Baptiser les bébés sans attendre ?
Par Bernard Maitte, Prêtre, professeur au séminaire d’Aix et responsable du Département pastorale et spiritualité de l’ISTR de Marseille. Membre du SNPLS.
Voilà une chose qui n’est pas vraiment dans l’air du temps ! Une nouveauté ? Pas vraiment car le Rituel du baptême des petits enfants1 (n° 37) souligne que :
« Dès les premiers siècles, l’Église, à qui fut confiée la mission d’évangéliser et de baptiser, a baptisé non seulement les adultes, mais aussi les petits enfants. »
Dans la parole du Seigneur : « Personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (Jn 3, 5), l’Église a toujours compris que les petits enfants ne devaient pas être privés du baptême. Ils sont baptisés dans la foi de l’Église proclamée par les parents, les parrains et les autres assistants. Ceux-ci représentent l’Église locale et la communion universelle des saints et des fidèles, « l’Église Mère qui tout entière enfante tous et chacun » (S. Augustin, lettre 98).
Le baptême de leur enfant, une obligation pour les parents
Le droit canonique, sans ambiguïté, dit :
« Les parents sont tenus par l’obligation de faire baptiser leurs enfants dans les premières semaines ; ils iront trouver leur curé au plus tôt après la naissance et même avant, afin de demander le sacrement pour leur enfant et d’y être dûment préparés » (can 867).
Le Directoire canonique et pastoral pour les actes administratifs des sacrements donne une explication sur le but d’un baptême proche de la naissance :
« Les parents chrétiens ont des obligations et des droits envers leurs enfants : ils iront trouver leur curé au plus tôt après la naissance et même avant, afin de demander le sacrement pour leur enfant et d’y être dûment préparés (cf. can. 867 § 1 : cet appel à demander le sacrement avant la naissance laisse percevoir qu’un temps suffisamment long est nécessaire pour assurer la préparation du baptême, soit par famille, soit en groupes, cf can. 851 § 1). Ils feront baptiser leurs enfants dans les premières semaines (cf. can. 867 § 1). »2
On peut conclure à une nette préférence de l’Église pour les baptêmes des bébés sans attendre.
Pourquoi une préférence pour le baptême des tout petits (bébés) ?
Lorsqu’on interroge certains spécialistes ou mieux le Catéchisme de l’Église catholique la réponse immanquable est :
« La pure gratuité de la grâce du salut est particulièrement manifeste dans le baptême des enfants. L’Église et les parents priveraient dès lors l’enfant de la grâce inestimable de devenir enfant de Dieu s’ils ne lui conféraient le baptême peu après la naissance » (C.E.C., n° 1250).
La Commission épiscopale de liturgie rappelle aussi3 , un autre argument en faveur du baptême de tout-petits : « Le baptême, nécessaire au salut, est le signe et l’instrument de l’amour prévenant de Dieu qui délivre du péché originel et communique la participation à la vie divine : de soi, le don de ces biens aux petits enfants ne saurait être différé ».
Unique est la grâce
Il faut se rendre à l’évidence qu’aujourd’hui les parents qui viennent demander le baptême de leur enfant sont moins sensibles à cette conception du sacrement. Malgré la vérité du propos, il ne semble pas que « la nécessité du salut » incite les parents à faire baptiser le plus tôt possible leur enfant. Il reste l’argument de « la pure gratuité de la grâce plus manifeste ». Mais peut-on penser, lorsque nous vivons l’expérience de l’initiation chrétienne des adultes, que ces adultes reflètent moins la pure gratuité de la grâce ? Ils n’ont certes pas la nature du bébé que l’on estime plus à même de manifester cette pure gratuité. Pourtant le rayonnement de certains visages, à la Vigile pascale, semble démontrer le contraire, ne serait-ce que parce que la grâce de Dieu reste dans tous les cas absolument gratuite quelle que soit la personne qui la reçoit.
Pourquoi inviter des parents à faire baptiser leur enfant encore bébé ?
Ce que dit le directoire peut être une piste de compréhension :
« cet appel à demander le sacrement avant la naissance laisse percevoir qu’un temps suffisamment long est nécessaire pour assurer la préparation du baptême ».
D’abord, il s’agirait d’un appel, autrement dit une vocation. C’est d’ailleurs sous cet angle de la vocation, à être prêtre, prophète, roi, lumière et sel de la terre etc. que nous pouvons rendre compte de ce qui est en filigrane derrière les lignes sur la grâce et le salut.
Un appel aux parents
En tout premier lieu, cet appel est adressé aux parents, normalement déjà baptisés. Cet appel élargit leur demande à une démarche, un chemin de préparation, d’initiation. D’abord parce qu’être parents est aussi une vocation. Enfanter est une chose et enfanter à la vie divine une autre chose qui demande autant d’attention et de disposition que la première. Les parents s’engagent pour l’enfant et leur engagement doit être profond et réfléchi. Il se doit de correspondre à ce qu’ils ressentent en eux : que le baptême de leur enfant est une réalité d’importance. Que cela ait lieu dès les premiers instants de la vie de l’enfant manifeste combien le baptême est considéré comme vital à l’instar d’une naissance. Mais il apparaît également qu’un processus catéchuménal est en jeu. En somme, la préparation au baptême n’est pas un à-côté du sacrement. Comme pour l’initiation d’un adulte, la préparation est « catéchuménat » c’est donc de l’ordre de la sacramentalité ; il s’y joue la rencontre de Dieu qui se révèle tout particulièrement par sa Parole, la réponse de foi et de conversion des acteurs, la dimension ecclésiale et donc communautaire ainsi manifestée : réalités que le sacrement vient consacrer.
Petits enfants (infantes) ou bébé (parvulos) ?
«On révisera le rite pour le baptême des tout-petits (parvulos) et on l’adaptera à la situation réelle des enfants (infantium). » (SC 67, trad. BM) Dans le décret du 15 mai 1969 promulguant le rituel du baptême, la traduction du titre est « petits enfants » pour traduire le terme parvulos. « L’expression ‘Petits enfants’ (parvulorum dans le texte latin) désigne ceux qui, n’étant pas encore arrivés à l’âge de raison, ne peuvent professer une foi personnelle.4 » (RBPE 36) La capacité ou non à professer une foi personnelle, rend plus souple la tranche d’âge qui va du bébé à l’enfant arrivé à l’âge de raison.
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1 Rituel du Baptême des petits enfants, AELF Paris, Mame/Tardy, 1984
2 Directoire canonique et pastoral pour les actes administratifs des sacrements, Paris, Paroi-services, CNPL, 1994, p. 74-75.
3 C.E.L., op. cit., p. 37, citant un texte de la Congrégation pour la doctrine de la foi paru en 1980.
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