Le rôle de la liturgie de la Parole aux funérailles : nourrir l’espérance
La liturgie d’accueil des funérailles vient de s’achever. Nous nous sommes tournés vers le Seigneur pour lui demander pardon pour le défunt et pour nous-mêmes et l’officiant s’est adressé au Seigneur pour « rassembler la prière dans ces quelques mots tissés de Parole et d’espérance qui font transition avec la liturgie de la Parole » Maintenant, après avoir parlé à Dieu, l’avoir supplié, vient le temps de l’écouter.
Étape après étape, la célébration des funérailles offre un chemin de consolation et d’espérance. Au début, les rites de l’accueil ont permis à l’assemblée de se tourner vers le Seigneur pour lui confier le défunt et aussi ceux qui sont dans la peine. Puis l’officiant a terminé cette première étape en rassemblant les prières de tous dans une oraison : ces quelques mots déjà tissés de Parole et d’espérance font transition avec la liturgie de la Parole. Puis après avoir parlé à Dieu, l’avoir supplié, vient le temps de l’écouter.
L’étape de la liturgie de la Parole de Dieu : écouter pour espérer
L’assemblée alors répond à la parole, reprenant la parole pour porter devant le Seigneur sa prière. Elle est supplication pour le défunt, pour ses proches et ses amis. Elle s’élargit peu à peu aux autres : la prière n’est plus centrée seulement sur celui qui est parti ou sur ceux qui sont dans la peine. Elle porte le regard vers d’autres souffrances, d’autres attentes. La prière de l’assemblée, c’est la voix de ceux qui sont sans voix, les mots adressés à Dieu pour dire les maux des hommes. Mais elle est aussi imprégnée de confiance : Dieu est un Père plein d’amour et de tendresse qui « prête l’oreille » de ses enfants.
Alors tous s’assoient et quelqu’un s’approche de l’ambon. Cette « table » d’où on partage la Parole de Dieu en proclamant des extraits de la Bible est souvent située à un endroit un peu surélevé. Ce signe entend rappeler que Dieu ne cesse de vouloir descendre nous rejoindre par sa Parole et si on l’écoute, elle ne restera pas sans effet mais nourrira notre espérance.
« La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée… ainsi ma parole qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plait, sans avoir accompli sa mission. » (Is 55, 10-11)
Habituellement le déroulement se présente de la manière suivante :
- une première lecture après laquelle un psaume peut être chanté ou lu par un soliste, avec un refrain chanté par tous ;
- l’évangile précédé d’un verset d’acclamation, qui peut être l’alléluia (sauf pendant le Carême) ;
- une brève homélie ou un commentaire qui n’est pas un éloge funèbre ou un panégyrique du défunt mais actualise la Parole de Dieu pour éclairer le chemin à vivre ;
- la prière universelle, introduite et conclue par l’officiant ;
Première lecture : accueillir une espérance enracinée dans l’histoire
Puisée dans le premier testament ou les lettres des premières communautés chrétiennes, la première lecture nous met d’emblée à l’écoute d’un message d’espérance. La foi en la résurrection émerge peu à peu dans l’expérience du peuple juif : de la considération de l’ombre du Shéol, ces « enfers » où croyait-on anciennement séjournaient les défunts à des textes plus récents de l’ancien testament où elle affleure plus nettement, elle se révèle progressivement sous le mode d’un espoir et d’une promesse. Elle éclate au matin de Pâques : les premiers croyants en témoignent avec force, les premières communautés chrétiennes naissent de cette annonce et en vivent.
La plus ancienne proclamation de cette annonce, le « kérygme » nous a été transmis par l’apôtre Paul : « Jésus, nous les croyons, est mort et ressuscité ; de même, nous le croyons aussi, ceux qui se sont endormis, Dieu, par Jésus, les emmènera avec lui. » (1Th 4, 14). Ce cri de foi et d’espérance résonne jusqu’à l’aujourd’hui de nos deuils pour toucher les cœurs sous la dure carapace qui enferme les personnes endeuillées.
Psaume : oser prier dans l’épreuve , pour garder confiance
La foi, même forte et assurée, ne peut pas calfeutrer la souffrance, éviter les questions ou cadenasser les doutes. L’assemblée reprend alors la parole, mais c’est encore la Parole du Seigneur qu’elle emprunte. Avec les psaumes, on entre en contact avec l’expérience du peuple de Dieu qui crie ses doutes, ses angoisses ou sa révolte. Dieu lui a donné – et à nous aujourd’hui – des mots qu’on n’oserait dire s’ils ne venaient de lui : « L’angoisse grandit dans mon cœur : Tire-moi de la détresse Vois ma misère et ma peine » (Ps 24, 17-18a).
