Lexique conceptuel de Sacrosanctum Concilium
Le concile Vatican II s’est voulu résolument pastoral. La réflexion sur l’expérience liturgique est apparue aux Pères conciliaires comme une voie tout indiquée pour répondre à cette volonté. Dans la constitution sur la liturgie, un nouveau langage théologique et un nouveau style d’approche de l’expérience liturgique sont créés pour bien manifester que la liturgie est une épiphanie de l’Église. Ce style d’approche est biblique et patristique. Il est entièrement orienté vers la participations active des fidèles. Cette mise en œuvre de la liturgie appelle quelques précisions pour mieux saisir les concepts que l’on retrouve dans le texte de la Constitution.
Au printemps 2013, dans le n° 213 de Vivre et célébrer (p. 31-32), la revue de l’Office national de liturgie du secteur français de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), Guy Lapointe analyse quelques termes majeurs de la constitution. Comme il l’annonce dans son introduction, « pour réaliser ce trop bref lexique, j’ai relu – et je m’en suis inspiré – le numéro 77 de la revue La Maison-Dieu, qui fait un commentaire complet. C’est non sans une certaine émotion que j’ai fait cette relecture, plusieurs années plus tard. Je ne prendrai ici que quelques-uns de ces termes, ceux qui m’apparaissent les plus significatifs ».
La liturgie
Vatican II a voulu signifier que la liturgie n’est pas un discours théorique, un « discours qui s’impose », ni un ensemble de rubriques à observer, mais une expérience, un itinéraire de foi qui invite tous les croyants à y entrer. La liturgie est un moment privilégié qui bâtit la communauté de foi. À la suite du Christ et dans le Christ, elle nous oriente vers Dieu. L’action liturgique, c’est la parole du salut, accueillie et célébrée, en paroles, en gestes et en silences. Cette action trouve son sommet dans le partage du pain et du vin, corps et sang du Christ. Pour reprendre une expression maintes fois utilisée par Louis-Marie Chauvet, je dirais que l’actualité du salut célébrée dans la liturgie manifeste que le plus spirituel ne se vit que dans le plus corporel.
Une épiphanie de l’Église…
Dans la constitution sur la liturgie, un nouveau langage théologique et un nouveau style d’approche de l’expérience liturgique sont créés pour bien manifester que la liturgie est une épiphanie de l’Église.
Le mystère pascal
Jusqu’au Concile, pour un très grand nombre de fidèles, on parlait très peu, voire pas du tout du mystère pascal. Pâques se résumait à la solennité annuelle. Puis il y a eu la décision de Pie XII, en 1951, de retrouver le sens de la célébration des Jours saints. Sacrosanctum Concilium a mis en évidence que la dynamique du salut prend tout son sens dans le mystère pascal. On le définit par les trois événements qui le composent : la passion, la résurrection et l’ascension. On caractérise ses effets par une citation tirée de la 1re préface de Pâques : « en mourant, il a détruit notre mort; en ressuscitant, il nous a rendu la vie ». Toute notre vie de foi est partie prenante du mystère pascal. Ce mystère, c’est le Christ offert et livré par amour pour les humains et qui nous entraîne avec lui. Tout baptisé est appelé à vivre le mystère pascal, s’unissant à lui dans l’offrande de sa vie au Père et par l’Esprit. Ce mystère aboutit à nous faire passer de la mort à la vie, à la suite du Christ. Le mystère pascal nous atteint, nous transforme et fait de nous des êtres nouveaux. Il accomplit une sorte de transfiguration.
L’œuvre de salut
Il s’agit d’une formulation qui n’est pas facile à saisir pour le commun des mortels. Cette expression désigne le projet de Dieu, ou mieux, la manière dont Dieu s’y prend pour offrir le salut aux humains. Le plus beau résumé liturgique de cette économie du salut est l’anamnèse chantée au cours de la célébration eucharistique : « Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire[1]. » Ce serait une erreur de croire que l’œuvre de salut constitue une sorte de réalité historique et prophétique close sur elle-même et en dehors de nous. Dans sa réalisation historique, elle nous interpelle pour nous inviter à entrer dans son mouvement de vie. En cela, la célébration liturgique est le lieu de prise de conscience de cette réalité pour mieux en vivre.
L’assemblée liturgique
Réalité essentielle de la liturgie, l’assemblée est le rassemblement du peuple par Dieu, devant Dieu, pour célébrer son alliance dans le Christ et avec son peuple. C’est dans l’assemblée que la célébration liturgique manifeste le plus visiblement le mystère de l’Église.
La participation active
Le concept de participation active dans la liturgie a une longue histoire. Saint Pie X s’en faisait déjà le promoteur, dans le motu proprio Tra le sollecitudini de 1903, dans le sens d’une participation intérieure. C’est davantage à partir de l’encyclique Mediator Dei de 1947 et surtout avec Sacrosanctum Concilium de 1963 que le concept de participation concernera également les gestes et la ritualité de l’assemblée. La participation active est réclamée par la nature même de la liturgie, qui est action du corps entier de l’Église. De plus, cette participation active est fondée sur le baptême. En effet, c’est par le baptême que nous devenons membres du peuple de Dieu, peuple sacerdotal. Les formes que doit prendre la participation active et consciente du peuple consistent en paroles, en actions, en silences et en gestes corporels.
Le ministre
La présence du Christ traverse les actions liturgiques. Mais cette présence, principalement dans l’eucharistie, passe à travers la personne du ministre, qu’on appelle le plus souvent « le célébrant » et que plusieurs appellent maintenant le président d’assemblée. En vertu de son ordination, le président est à la fois le sacrement du Christ et le porte-parole de l’assemblée, surtout dans la célébration de l’eucharistie.
[1] NDLR : Dans la traduction du Missel de 2021, le texte de l’anamnèse est légèrement modifié : « Nous annonçons ta mort, Seigneur Jésus, nous proclamons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire. » Notez que cela n’altère en rien la valeur du commentaire de l’auteur.
Tels sont quelques-uns des termes significatifs qui tentent d’exprimer le sens de la célébration liturgique mise en œuvre au Concile. À les rappeler et en tentant d’en dégager le sens, il est à espérer que la liturgie y gagnera en compréhension, pour qu’elle nourrisse la foi des croyants et des croyantes.
Guy Lapointe pour Vivre et célébrer, n°213, été 2023
La messe après la réforme liturgique ? Témoignage de moines (vidéo KTO)
La participation active des fidèles, la simplification des rites et la célébration dans la langue des peuples comptent parmi les changements majeurs apportés à la liturgie par le réforme de la liturgie induite par la Constitution Sacrosanctum Concilium . Ces bouleversements changent-ils notre manière de vivre la messe ? En 2013, la chaine KTO a interrogé des moines de l’abbaye de Saint-Martin-de-Ligugé (86). Ils témoignent en veilleurs de la liturgie. |