La couleur verte dans la liturgie
Par Bernard Maitte, Prêtre, professeur au séminaire d’Aix et responsable du département de pastorale et spiritualité de l’ISTR de Marseille. Membre du SNPLS
Au XVIe s., Rome fixe pour l’Église latine, l’usage exclusif de cinq couleurs ; le blanc, le rouge, le vert, le violet et le noir considérant l’usage du rose facultatif, du bleu, en certains lieux, pour les fêtes de la Vierge Marie, et enfin de l’or pour suppléer le blanc, le rouge et le vert. Avant cette fixation et un symbolisme précis, d’autres couleurs ont été utilisées car on usait des ornements en fonction de leur richesse et de leur état et le code des couleurs était essentiellement associé à de grandes fêtes. Pour le reste, l’éventail était large : jaune pour l’Épiphanie, brun pour les confesseurs, gris cendré en temps pénitentiel (rite lyonnais) …
Le vert en quête de signification
Pour Innocent III, trois couleurs avaient une signification ; aussi le vert n’était-il qu’une couleur intermédiaire sans signification spéciale. Durand de Mende va en revanche, associer le vert au Cantique des cantiques (4, 14) :
« Il reste donc à parler de l’usage des vêtements verts dans les jours non fériés et communs, parce que la couleur verte tient le milieu entre le blanc, le noir et le rouge, et on s’en sert particulièrement dans l’octave de l’Épiphanie, dans la Septuagésime, et pendant la Pentecôte et l’Avent, quand on célèbre l’office du dimanche. Nous trouvons cette couleur nommée dans l’endroit où il est dit : ‘Le troène avec le nard, le nard et le safran. »[1]
L’explication peine à rendre compte de l’usage du vert !
Le vert est d’actualité
Aujourd’hui, les interprétations sont diverses, ainsi : « cette couleur est comme l’attente confiante des réalités dernières », « la croissance du Royaume de Dieu », « la couleur la plus courante dans la nature »… d’où son usage en Temps ordinaire.
Michel Pastoureau dans son livre sur le Vert : histoire d’une couleur, « souligne combien cette couleur qui a longtemps été difficile à fabriquer, et plus encore à fixer, n’est pas seulement celle de la végétation, mais aussi et surtout celle du Destin. Chimiquement instable, le vert a symboliquement été associé à tout ce qui était instable : l’enfance, l’amour, la chance, le jeu, le hasard, l’argent. Ce n’est qu’à l’époque romantique qu’il est définitivement devenu la couleur de la nature, puis celle de la santé, de l’hygiène et enfin de l’écologie. Aujourd’hui, l’Occident lui confie l’impossible mission de sauver la planète. »[2]
À Vienne en Dauphiné, le vendredi saint, les prêtres présentant la croix étaient en vert car la croix est « arbre de vie » : un supplément de sens pour aujourd’hui ?
—
[1] Guillaume Durand de Mende, Rational ou manuel des divins offices, c.XVIII, §7, p. 284.
[2] Présentation du livre, 4e de couverture.