« Au matin, je me tourne vers toi ! » : la prière de louange
Par Bénédicte Ducatel, Collaboratrice à Magnificat
La prière du matin porte la marque spécifique de l’acte liturgique qu’elle met en œuvre : la louange.
L’émerveillement de la louange est à la fois un acte spontané de l’homme et un don de Dieu. À cet égard, le verset d’introduction de l’office est significatif : Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche publiera ta louange. La véritable louange jaillit des lèvres de celui qui se laisse conduire par le Seigneur. Ainsi, la prière monte en l’homme qui, laissant s’écouler le son et la parole, donne voix à un chant extérieur accordé au chant intérieur né gratuitement du souffle de Dieu. Seul le chant qui déjà chante au fond du cœur de l’homme peut être offert dans ce matinal « sacrifice des lèvres ».
Tous les matins du monde
Alors que la lumière commence à faire reculer la nuit, les croyants se souviennent du premier matin du monde : Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le premier jour (Gn 1, 5). Le premier mouvement de la louange est un acte de reconnaissance. Dieu est créateur de toute chose et l’homme créé, au nom de toute la création, loue ce Dieu qui l’appelle à l’existence : Toutes les œuvres du Seigneur, bénissez le Seigneur ; vous les anges, vous les oiseaux du ciel, vous les collines, vous les hommes, bénissez, bénissez le Seigneur ! (Dn 3, 57ss, dimanche I).
Mais ce premier matin n’est pas unique, beaucoup d’autres ont marqué l’histoire de l’homme et de sa relation à Dieu. Bien des matins ont permis à l’homme de louer le Dieu qui l’avait relevé de ses fautes, de ses faiblesses : Rendez grâce au Seigneur, car éternel est son amour ! Il se souvient de nous les humiliés (Ps 135, 1.23, samedi II) ; Tu as ôté le péché de ton peuple (Ps 84, 3, mardi III).
Ainsi, chaque matin, la prière porte l’empreinte de la joie qu’apporte le retour de la lumière. Après le sommeil de la nuit, qui évoque la mort, commence une vie nouvelle illuminée par le Soleil levant qui vient nous visiter (cantique de Zacharie, Lc 1, 78)).
Matin de Pâques
Dès l’origine, l’Église a célébré l’apparition de la lumière au matin, non pas pour la lumière elle-même, mais parce qu’elle a reconnu dans la lumière jaillissante du matin le symbole du Christ ressuscitant dans l’aube de Pâques, lui le Soleil levant sur ceux qui gisent dans la mort (hymne mardi I et III). Elle a aussi perçu l’aube du « Jour » qui n’aura pas de fin : Ce jour nous découvre, indicible, un autre jour que l’on devine, tout rayonnant d’une promesse, déjà ce matin nous entraîne, figure de l’aube éternelle (mercredi II et IV)
Le matin de Pâques donne tout son sens à la louange chrétienne, c’est dans ce matin unique que se révèle l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux (Ps 117, 23, dimanche II). En ce matin furtif et silencieux, la louange se pare d’une couleur nouvelle, il ne s’agit plus du simple souvenir des merveilles passées, mais la mémoire active du salut qui nous rejoint à l’heure même où nous le chantons. Aujourd’hui, dans le matin naissant, le Christ ouvre nos lèvres pour chanter en nous la joie du salut. Ce qui semble évident chaque dimanche matin alors que nous célébrons la Pâque du Seigneur, le devient lorsque l’on comprend que chaque jour reçoit sa lumière de ce jour particulier qui marque la prière de son sceau.
Louange sur nos lèvres
L’office du matin mêle ces différents éléments porteurs de louange.
De manière souvent développée, les hymnes du temps ordinaire chantent la présence du Christ dans le jour qui vient. Car ce jour qui commence pour nous est le signe du « Jour » de sa venue en gloire déjà en germe dans le grand jour de Pâques. Un bel exemple que les strophes d’introduction et de conclusion d’une hymne de la CFC :
Un jour nouveau commence,
un jour reçu de toi, Père,
nous l’avons reçu d’avance
en tes mains tel qu’il sera.
[…]
Le jour nouveau se lève,
le jour connu de toi, Père ;
que ton Fils dans l’homme achève
la victoire de la croix !
(lundi II et IV)
Et, puisqu’il est avec nous comme à l’aube de Pâques, ne manquons pas le rendez-vous du sang versé … prenons le pain, buvons la coupe du passage, accueillons-le qui s’est donné en nous aimant jusqu’à la fin (vendredi I et III).
La louange ne serait pas complète sans le jeu des psaumes qui tissent des liens souterrains avec toutes les souffrances de l’homme pour jaillir purifiée de nos lèvres en prière : Je te cherche dès l’aube, mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair terre aride, altérée, sans eau (Ps 62, 2, dimanche I) ; au matin, je me prépare pour toi et je reste en éveil (Ps 5, 4) ; Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur… d’annoncer dès le matin ton amour (Ps 91, 3) ; Rends-moi la joie d’être sauvé (Ps 50, 14).
Si la Parole de Dieu vient affermir notre foi, c’est le cantique évangélique qui place résolument le jour nouveau sous le regard de Dieu : Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, qui visite et rachète son peuple, il a fait surgir la force qui nous sauve dans la maison de David son serviteur. Il y a là une invitation joyeuse à reconnaître l’œuvre de Dieu qui s’accomplit aujourd’hui comme toujours et qui connote les intentions de prière. Le jeudi I, par exemple, nous disons : Chaque jour tu renouvelles tes merveilles : ouvre nos yeux pour les voir et le jeudi III : À l’aube de ce jour, suscite en nous le désir de te servir : que nos travaux et nos joies te glorifient.
Le jour tout entier est remis entre les mains du Père, du Fils et l’Esprit. Avec une confiance inébranlable l’Église remet le jour qui vient à la bonté de Dieu, ainsi toute rencontre, toute difficulté, toute tentation, toute activité est placé sous la lumière du Ressuscité source de toute joie et de toute louange. Célébrer la louange matinale, c’est vivre pour Dieu et en Dieu tout au long du jour.
Article extrait de Voix Nouvelles n°75
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