De l’autel à l’ambon, le cérémonial de l’évangéliaire
Par Pierre Faure, diacre jésuite, responsable du Centre spirituel de Penboc’h dans le diocèse de Vannes
Le cœur du cérémonial de l’évangéliaire est son transfert, pendant le chant de l’Alléluia, depuis l’autel jusqu’à l’ambon.
« Puisque l’annonce de l’Evangile constitue toujours le sommet de la liturgie de la Parole, la tradition liturgique, aussi bien d’Occident que d’Orient, a constamment fait une distinction entre les livres des lectures. Le livre des Evangiles était confectionné avec le plus grand soin, orné et vénéré plus que tout autre lectionnaire. Il convient donc tout à fait que, de nos jours encore, les cathédrales et au moins les églises les plus grandes et les plus fréquentées possèdent un évangéliaire distinct des autres lectionnaires et bien décoré… » Ainsi s’exprime le n° 36 de la Présentation Générale du Lectionnaire Romain (1). C’est donc à cause de l’importance donnée à la parole de Jésus dans la célébration que la liturgie a développé un cérémonial de l’évangéliaire.
Le cœur du cérémonial de l’évangéliaire est son transfert, pendant le chant de l’Alléluia, depuis l’autel sur lequel il est déposé dès le début de la célébration, jusqu’à l’ambon sur lequel il est placé par le diacre ou le prêtre qui va proclamer l’Evangile. On aura pris soin auparavant d’enlever le lectionnaire de l’ambon pour faire place à l’évangéliaire. L’évangéliaire est le seul objet liturgique qui passe de l’autel à l’ambon dans l’action célébrante. En effet, de même que le pain et le vin eucharistiés donnés aux fidèles viennent de l’autel, c’est-à-dire du Christ ; de même, la parole de Jésus, qui est annoncée aux fidèles dans l’évangéliaire depuis l’ambon, vient de l’autel, c’est-à-dire du Christ.
À l’ouverture de la célébration, notamment les jours de fête et lorsque l’évêque préside, il est bon et beau que l’évangéliaire soit introduit dans l’assemblée en étant porté par le diacre ou à défaut par un lecteur dans la procession d’entrée. L’évangéliaire est ensuite déposé sur l’autel qui doit être dégagé de tout objet liturgique autre que la nappe. Pour que ce beau livre soit mieux vu des fidèles, il est possible de le faire tenir debout en l’ouvrant un peu, pour que sa couverture, souvent bien décorée, soit ainsi présentée.
Pour des célébrations du temps ordinaire, si l’on ne fait pas de procession d’entrée, il est aussi possible que l’évangéliaire soit déposé sur l’autel avant le début de la célébration. Mais on n’y déposera pas le lectionnaire. Seul l’évangéliaire, support de la parole du Christ, a sa place sur l’autel.
Enfin, la dernière édition de la Présentation Générale du Missel Romain (3e édition typique, 2002) indique un troisième trajet possible de l’évangéliaire après l’acclamation des fidèles qui suit la « proclamation de l’évangile » : « Ensuite le diacre peut porter l’évangéliaire à la crédence ou à un autre endroit digne et convenable. (n°175) »
Étant donné que l’évangéliaire fait partie des quelques objets liturgiques (autel, croix, eucharistie) qui sont vénérés par l’encens ou le baiser, il semble qu’il soit préférable de ne pas le rapporter simplement à la crédence.
On voit déjà dans certaines églises de France que d’anciens lutrins magnifiquement ouvragés et bien visibles de l’assemblée sont utilisés pour y déposer l’évangéliaire après la proclamation de l’évangile. Certaines belles chaires anciennes encore en place et pas trop hautes pourraient être aussi utilisées dans ce sens, de manière à ce que l’évangéliaire reste visible des fidèles jusqu’à la fin de la célébration. Si cela convient, dans certaines assemblées pas trop nombreuses, il sera possible de disposer l’évangéliaire face aux fidèles, ouvert à la page où se trouve une illustration du passage d’évangile qui aura été entendu. Il existe aussi quelques ambons qui comportent un support du livre tourné vers l’assemblée, sur lequel on peut déposer l’évangéliaire après l’acclamation des fidèles.
On peut aussi souhaiter que l’évangéliaire soit maintenu à l’ambon durant l’homélie et ne soit déplacé qu’ensuite, pour manifester que c’est bien la parole évangélique entendue qui va être commentée. Il peut y avoir une manière de retirer le lectionnaire ou l’évangéliaire de l’ambon pour faire place aux notes écrites de celui qui donne l’homélie, comme si le livre, support de la Parole, devenait un objet gênant ; au risque de manifester que celui qui fait l’homélie tient beaucoup à son texte et parle en son nom propre en s’appuyant sur son talent… Mais beaucoup d’ambons sont trop petits pour loger confortablement en même temps un évangéliaire et les notes pour l’homélie. La Présentation Générale du Lectionnaire Romain dit la même chose au n° 34 mais pour d’autres raisons : « Pour que l’ambon serve aux célébrations d’une manière bien appropriée, il est bon qu’il soit assez large, car plusieurs ministres doivent parfois y prendre place en même temps. »
Il est aussi évidemment possible de laisser l’évangéliaire à l’ambon jusqu’à la fin de la célébration.
Extrait d’un article des Chroniques d’art sacré, n°85, printemps 2006, p 11-12
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- Parole de Dieu et année liturgique, C.L.D., 1997, p. 26.
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Pierre Faure – De l’autel à l’ambon, le cérémonial de l’évangéliaire