L’homélie de mariage
Par Benoît Sevenier, Prêtre eudiste, Curé de Ouistreham dans le diocèse de Bayeux-Lisieux
Évoquer l’homélie de mariage aujourd’hui suppose d’avoir conscience de l’horizon dans lequel nous vivons. La prédication lors d’un mariage est devenue complexe pour plusieurs raisons :
- Les époux peuvent choisir parmi un grand nombre de textes bibliques ;
- L’assemblée est souvent très diverse, avec des personnes de convictions ou de religions différentes. Le couple a participé à une préparation. Il n’en est guère de même pour la famille et les amis. Le Rituel du mariage le souligne au numéro 37 :
« Tout en étant ministres de l’Évangile du Christ pour tous, les pasteurs tiendront spécialement compte de ceux qui, catholiques ou non catholiques, ne participent jamais ou presque jamais à une célébration de mariage ou à l’eucharistie. Cette norme pastorale vaut en premier lieu pour les époux eux-mêmes ».
- Les notions même de mariage et de sacrement de mariage sont peu comprises.
Sur le fond, que fait-on lors de cette homélie ?
Chacun a conscience de l’importance de l’homélie dans la liturgie ce que rappelle Dei Verbum n. 24 et Sacrosanctum concilium n. 35, 2.
La Parole est source. Il s’agit moins de « sermonner » les futurs mariés et l’assemblée présente que de permettre à l’assemblée de recevoir comme une nourriture, la richesse de la table de la Parole. Dans un environnement complexe qui voit de nombreux échecs et divorces, on pourrait être tenté de donner des recettes pour vivre un amour durable. Certes, la dimension concrète est importante pour actualiser la Parole, mais la véritable source de la prédication est la Parole qui présente le projet de Dieu sur le couple.
Nos contemporains sont marqués par le pluralisme et la recherche du sens. Présenter ce projet de Dieu, aller au cœur du sacrement de mariage, devient essentiel. Pour aider à déployer le sens du mariage, on peut aussi s’appuyer sur les diverses prières du Rituel qui sont inspirées par les Écritures (SC n.24).
Comment prêcher lors d’un mariage aujourd’hui ?
Dans la préparation, les futurs mariés expliquent ce qui a motivé leur choix de textes et pourquoi ceux-ci leur ont semblé savoureux. Parfois les futurs mariés auront vécu un « partage d’Évangile » avec leurs témoins et un écho de cette rencontre peut être transmis au prédicateur. Et bien évidemment, la préparation immédiate de l’homélie se fera dans la prière, demandant à l’Esprit qui a inspiré les Écritures d’inspirer le prédicateur.
Lors de la célébration du mariage, la relation à la fois chaleureuse et attentive du prédicateur avec l’assemblée est essentielle. Il s’agit habituellement de celui qui préside.
En ce qui concerne le contenu de la prédication, le conseil « assez long pour couvrir l’essentiel, assez bref pour être suggestif » demeure d’actualité. Deux points sont soulignés par le Rituel du mariage, nous les reformulons :
La manifestation du Christ
Par la célébration fructueuse de la liturgie du mariage, mettant en lumière que les conjoints signifient le mystère d’unité et d’amour fécond entre le Christ et l’Église, et qu’ils participent à ce mystère.
– Rituel du mariage n. 14
Le mariage n’est pas l’expression d’un sentiment amoureux seulement, mais il est l’action du Christ qui vient « bénir, protéger, fortifier l’amour » (Prière de bénédiction nuptiale). Présenter le passage d’un lien amoureux à un lien d’Alliance est décisif. Quel sens a le mariage ? Qu’apporte cette modification du lien ? Ces questions habitent souvent l’assemblée.
La dimension ecclésiale du mariage
Dieu, en effet, qui a appelé les époux « au » mariage, continue à les appeler « dans » le mariage. Ceux qui s’épousent » dans le Christ sont capables, dans la foi à la parole de Dieu, de célébrer avec fruit le mystère de l’union du Christ et de l’Église, de le vivre droitement et d’en témoigner publiquement devant tous.
– Rituel du mariage n. 11
Le sacrement de mariage est célébré dans l’Église « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ». Il n’est pas une « affaire privée » du couple, mais est un signe offert par le Seigneur à son Église pour manifester sa présence dans le monde. Cette dimension peut sembler difficile à traduire de manière simple. On peut commencer par souligner que chacun se sent concerné par un mariage ; nul ne vient assister à une pièce de théâtre. On peut également rappeler à l’assemblée qu’elle est invitée à « porter » le couple ainsi formé par son amitié, le soutien, l’attention…
Gravité des gestes et des paroles
L’idée que l’on se fait de cette cérémonie s’est souvent réduite à quelque chose de purement humain et profane. Il est donc important que l’allocution soit réellement liturgique, c’est à dire qu’elle introduise dans l’action sainte, dans laquelle mystère divin et mystère humain se compénètrent. Celui qui prêche doit comprendre réalité la vie humaine, sa destinée, ses espoirs et ses peines, et montrer comment cette vie est assumée dans l’économie du mystère divin. Il inséra tout cela dans l’action qui s’accomplit, afin que tout cela y porte du fruit.
A cela se rattache, lors du mariage, l’entrée dans l’église en venant de l’extérieur, du tissus de relations de la vie humaine ; puis la marche vers l’autel et son mystère, où va commencer une nouvelle alliance de vie ; la question solennelle du prêtre qui représente l’Église, et la réponse des époux avec tout son contenu de décision et de responsabilité ; le symbolisme des alliances ; la bénédiction qui exprime la puissance divine, protège la vie …