Mais ces psaumes chantent aussi la confiance et même la joie : « Mon cœur exulte, mon âme est en fête. Ma chair elle-même repose en confiance : Tu ne peux m’abandonner à la mort, ni laisser ton ami voir la corruption » (Ps 15, 9-10).
Ces paroles que nous reprenons aux jours d’épreuve ne sont-elles pas les mots même du Fils, s’adressant à son Père, à l’heure où s’approche l’épreuve de sa Passion par laquelle il sauve l’humanité de tout mal pour lui donner la vie ?
Évangile : se laisser éclairer par la lumière du Christ ressuscité
Éclate alors l’alléluia ou le chant qui acclame le Christ, Parole de Dieu faite chair. Nous nous mettons debout pour proclamer et entendre l’Évangile. Le récit ou la parole de Jésus vient relier l’expérience humaine au passage de Jésus sur cette terre. Il est la Parole qui donne sens à toutes les Écritures.
La liturgie de la Parole culmine en cet instant où nous acclamons la Parole reçue. Comment fonder autrement l’espérance chrétienne qu’en revenant sans cesse en ce temps-là où Jésus a croisé nos chemins ?
L’assemblée se sent alors bien proche de Thomas, le compagnon qui doute et veut des preuves que tout cela est bien vrai, pas un rêve : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? Jésus lui répond : « Moi je suis le chemin, la vérité et la vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi » (Jn 14, 5-6). La proclamation de l’Évangile est un appel à croire, même au cœur du doute, que Jésus apporte une lumière qui traverse les ténèbres.
L’homélie : aider à prendre conscience de l’espérance semée dans les cœurs
Vient maintenant le temps de labourer les cœurs et de semer la Parole pour qu’elle prenne racine. Elle est descendue du ciel, mais elle peut ici rester en suspens si elle ne s’enfouit profondément dans le terreau des cœurs. Voilà la fonction de l’homélie du ministre ordonné ou du commentaire de l’officiant laïc : actualiser la Parole, en chercher la sève nourricière, en souligner le cœur du message adressé par le Seigneur à tous ceux qui sont dans la peine.
Ce message est une bonne nouvelle d’abord pour le défunt puisqu’il dit l’espérance du salut pour lui. Ce message est aussi réconfort pour les proches qui s’entendent dire : votre défunt est vivant puisque le Christ est mort et ressuscité. Ce message est enfin chemin de foi pour tous ceux qui l’entendent.
Pour peu que celui qui parle au nom du Seigneur – l’homélie est un acte liturgique ! – ait été lui-même auditeur de la Parole, dans la prière, avant d’oser la commenter aux autres, le message de l’homélie deviendra une triple bonne nouvelle :
- Une bonne nouvelle concernant le défunt : en Christ, il est vivant auprès de Dieu.
- Un réconfort pour les proches : ils sont invités à remettre leur être cher entre les mains du Père.
- Un chemin de foi pour tous : la mort n’est pas la fin, mais un passage vers la vie en Dieu.
La prière universelle : répondre à Dieu en s’ouvrant aux besoins de tous
L’assemblée alors répond à la Parole, reprenant elle-même la parole pour porter devant le Seigneur sa prière. Elle est supplication pour le défunt, pour ses proches et ses amis. Mais quand les cœurs ont vraiment laissé la Parole les féconder, cette Parole qui communique une espérance n’excluant personne, en réponse, la prière s’élargit peu à peu aux autres : la prière n’est plus centrée seulement sur celui qui est parti ou sur ceux qui sont dans la peine. Elle porte le regard vers d’autres souffrances, d’autres attentes.
La prière de l’assemblée, quand elle devient prière universelle, est la voix de ceux qui sont sans voix, les mots adressés à Dieu pour dire les maux des hommes. Elle sait aussi exprimer la solidarité de la communauté chrétienne et sa confiance en Dieu, Père plein d’amour et de tendresse qui « prête l’oreille » de ses enfants.
« Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra » (Jn 11, 25)
La liturgie de la Parole, cœur de la célébration des funérailles, est une traversée spirituelle : de l’obscurité de la perte, nous sommes guidés vers la lumière de l’espérance. Elle ne nie pas la douleur, mais l’illumine. Elle nous rappelle que, par le Christ, la mort n’a pas le dernier mot. Dans ce moment où les cœurs sont souvent brisés, la Parole de Dieu descend comme une pluie féconde, apportant consolation et espérance : « Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra » (Jn 11, 25).