La prière de dédicace d’une église
Par Arnaud Toury, Prêtre, délégué PLS du diocèse de Reims
La dédicace d’une église est l’acte solennel par lequel un édifice est voué définitivement au culte. Elle est célébrée par l’Église locale rassemblée dans la diversité de ses membres autour de son évêque. Celui-ci prononce la prière de dédicace avant de procéder à l’onction de saint chrême de l’autel et des murs de l’église.
Le mystère de l’Église signifié en un lieu
La fonction propre de l’édifice, maison de prière, est mentionnée dans l’introduction. Mais l’originalité de la prière tient en un développement assez long sur le rapport entre l’église-bâtiment et l’Église-peuple des fidèles. L’édifice est un signe du mystère de l’Église dans ses différentes dimensions. Lorsque les fidèles l’habitent et le contemplent, ils se voient révéler différents aspects de leur vocation commune. Quatre symboliques principales sont employées pour dire le mystère ecclésial dans sa complexité et sa beauté. Chacune est mise en regard, dans la dernière partie de la prière, avec une des fonctions de ce lieu consacré, cet « Ici ».
L’Église, épouse, vierge et mère
Le premier champ symbolique, celui de l’Église-Épouse du Christ, renvoie à la lettre aux Éphésiens :
« Il a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle, afin de la rendre sainte en la purifiant par le bain de l’eau baptismale, accompagné d’une parole ; il voulait se la présenter à lui-même, cette Église, resplendissante, sans tache, ni ride, ni rien de tel ; il la voulait sainte et immaculée. » (Ep 5, 25-27).
La suite de la prière relie cette symbolique à la fonction du nouvel édifice comme lieu fondamental de l’initiation chrétienne : parce qu’elle sera le lieu de la profession de foi commune, de la célébration du baptême et de l’eucharistie, cette nouvelle église renvoie à la pureté de la foi ecclésiale, à la maternité de l’Église qui engendre de nouveaux enfants de Dieu par la puissance de l’Esprit, et aux noces du Christ et de l’Église.
L’Église, vigne de Dieu
En lien avec la symbolique matrimoniale, la prière développe la symbolique de la vigne en référence au psaume :
« Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse, et tes fils, autour de la table, comme des plants d’olivier. » (Ps 127, 3).
Cette symbolique est employée pour évoquer la vocation universelle et eschatologique de l’Église, appelée à croître autant géographiquement et historiquement que spirituellement.
La suite de la prière relie cette symbolique à la fonction sacrificielle du nouveau temple : le peuple de Dieu y célébrera l’eucharistie et y sera nourrit de la Parole et du corps du Christ. Cette nouvelle église l’enracine dans la Pâque du Seigneur et l’histoire du Salut, en lui donnant par avance d’avoir part au banquet éternel.
L’Église, demeure de Dieu parmi les hommes
Ce troisième champ symbolique s’appuie sur deux citations :
« Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. » (Ap 21, 3) et « [Le Christ] est la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu. Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle, pour devenir le sacerdoce saint et présenter des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus Christ. » (1 P 2, 4-5)
La suite de la prière relie cette symbolique à la fonction du nouvel édifice comme « maison de prière » (déjà évoquée dans l’introduction) : parce que le peuple de Dieu s’y rassemblera pour présenter à Dieu sa louange et sa supplication, cette nouvelle église matérialise et pérennise dans la durée, la prière qui rend le peuple de Dieu solidaire des joies et des souffrances du monde.
L’Église, cité de Dieu
Ce dernier champ symbolique reprend le précédent pour en amplifier la dimension prophétique :
« Il est grand, le Seigneur, hautement loué, dans la ville de notre Dieu, sa sainte montagne, altière et belle, joie de toute la terre. La montagne de Sion, c’est le pôle du monde, la cité du grand roi » (Ps 47, 2-3) et « La ville n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine : son luminaire, c’est l’Agneau. Les nations marcheront à sa lumière. » (Ap 21, 23-24).
Selon le concile Vatican II, l’Église est
« comme un signal levé sur les nations, sous lequel les enfants de Dieu dispersés se rassemblent dans l’unité jusqu’à ce qu’il y ait un seul bercail et un seul pasteur » (SC n° 2)
Cette dimension prophétique, la suite de la prière la relie à la fonction royale du nouvel édifice : parce que chacun peut y être accueilli et reconnu, parce qu’elle est la maison de tous, la nouvelle église annonce la Jérusalem céleste où Dieu sera tout en tous.
L’Esprit et l’Épouse
La prière consécratoire, qui fait le lien entre la partie ecclésiologique et la partie descriptive des fonctions sacerdotales, prophétiques et royales de l’édifice, ne semble étonnamment pas comporter de véritable épiclèse. Aucune mention explicite du don de l’Esprit, mais une demande : « du haut du ciel, répands ta bénédiction ». Comme dans la prière eucharistie I, cette absence de mention de l’Esprit à ce moment de la prière n’est pas un oubli théologique, mais une élision : le corps ecclésial n’existe que dans l’unité du Saint Esprit. C’est l’Église rassemblée dans la pleine diversité de ses membres qui est « ici » la manifestation concrète de l’action de l’Esprit et de sa puissance.
La prière de dédicace d’une église
Seigneur notre Dieu, toi qui diriges et sanctifies ton Église, il convient que nous chantions la louange de ton nom puisqu’aujourd’hui le peuple des fidèles, dans une liturgie de fête, désire te consacrer pour toujours cette maison de prière où il viendra t’adorer, s’instruire de la Parole et se nourrir des sacrements.
Ce temple signifie le mystère de l’Église, elle que le Christ a sanctifié par son sang pour en faire son épouse resplendissante, vierge admirable par l’intégrité de sa foi, mère féconde par la puissance de l’Esprit.
Église sainte, elle est la vigne que tu as choisie dont les sarments s’étendent sur le monde : soutenus par le bois de la croix, ils s’élèvent jusqu’au royaume des cieux.
Heureuse Église, elle est la demeure de Dieu parmi les hommes, le temple saint fait de pierres vivantes, fondé sur les Apôtres et qui a pour pierre angulaire le Christ Jésus.
Église de gloire, elle est la cité bâtie sur la montagne, clarté attirant tous les regards ; en elle brille à jamais la lumière de l’Agneau, en elle résonne le chant de fête des bienheureux.
C’est pourquoi nous te supplions humblement, Seigneur ; du haut du ciel, répands ta bénédiction sur cette église : qu’elle soit à tout jamais un lieu saint ; répands ta bénédiction sur cet autel : qu’il soit à tout jamais la table préparée pour le sacrifice du Christ.
Ici, Père très saint, que les flots de ta grâce recouvrent les fautes des hommes, afin que tes fils, morts au péché, renaissent de la vie d’en haut.
Ici, que tes fidèles, alentour de la table de l’autel, célèbrent le mémorial de la Pâque et se nourrissent au banquet de la parole du Christ et de son corps.
Ici, que résonne en joyeuse offrande de louange la voix des hommes unie aux chœurs des anges, et que monte vers toi pour le salut du monde, une incessante prière.
Ici, que les pauvres rencontrent la miséricorde, que les opprimés trouvent la vraie liberté, que tous les hommes recouvrent la dignité de tes fils, dans l’espérance de parvenir un jour, pleins de joie, à la Jérusalem d’en haut.
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu, qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen
Cet article est paru dans la revue Célébrer n°405