La Parole de Dieu dans la préparation des sacrements
Par le père Philippe Marxer, Directeur-Adjoint du service national de la catéchèse et du catéchuménat
Pour préparer à un sacrement, les rituels offrent un appui certain ! Mais il peut arriver que nous ne voyions pas le lien entre le geste à faire et la parole de Dieu à proclamer. On choisit, privilégie l’un par rapport à l’autre. Que faire ?
Favoriser la rencontre avec Dieu
Quelle catéchèse proposer pour préparer aux sacrements ? Pourquoi ne pas expliquer les rites ? Ils semblent simples, du moins plus faciles à présenter que la Parole de Dieu ! Quant à s’attacher à montrer le lien Rite/Parole, on ne s’y risque pas toujours tant celui-ci ne nous paraît pas évident ! Nous voulons tout expliquer, ce qui en soi n’est pas répréhensible ! Notons toutefois l’arrière-fond culturel de cette manière de concevoir les choses : nous avons vécu durant des siècles dans la quasi-évidence que l’enseignement est la meilleure porte d’entrée dans la religion et sa pratique liturgique. Fort heureusement, les orientations catéchétiques de ces dernières années commencent à ébranler cette conviction et invitent à donner confiance aux actions sacramentelles en vue d’en déployer toute la signification. La liturgie s’impose donc comme porte d’entrée dans l’intelligence de la foi et manifeste que la Parole de Dieu est un choix judicieux qui s’accorde à bien des situations vécues ! Cette affirmation ne résout pas la difficulté rencontrée concernant le lien Rite/Parole mais invite à réfléchir pour qu’une expérience de Dieu soit rendue possible. Comment procéder ?
Exemple de l’entrée en catéchuménat
Après avoir chanté la première strophe du Psaume 62 que le Rituel propose et qui correspond bien à la démarche de ces candidats, la célébration se poursuit par un dialogue et par une signation sur différentes parties du corps. La liturgie de la Parole propose deux lectures :
- L’appel d’Abraham : « Pars de ton pays, laisse ta famille et la maison de ton père, va dans le pays que je te montrerai » (Gn 12, 1)
- L’appel des disciples : « Que cherchez-vous ? Maître où-demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez et voyez » (Jn 1, 38-39).
Le choix de ces deux courts textes signifie qu’il n’y a pas de vie chrétienne sans des liens à quitter pour en créer d’autres, sans découverte de ces lieux où Jésus avec ses disciples demeurent. D’emblée l’Église se donne à percevoir comme une communauté de vie. Lisons les monitions qui accompagnent ces gestes : elles parlent de renoncements vécus, de combat spirituel à mener pour suivre le Christ, de communauté qui, dans son amour, accueille. De cet exemple, retenons que si les lectures éclairent les gestes, les oraisons le font également de manière très explicite. Elles demandent à être comprises de l’intérieur. Malgré leur style ramassé, elles expriment bien, par des mots choisis, ce qui est en jeu à telle ou telle étape. Si l’on s’intéresse à la conversion que chaque catéchumène est appelé à vivre pendant le temps du catéchuménat, une lecture attentive des monitions fera comprendre le chemin progressif à vivre et interrogera l’accompagnateur pour savoir s’il est judicieux de proposer ou non une célébration.
Exemple de l’appel par son nom
Les rituels font état d’un dialogue dont on ne perçoit pas toujours la pertinence. La liturgie de la Parole fait état généralement de récits d’appel. Ce qu’il faut comprendre est que tout acte de nomination participe de la dynamique même de l’acte de foi. Car la structure dialogale met en scène et actualiste la relation d’alliance entre Dieu et son peuple. Grâce à la proposition des Rituels les catéchumènes, les confirmands, les futurs diacres ou prêtres, etc. et l’assemblée également accèdent à un espace relationnel qui structure le dialogue et ouvre à l’altérité. Les prières litaniques qui suivent et l’oraison qui clôt ces moments expriment bien un nouvel espace qui s’ouvre ; espace où se réalise la communauté ; espace où l’Église et les croyants sont tournés vers le Seigneur et attendent « un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Ap 21, 1).
Une unité à trouver entre gestes, lectures et notes pastorales des Rituels
Finalement, dans une préparation aux sacrements, il serait dommageable de ne choisir que les gestes comme support de son explication sans les mettre en rapport avec les lectures et les prières que les rituels proposent. Méfions-nous de nos simplifications ! Elles ne sont jamais porteuses de fruit. En revanche, prendre l’ensemble de ce que le rituelpropose, voire lire attentivement les notes pastorales qui accompagnent chaque étape dans un rituel est la meilleure façon de ne pas réduire la portée de ce qui sera vécu. Il y a une unité : à nous de la trouver.
« Détendre la sacramentalité »
Mais au-delà de cette question qui demande de dépasser le stade du « bien connu » se cache peut-être une autre interrogation : comment s’approprier (ou se réapproprier) la foi chrétienne ? Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet ! Aujourd’hui, il faut avoir le souci de partir du sujet qui demande un sacrement dans un dialogue véritable, le soutenir dans sa recherche de Dieu, et décrisper la ritualité en acceptant d’être en tension avec un héritage légué. Personnaliser une célébration est onéreux mais répond à une soif spirituelle, une quête de sens et de bonheur non négligeables. N’est-ce pas la provocation qui est adressée à tout ministre lorsque Pape Benoit XVI écrit : « il appartient aux prêtres et aux diacres, surtout lorsqu’ils administrent les sacrements, de mettre en lumière l’unité que Parole et Sacrement forment dans le ministère de l’Église » (Verbum Domini 53) ?