est pas pour rien !
Le geste de l’immersion est en effet infiniment plus expressif. L’immersion, tout d’abord, exige une eau plus abondante ; pour y plonger le baptisé, fût-il un bébé, il faut un récipient d’une certaine capacité, des fonts baptismaux dignes de ce nom. L’eau acquiert par le fait même une certaine réalité, une présence que l’on peut aisément mettre en valeur; la bénédiction coule de source, si l’on peut dire.
L’intérêt de l’immersion ne se limite cependant pas à la prégnance de l’élément primordial. Les Notes doctrinales et pastorales qui servent d’introduction au Rituel précisent “On peut légitimement employer soit le rite de l’immersion qui signifie plus clairement la participation à la mort et la résurrection du Christ, soit le rite de l’ablution” (n° 22). L’intérêt est donc théologique. Le geste d’ablution, pour sa part, évoque le lavage, tandis que l’immersion est un geste complexe, qui comporte à la fois plongée et remontée, enfouissement et résurrection. La manière ménie d’accomplir l’acte baptismal se rapproche ainsi davantage du texte central de saint Paul, au chapitre 6 de l’épître aux Romains :
“Ne le savez-vous donc pas nous tous, qui avons été baptisés en Jésus Christ c’est dans sa mort que nous avons été baptisés. Si, par le baptême dans sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lu c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, de même que le Christ par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. Car, si nous sommes déjà en communion avec lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons encore par une résurrection qui ressemblera à la sienne” (v. 3-5).
L’immersion et la sortie des eaux, c’est le passage dans la mort et la résurrection du Christ. Non seulement le geste est plus ample, il est surtout plus théologique; la signification la plus fondamentale du baptême est greffée sur sa réalisation liturgique. Si, après avoir plongé trois fois l’enfant dans l’eau et l’en avoir sorti trois fois, le prêtre l’élève au regard de l’assemblée pendant qu’elle fait retentir un Alléluia pascal, il ne faudra plus se perdre en commentaires pour expliquer le sens du baptême. Baptiser par immersion, c’est faire de la catéchèse en acte; car il est beaucoup plus facile, après une telle expérience, de développer les significations du baptême : elles sont inscrites dans l’action elle-même.
Mais encore, pour que l’enfant soit immergé, il faut que la mère s’en dessaisisse, pour le remettre au prêtre ; après les trois immersions, le prêtre confie l’enfant sa mère. Geste de passage, encore une fois, qui est loin d’être sans résonance intérieure. La grâce nous vient de Dieu; ce n’est pas en serrant L’enfant contre eux que les parents l’y ouvriront, Ils doivent se déposséder, fût-ce un moment, de la chair de leur chair pour la confier à l’Église. Celle-ci, à son tour, confiera l’enfant à ses parents, pour qu’ils l’éduquent dans la foi qu’ils viennent de professer.
Proposer l’immersion, ce n’est pas faire preuve d’archéologisme. Les recherches actuelles inclinent d’ailleurs à penser que l’Église ancienne ne pratiquait pas l’immersion totale; selon toute vraisemblance, le baptême devait s’accomplir de la manière dont on voit si souvent représentée la scène du baptême de Jésus : l’eau du Jourdain lui montant jusqu’aux genoux ou à la taille, tandis que Jean Baptiste lui verse de l’eau sur la tête. Ultérieurement on a connu, pour les, enfants, des cuves où ils étaient plongés verticalement. Il semble que le geste soit plus beau s’il peut être exécuté horizontalement.
On comprendra que les raisons pratiques ne font pas le poids devant l’intérêt théologique et liturgique de l’immersion. On objecte en effet fréquemment que la chose est difficile à réaliser: le lieu doit être approprié – heureusement ! -, il faut déshabiller l’enfant et le rhabiller, il faut surtout chauffer l’eau. Mais ces gestes, que je sache, sont exécutés chaque jour pour le bain de l’enfant; il ne doit pas être plus difficile de chauffer de l’eau pour un baptême que pour le bain quotidien. Quant au rhabillage, on peut en occuper le temps par le chant et la musique. On pourrait aussi, et mieux, trouver un vêtement blanc, et chaud, à enfiler facilement.
On a envisagé principalement ci-dessus, l’immersion d’un bébé. Il devrait en être de même, analogiquement, pour les adultes, sans tomber dans le réalisme plat des baptêmes dans les piscines municipales. En ce domaine, la recherche est à poursuivre.
Tout l’intérêt de l’immersion, on l’aura compris, réside dans son expressivité gestuelle Ceci suppose une compréhension des sacrements qui n’oppose pas, comme c’est le cas trop souvent, le contenu théologique et la liturgie. Celle-ci n’est pas de nature rationnelle. Elle fait appel aux éléments de la création, elle en touche notre corps, elle aiguise notre sensibilité, pour nous faire entrer plénièrement dans l’œuvre de Dieu.
Puisse-t-il lui-même nous y plonger.
Chroniques d’art sacré n°44, 1995
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