Les bénédictions ordinaires
Par le père Eric Beaumer, Curé de la paroisse de Notre Dame de l’Assomption à Meudon et Professeur de liturgie aux séminaires d’Issy les Moulineaux et d’Orléans.
Le Rituel des bénédictions rassemble des formulaires pour diverses circonstances. On envisage de bénir des personnes ou des objets ; cependant la bénédiction d’objets suscite parfois des réticences. Ces bénédictions sont assez développées, incluant l’écoute des Écritures, une oraison, voire une exhortation prononcée par celui qui préside. Les différentes situations correspondent à un acte de foi.
Se reconnaître aimés de Dieu par la bénédiction du repas
Mais les bénédictions sont aussi présentes dans la vie couranet des chrétiens et pourraient presque passer inaperçues.
La bénédiction de la table, aujourd’hui moins répandue dans les familles, est toujours pratiquée dans certains groupes (chez les scouts par exemple) ou dans les communautés religieuses. Le plus souvent on remercie Dieu des biens qu’il procure. C’est une prière de remerciement, donc de bénédiction. Puis on lui demande qu’il bénisse le repas, ceux qui vont le partager, et ceux qui l’ont préparé. Une prière de demande pour ceux qui ont faim termine souvent cette bénédiction.
En quelques mots ces prières situent les convives dans la reconnaissance vis-à-vis de Dieu qui prodigue le nécessaire et les ouvrent à un esprit de partage car on ne peut prier pour les nécessiteux en s’affranchissant de toute responsabilité. Ce bref moment de prière à caractère familial permet de situer l’acte fréquent et ordinaire de manger dans une relation chrétienne qui reconnaît Dieu créateur et à l’origine de toute vie.
Demander la bénédiction divine, c’est croire qu’il agit dans nos vies
La célébration de tous les sacrements prévoit qu’ils se terminent par une bénédiction. Ainsi le Missel romain indique que le rite de conclusion comporte, outre de « brèves annonces si c’est utile », un « renvoi » qui commence par la bénédiction pour se terminer par l’invitation à repartir dans la paix du Christ. On peut donc considérer que la bénédiction est l’essentiel du renvoi dont on perçoit tout l’esprit missionnaire. La bénédiction est la présence prévenante de Dieu pour ses enfants, afin qu’ils se comportent dans le monde selon ce qu’ils ont reçu dans ce sacrement. L’oraison qui suit la communion l’a demandé au Seigneur : « Reliés à toi par une charité qui ne passera jamais, nous porterons des fruits qui demeurent. » (23ème dimanche du Temps ordinaire.) C’est donc de manière ordinaire et presque inaperçue que le président demande à Dieu d’assister les fidèles de sa bénédiction.
Alors que certains soupçonnent un esprit de superstition dans les demandes de bénédiction, l’Eglise considère comme normal et habituel d’implorer la bénédiction de Dieu. La répétition, hebdomadaire pour la messe dominicale par exemple, indique que cette prière ne change pas la nature des personnes (ou des objets) pour lesquelles on invoque l’attention du Seigneur. C’est l’attitude du croyant vis-à-vis de Dieu qui est en jeu : il affirme implicitement sa foi en Dieu qui intervient dans la vie des hommes et du monde. Aussi n’est-il pas déplacé de l’invoquer régulièrement.
La demande de bénédiction exprime une réalité humaine confiée à Dieu
Enfin certaines circonstances particulières font l’objet de bénédictions, comme lors des promesses scoutes. C’est principalement à ce moment qu’intervient l’aumônier dans le cérémonial puisque cet engagement n’est pas un acte proprement religieux même s’il comporte une dimension spirituelle. Le Rituel des bénédictions envisage celle des personnes dans une situation particulière, les catéchistes par exemple. Mais même quand il est question de bénir les objets, les oraisons ont pour motif les personnes qui seront en relation avec les objets :
« Dieu tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, dans ta sagesse tu as confié à l’homme la capacité de construire des œuvres grandes et belles.
Nous te prions pour ceux qui se serviront de cette voiture : qu’ils fassent route en toute sécurité, qu’ils fassent preuve de prudence pour la sécurité des autres, et qu’en se rendant à leur travail ou à leur loisir, ils sachent reconnaître dans le Christ leur compagnon de route. »
Cela s’ajoute-t-il aux bénédictions reçues régulièrement comme au cours de la messe dominicale ? Elles ne font pas double emploi en ce sens que l’invocation de Dieu est située dans un contexte particulier. C’est la personne envisagée dans une situation donnée qu’on présente à Dieu. On voit que les bénédictions ne transforment pas les choses ou les personnes. De port en port, c’est toujours la même eau qui est bénite lors des bénédictions de la mer, elles ont lieu à quelques encablures les unes des autres.
Le centre de gravité des bénédictions se trouve dans le prière formulée à Dieu et dans le rapport de foi des croyants. A propos de la prière de demande, saint Augustin rappelle à son peuple qu’elle n’est pas là pour informer Dieu de ce qui nous est nécessaire mais qu’elle nous prépare à recevoir ce qu’il nous donnera.
Article paru dans la revue Célébrer n°357