La première communion des adultes dans le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes
Par Bernard Maitte, Prêtre, directeur des études et professeur au séminaire d’Aix, et à l’ISTR de Marseille. Membre du SNPLS
L’initiation chrétienne des adultes et son Rituel sont le cadre pour penser la première communion des adultes.
Ce qu’en dit le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes (RICA)
Notes pastorales pour la confirmation des adultes baptisés enfants
Cette affirmation n’est pas une idée nouvelle et c’est dans le RICA, notamment le chapitre 3 (n° 300 – 308), que nous trouvons des notes pastorales pour la « confirmation et eucharistie des adultes baptisés enfants ». Nous percevons tout de suite, qu’à l’instar du baptême et de la confirmation, la première communion est à saisir sous l’angle de l’unité des sacrements de l’initiation chrétienne dont la Veillée pascale est le lieu originaire et déterminant (RICA n° 43, 58, 203).
Ils ne sont plus des catéchumènes
Le Rituel décrit bien la situation sacramentelle dans laquelle se trouvent ces adultes, ils sont déjà dans l’Église et leur baptême caractérise leur situation :
« Leur condition diffère de celle des catéchumènes : en effet, ils ont déjà été introduits dans l’Église et sont devenus enfants de Dieu par le baptême. Leur conversion est fondée sur le baptême déjà reçu, dont ils ont à déployer les virtualités. » (RICA n° 300)
Ils ne sont pas pleinement initiés
Ce déploiement s’opère par la réception de l’eucharistie. Autrement dit, la liturgie de l’Église ne conçoit pas qu’on puisse être pleinement dans notre vocation baptismale si celle-ci n’a pas pour nourriture, l’eucharistie. Nous ne sommes pas pleinement initiés tant que l’eucharistie n’est pas reçue.
C’est en ce sens que le baptême et la confirmation sont présentés tout au long du Rituel comme conduisant par nature à la réception du sacrement de la Pâque qu’est l’eucharistie. Cela si vrai, que même lorsqu’une personne reçoit les trois sacrements de l’initiation chrétienne à la Vigile pascale, au moment de donner le corps et le sang du Christ aux nouveaux baptisés/confirmés, le célébrant peut les rendre attentif à cet acte :
« Avant la communion, c’est-à-dire avant ‘Voici l’Agneau de Dieu’, le célébrant peut rappeler brièvement aux néophytes le trésor qu’est le grand mystère de l’eucharistie, sommet de l’initiation chrétienne et centre de toute la vie chrétienne. » (RICA n° 235)
L’eucharistie sommet de l’initiation
Cette réalité n’est pas voulue artificiellement par l’Église, car il s’agit de ce qui a fondé l’ecclesia et la vie chrétienne. D’abord, parce que dans les premiers temps du christianisme, c’est ce double rite : baptême (la confirmation n’est alors pas distinguée du baptême) et fraction du pain (premier terme pour parler de l’eucharistie), qui caractérisent les chrétiens parmi leurs concitoyens juifs et, deviendront même des points de rupture entre la communauté chrétienne et le monde antique.
L’attente de la venue du Christ
Ces sacrements engagent le chrétien dans un rapport différent au monde, particulièrement par leur nature eschatologique. C’est pourquoi, les premiers chrétiens ont vécu le baptême et l’eucharistie comme engageant leur existence dans un au-delà de celle-ci. Par conséquent, pour eux, la célébration de l’eucharistie se vivait dans l’attitude d’attente de ceux qui espéraient le retour triomphant et l’établissement définitif du Royaume de Dieu. On attendait la venue du Seigneur – espérée selon la tradition pour Pâques. Progressivement, les premières Églises sont entrées dans un rapport au temps différent et leur attente s’est portée vers une venue eschatologique du Seigneur. De ce fait, c’est l’eucharistie qui manifesta alors cette venue par la présence sacramentelle du Christ.
Le sacrement pascal
Aujourd’hui encore, l’anamnèse, partie la plus originelle de l’eucharistie, témoigne de ce qui est en train d’advenir dans ce sacrement : « Nous attendons ta venue dans la gloire ». L’eucharistie répond à ce pourquoi le baptême a été reçu. Alors que les néophytes viennent de recevoir la plénitude de l’Esprit, l’eucharistie leur donne l’entière participation au mystère pascal. Ainsi la prière après la communion de la Vigile pascale qualifie l’eucharistie de « sacrement pascal ».
« L’eucharistie est le Christ éclaté aux dimensions de l’homme, ou plus sûrement encore, l’homme en éclatement aux dimensions du Christ dans la plénitude de sa pâque1. »
Si donc l’eucharistie est la plénitude de Pâque, on comprend qu’elle soit le sommet de l’initiation chrétienne. Isolée de ce contexte, l’eucharistie perdrait de son sens.
La dimension baptismale de l’eucharistie
Corps eucharistique et corps baptismal
Comme dans un jeu de miroir en face l’un de l’autre, entre le baptême/confirmation et l’eucharistie, le deuxième aspect, et non des moindres, est le renvoi continu de la réalité « Corps » de l’un et l’autre sacrement. Le baptême rend membre du Corps du Christ qu’est l’Église, et l’eucharistie, corps sacramentel, nourrit ce corps ecclésial. La communion au Christ est par conséquent la communion ecclésiale, Église à laquelle nous sommes agrégés par le baptême. Cela permet de saisir la dimension baptismale de l’eucharistie car :
« L’eucharistie est en tout premier lieu l’insertion la plus intime dans le peuple de Dieu : elle est le sacrement ecclésial de l’unité dont le lien est la charité. C’est précisément comme lien de l’unité ecclésiale que le Christ est présent dans l’eucharistie de l’Église2. »
L’eucharistie fait vivre le peuple de Dieu
Si le baptême donne l’insertion dans le Corps, l’eucharistie en réalise toutes les potentialités d’existence. Huit jours après l’initiation chrétienne, alors que les néophytes peuvent déposer leur vêtement blanc reçu après le baptême, c’est à tout le peuple chrétien, participant à l’eucharistie comme au jour J de Pâque, qu’est rappelé dans la collecte :
« Dieu de miséricorde infinie, tu ranimes la foi de ton peuple par les célébrations pascales ; augmente en nous ta grâce pour que nous comprenions toujours mieux quel baptême nous a purifiés, quel Esprit nous a fait renaître, et quel sang nous a rachetés. » (Collecte du 2e dimanche de Pâques).
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1. Raymond Johanny, L’Eucharistie chemin de résurrection, Desclée, Paris, 1974, p. 116.
2. Édouard Schillebeeckx, Le Christ, sacrement de la rencontre de Dieu, L.O. 31, Cerf, Paris, 1960, p. 210.