Les funérailles chrétiennes : un chemin de foi parmi d’autres pratiques funéraires
La structure même du Rituel des funérailles, les gestes et les signes qu’il met en œuvre autour du corps du défunt disent l’actualité du mystère pascal dans l’événement de la mort. À travers ses rites, la célébration ne se limite pas à un hommage rendu au défunt, ni à une gestion rituelle du deuil pour « donner du sens » comme on l’entend parfois. Elle parle de Dieu et de la résurrection.
« C’est le mystère pascal que l’Église célèbre »
Les transformations des pratiques funéraires actuelles, marquées par une sécularisation croissante et la recherche par les prestataires de service d’une ritualité laïque interpellent l’Église sur le sens et la portée de ses propres rites.
Loin de certaines perspectives réductrices, le Rituel des funérailles de l’Église situe d’emblée la célébration chrétienne des funérailles dans la lumière du mystère pascal du Christ :: « C’est le mystère pascal du Christ que l’Église célèbre avec foi dans les funérailles de ses enfants » (Praenotanda du Rituel, n° 1).
L’ensemble du lectionnaire et des prières du Rituel s’appuient, en effet, sur la certitude de la victoire du Christ sur la mort et demandent pour le défunt qu’il soit pleinement participant du mystère de mort et de résurrection du Christ :
« Dieu notre Père, toi seul peut vaincre la mort et donner la vie qui ne meurt plus. Voilà que ton serviteur N., notre frère, est entré avec Jésus dans le sommeil de la mort. Mais n’as-tu pas ressuscité Jésus pour que notre frère ressuscite ? Oui, c’est là notre foi. Aussi nous te prions avec confiance : accorde-lui le bonheur d’être uni au Christ dans le mystère de sa résurrection » (Rituel n° 85).
Mais autant que les textes, c’est la structure même du Rituel, les gestes et les signes qu’il met en œuvre autour du corps du défunt qui disent l’actualité du mystère pascal dans l’événement de la mort. Relevons quelques aspects.
Le rituel des funérailles est une liturgie stationnale
Des déplacements sont prévus avec le corps du défunt de la maison ou du funérarium à l’église, de l’église au cimetière. La mort du baptisé est une pâque inaugurée dans son baptême, un passage avec le Christ. Passage de la mort à la Vie, passage de ce monde au Père. Le rituel signifie en acte ce chemin de foi engagé lors de son baptême.
Le rituel prête une grande attention au corps du défunt
- Il est désigné comme une personne
Le corps du défunt est accueilli à la porte de l’Église par celui qui préside la célébration (n°44). Les termes utilisés pour mentionner le corps : « Le défunt » ou « le corps du défunt », désignent une personne contrairement au terme « restes », par exemple. Le Rituel dit à son sujet « notre frère » (cf. n° 55). Plus encore, au moment de l’encensement du corps, l’officiant s’adresse même directement au défunt : « En signe de respect pour vous N., voici cet encens. Qu’il monte devant Dieu avec notre prière. » (n° 119). Toute la liturgie des funérailles désigne donc un vivant et invite à considérer le corps du défunt non comme un rebut mais comme « lieu » d’attente du mystère de la résurrection de la chair.
- La présence du corps du défunt au milieu de l’assemblée
Cette présence du corps au milieu de l’assemblée est elle-même significative. Une note, au début du Rituel, précise : « Selon l’opportunité, on conservera la coutume de disposer le corps dans la position qu’il occupait d’habitude dans l’assemblée liturgique, c’est-à-dire : pour un fidèle, tourné vers l’autel ; pour un prêtre ou un diacre, tourné vers le peuple » (n° 47). Ainsi est manifestée la place ecclésiale qu’il continue d’occuper dans la communion des saints dont l’assemblée liturgique est le signe.
Les signes qui entourent le corps du défunt
Plusieurs signes associent le défunt au mystère du Christ mort et ressuscité :
– Le cierge pascal : Il renvoie à la vigile pascale. Il est la mémoire du Christ ressuscité, vainqueur de la mort, lumière qui brille dans les ténèbres. Le geste de transmission de la flamme du cierge pascal aux cierges placés autour du corps souligne la manière dont le défunt y est associé en renvoyant à la liturgie baptismale.
– La croix : Elle peut être posée sur le cercueil ou à proximité de celui-ci. Le geste qui met ainsi en relation la croix et le corps du défunt fait mémoire du sacrifice du Christ comme « signe de ton amour pour N. et pour chacun de nous » (n° 58).
– L’eau : Elle est « rappel du baptême » (n° 102) par lequel le défunt a été plongé dans la mort et la résurrection du Christ. Elle fait le lien entre les funérailles et le baptême : si le défunt doit être mis au tombeau, on peut dire qu’il l’a déjà été dans les mystères sacramentels de l’initiation chrétienne.
Une liturgie qui proclame un mystère de foi
La liturgie eucharistique, lorsqu’elle est célébrée, vient donner une pleine signification à tous ces aspects. La mort chrétienne est, en effet, la suprême communion au sacrifice pascal du Christ dont l’Eucharistie est la célébration. La présence du corps du défunt tourné vers l’autel le signifie avec force. Quant à la communion de l’assemblée au corps et au sang du Christ, elle est déjà participation à son Corps glorieux dans lequel tous les membres – vivants ou défunts – vivent du même amour, animés du même Esprit.
Concluons
Nos habitudes risquent toujours de vider les signes liturgiques de leur substance ou de les instrumentaliser. Les nouvelles pratiques qui émergent renforcent ce risque, notamment lorsque les célébrations se déroulent dans des lieux neutres (salles omni cultes, crematorium) : le déploiement de la symbolique sacramentelle et ecclésiale mise en valeur dans l’église-bâtiment, est alors réduite par la force des choses.
Dans un tel contexte, le rituel des funérailles demande donc à être reçu dans toute sa profondeur. Alors dans l’événement de la mort, il offre un chemin de la rencontre avec le Christ et un lieu de confession de la foi. La symbolique liturgique qui se déroule autour du corps du défunt ne vient pas seulement « donner du sens », elle proclame un mystère de foi que les fidèles sont invités à accueillir et dans lequel ils sont appelés à entrer, chacun à leur manière.
(Reprise et adaptation d’un article de Sr Bénédicte Mariolle, Petite Sœur des Pauvres, alors membre du service de PLS du diocèse de Rennes, paru initialement sous le titre « Les rites chrétiens des funérailles parlent de Dieu et de la résurrection »)
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