Dans la liturgie, des attitudes

Geste de paixPar Serge Kerrien, Diacre du diocèse de Saint-Brieuc-Tréguier

« Pour promouvoir la participation active, on favorisera les acclamations du peuples, les réponses, le chant des psaumes, les antiennes, les cantiques et aussi les actions ou gestes et attitudes corporelles. On observera aussi en son temps un silence sacré ». (Sacrosanctum Concilium. n° 30)

Chacun le sait d’expérience : la liturgie n’est pas spéculative. Elle est action qui s’adresse au baptisé dans toutes ses dimensions humaines : esprit, cœur et corps. Dans l’action liturgique, le chrétien s’engage tout entier et les gestes qu’il pose, les attitudes qu’il prend le conduisent à la contemplation.

Dès lors, les attitudes des corporelles et spirituelles construisent l’être croyant, tout autant que les rites, les paroles et les chants.

On ne peut célébrer que dans son corps

Le premier instrument de la liturgie est le corps. La foi chrétienne est une foi incarnée et le corps que Dieu a façonné est fait pour la louange et l’adoration :

« Venez, crions de joie pour le Seigneur…

Allons jusqu’à lui en rendant grâce…

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous…

Adorons le Seigneur qui nous a faits » (Ps 94, 1, 2, 6)

On ne peut célébrer que dans son corps ; les psaumes et les textes de l’Écriture le rappellent fréquemment. De même, les attitudes et les gestes de Jésus, jusqu’au geste pascal. Tout cela nous porte à considérer les attitudes que la liturgie nous fait prendre comme autant de manières de se tenir en présence de Dieu et des autres.

Une multiplicité d’attitudes pour un chemin

Toute liturgie est un chemin incarné de louange, constitué d’un enchaînement d’attitudes. Ainsi en est-il de la liturgie de l’eucharistie : convoqués, nous arrivons  par un chemin ; envoyés, nous partons par un autre chemin. Non seulement nous avons traversé la célébration mais elle nous a traversés pour nous faire vivre le mystère pascal du Christ et nous convertir.

Ce chemin-là est pavé d’attitudes communes : marcher pour venir à l’église ; entendre l’appel des cloches ; joindre sa voix à celle des autres, tourner les yeux vers le Christ Sauveur et le supplier de nous prendre en pitié. Chanter la louange de Dieu avant de se recueillir et de lui offrir notre prière, s’asseoir pour écouter la Parole et la savourer. Debout, proclamer sa foi, prier le Seigneur  pour le monde avant de s’asseoir à nouveau pour écouter paisiblement et déjà déposer sa vie avec le pain et le vin apportés à l’autel. Riches de la Parole reçue, le cœur prêt pour l’action de grâce, se lever pour la prière eucharistique. Mains ouvertes, dans l’attitude de l’orant, prier le Notre Père avec les autres membres de l’assemblée. Par le geste de paix, dire le désir de fraternité et se disposer à faire fructifier le don que Dieu fait dans l’eucharistie. Puis, s’avancer vers le Christ qui se donne avec cette proximité inouïe et dont chacun s’approche avec bonheur et respect. Puis assis, savourer le pain partagé et le simple bonheur d’être là, offert tout entier à Dieu. Debout pour une dernière prière, s’incliner pour recevoir la bénédiction avant de rejoindre le monde et de reprendre la route, enrichis et transformés. Ce parcours vaut, bien entendu, avec une variété d’attitudes, pour toute liturgie.

Une aventure intérieure

Ces attitudes, gestes, déplacements, que propose la liturgie n’ont pas pour but de d’empêcher toute forme de somnolence dans l’assemblée que la  répétition pourrait entraîner. Toutes ces attitudes que la liturgie déploie ne sont pas seulement de l’ordre du cérémonial. Elles n’ont qu’un but : engager notre corps dans une aventure intérieure, dans l’aventure spirituelle. Dans la mesure où nos attitudes extérieures ouvrent en nous l’attitude intérieure d’une rencontre d’amour, elles nous éduquent à la rencontre avec Dieu. Elles visent à nous unifier pour former, avec d’autres, le Corps du Christ ; elles visent à éduquer en nous les grandes attitudes du croyant face à son Seigneur.

Des conséquences pratiques

Pour que l’aventure intérieure propre à la célébration chrétienne puisse exister, certaines conditions sont nécessaires.

D’abord avoir conscience de l’importance des attitudes et de leur ajustement à l’être intérieur. Il en va de notre propre unification et nous savons bien que certaines de nos attitudes extérieures ne cherchent qu’à masquer la pauvreté de notre relation à Dieu et aux autres. Alors nos attitudes ne sont qu’un décor rituel que contredit notre vie extérieure. C’est Jésus qu’il faut imiter, lui dont les gestes sont l’expression parfaite de son attitude intérieure et qui donnent aux disciples de le reconnaître après la résurrection.

Puis, le temps est nécessaire pour que les attitudes soient prises et puissent porter du fruit. Quelques secondes suffisent pour que toute l’assemblée trouve la juste attitude ; laissons-lui le temps de s’y installer. Quant au célébrant, son rôle est essentiel : il modélise l’assemblée, souvent reflet de ce qu’induit celui qui préside. Enfin, un minimum de discipline personnelle est nécessaire pour éviter raideur ou nonchalance et travailler à faire d’une assemblée variée et disparate une communauté dont les attitudes communes expriment l’unité.

Ainsi, c’est à un chemin d’intériorité et de prière que l’Église nous convoque dans la célébration. Nos attitudes y participent grandement. Elles construisent et entretiennent notre relation à Dieu et aux autres. Elles font de nous un corps priant et chantant : celui du Christ.

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