Célébrer le mariage : quand la bague devient alliance
Par Serge Kerrien, Diacre du diocèse de Saint Brieuc-Tréguier
Nous continuons à explorer le Rituel romain de la célébration du mariage avec l’échange des alliances.
A la mairie, le « oui » prononcé devant Monsieur le Maire est suivi d’un échange de bague, sans formule particulière d’accompagnement à cet échange : on se « fait passer la bague au doigt », si l’on s’en tient à cette expression populaire signifiant que l’inconscient collectif voit dans le mariage une forme de privation de liberté personnelle plutôt que l’acte créateur d’une liberté nouvelle. Malgré cela, l’échange des bagues demeure, surtout dans le mariage civil, le geste le plus rituel, parce qu’il est le seul. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la ruée des photographes désireux de fixer la mémoire de cet instant.
De la bague au doigt à l’alliance
Qu’en est-il à l’Église ? La remise des alliances visualise l’engagement pris par les époux.
La formule qui l’accompagne reprend les thèmes de l’amour et de la fidélité. Quant aux formules de bénédiction, elles insistent essentiellement sur le signe donné par les alliances échangées et portées au doigt. Signes d’amour, de fidélité, de tendresse elles sont aussi le rappel d’un amour partagé et, plus encore, le signe d’une présence réciproque, même dans l’absence physique et par delà la mort. C’est en cela qu’une simple bague devient alliance. En inscrivant l’alliance des époux dans l’alliance de Dieu avec l’humanité, le sacrement de mariage ouvre les époux à une perspective nouvelle, celle d’une mystérieuse présence de l’un à l’autre dont l’alliance portée signifie la permanence. Sans doute, lors de la préparation, aurions-nous le plus grand intérêt à faire saisir aux futurs époux l’importance de ce moment où ils se remettront l’un à l’autre leur alliance.
Une alliance qui trouve sa source au baptême
« Si c’est opportun, il asperge d’eau bénite les alliances… ». (Rituel n° 87 -174)
Cette simple rubrique passe souvent inaperçue et, lorsqu’elle est mise en œuvre, elle éclaire rarement le rapport du mariage au baptême. Pourtant le lien est fort entre les deux sacrements et ce simple rite, bien mis en œuvre, peut ouvrir le sacrement de mariage à une dimension nouvelle. Le lien entre les deux sacrements est fondamental et l’engagement de deux baptisés devant Dieu et l’Église trouve son fondement dans l’engagement premier de Dieu lors de la célébration du baptême. De même, la foi des mariés prend tout son sens dans la foi de l’Église exprimée au baptême. Ainsi, le mariage est un déploiement de la vie baptismale et on pourrait mieux le signifier. Dans certains pays, en Italie par exemple, les futurs époux vont se signer au baptistère en entrant dans l’église. Ce n’est pas la coutume en France. Mais quel inconvénient y aurait-il à demander aux époux d’aller au baptistère chercher l’eau qui servira à bénir leurs alliances ? Cette démarche éclairerait à coup sûr le mariage d’un aspect nouveau : celui de la vie baptismale.
La proposition catéchuménale à l’époux non baptisé
Et lorsque, dans le couple, l’un des deux n’est pas baptisé ?
La démarche au baptistère n’est pas possible pendant la célébration, mais l’évoquer au cours de la préparation permettra de poser la question du baptême qui pourrait aboutir, bien après le mariage, comme une démarche de foi et n’apparaîtrait plus on comme une condition au mariage. Il serait très regrettable de ne pas faire une proposition catéchuménale à un non baptisé qui, à l’occasion de son mariage, s’ouvre à des aspects de la foi chrétienne.
Pour les catéchumènes, le rituel prévoit une prière à l’occasion de leur mariage civil (Rituel n° 340 et suivants) pour « souligner que leur union est un vrai mariage qui deviendra sacramentel avec la réception du baptême » (Rituel n° 341).
Des moments à préserver
L’échange des consentements, sa réception, la bénédiction et l’échange des alliances, la bénédiction nuptiale et la prière des époux forment un ensemble sacramentel qui inscrit une démarche humaine dans le mystère de la grâce.
L’intention de l’Église est d’en faire le cœur de la célébration et donc ce temps où l’amour de Dieu donne sens à l’amour humain, ce temps où une mystérieuse présence vient habiter et nourrir une démarche humaine. C’est entre Dieu, dont le ministre ordonné signifie la présence, et les époux que tout se passe ; les témoins et l’assemblée n’ayant qu’à être témoins. C’est un moment d’intériorité forte où Dieu s’inscrit dans l’histoire d’un couple. C’est hélas trop souvent un moment que les photographes veulent immortaliser, comme si la grâce de Dieu se découvrait sur des photos ! Cette frénésie photographique qui s’empare de l’assistance détruit à coup sûr toute intériorité au point de transformer le mystère en spectacle. Il faut à tout prix préserver le silence et conserver à ces rites leur caractère.
On gagnera beaucoup à faire prendre conscience, lors de la préparation, de l’importance de respecter le silence et l’intériorité des ces moments. Un rappel sympathique au début de la célébration, adressé aux photographes, évitera un agacement, un malaise et une frustration future.
Article extrait de Célébrer n°380