L’ordinaire de la messe, du temps, du lieu

temps ordinaire

Par Serge KerrienDiacre permanent et délégué épiscopal au diocèse de Saint-Brieuc pour les questions de catéchèse et catéchuménat, pastorale sacramentelle et liturgique, formation, pèlerinages et pardons

 

Le dictionnaire définit généralement « l’ordinaire » comme ce qui est habituel, sans grande surprise. A la limite, on penserait assez vite que ce qui est ordinaire ne présente que peu d’intérêt. Pourtant, dans la liturgie, ce terme revêt des significations assez éloignées de ce que l’on pourrait penser. Du latin ordinarius, il signifie ce qui est « conforme à la règle ».

L’ordinaire de la messe

L’ordinaire concerne essentiellement le répertoire musical. Cet ensemble, appelé « ordinaire de la messe », comporte traditionnellement le Kyrie, le Gloria, le Credo, le Sanctus, l’Agnus Dei et l’Ite missa est. Dans le répertoire grégorien, kyrie, Gloria, Sanctus et Agnus étaient regroupés en séries qui, progressivement, étaient proposées pour une catégorie de fêtes ou pour un temps liturgique. Si l’on voulait aujourd’hui refaire la liste des chants de l’ordinaire, elle serait plus longue et plus complexe car elle comporterait, en plus des pièces déjà citées, l’acclamation d’anamnèse et le Notre Père avec sa doxologie. Il faudrait aussi préciser que plusieurs formules sont utilisées pour le rite pénitentiel et l’anamnèse, souvent aussi pour le Gloire à Dieu, la Profession de foi, le Sanctus et l’Agnus Dei. Cependant cette notion d’ordinaire de la messe serait sans doute à retravailler aujourd’hui pour retrouver une couleur musicale propre à certains temps liturgiques comme l’Avent, le temps de Noël, le Carême, le temps pascal. La mauvaise habitude de changer sans cesse les pièces de l’ordinaire, d’un dimanche à l’autre, finit par banaliser les temps liturgiques au lieu de les distinguer, ce qui ne facilite pas les bonnes habitudes spirituelles. Il ne s’agirait pas de choisir des ordinaires entièrement bâtis sur la même phrase musicale, ce qui empêche les attitudes spirituelles, mais de regrouper différentes pièces, qui auraient un peu la même couleur musicale, et de les réserver à tel ou tel temps liturgique, comme un marqueur du temps et du rite que chaque pièce accompagne.

Le temps ordinaire

Voilà un temps liturgique qui n’a rien d’ordinaire. En effet comme les autres moments de l’année liturgique, il présente des caractéristiques propres. On l’appelle « temps ordinaire » parce qu’il se situe entre deux cycles festifs de l’année liturgique. Les trente-quatre semaines qui le constituent ne visent pas à célébrer un aspect particulier du mystère chrétien. On va y cheminer au fil des jours vers le Père, dans la lumière du Christ, sous la conduite de l’Esprit.

C’est le temps de la fidélité, temps qui n’est pas que routine répétitive, mais où, dans la patience, le chrétien apprend à vivre l’expérience du disciple, une expérience de compagnonnage avec Jésus qui enseigne ses disciples. Chaque dimanche du temps ordinaire est aussi mémorial hebdomadaire de la Pâque du Seigneur, jour de l’assemblée des chrétiens autour de la Parole et de la table de l’Eucharistie, jour de la célébration des baptêmes et de leur souvenir. Nous avons à réfléchir à la manière dont nous traitons le temps ordinaire. Ainsi, il faut veiller à ne pas surcharger la liturgie des dimanches du temps ordinaire. Elle requiert un déroulement simple, sans surcharge rituelle ou musicale. Sinon, comment l’ordinaire se distinguerait-il de la fête ? Nous avons besoin de cette spiritualité paisible, qui nous permet de mieux vivre les temps de fête et nous évite d’épuiser équipes liturgiques et communautés chrétiennes dans des célébrations trop riches, où l’on chante beaucoup trop et qui finissent en indigestion.

L’ordinaire du lieu

Ce troisième sens du terme en régime chrétien est un qualificatif de l’évêque. Principe du sacrement de l’ordre dans son diocèse, l’évêque est le ministre principal de toute la liturgie. Ce n’est qu’à la place de l’évêque et unis à lui que les prêtres président la liturgie. Certaines décisions concernant la liturgie lui appartiennent en propre : les règles de la consécration, les décisions concernant la communion sous les deux espèces, la régularité de la vie sacramentelle, et la légitimité de certaines coutumes. Par ailleurs, les textes de la Constitution sur la liturgie (paragraphe 41, 42, 43, 55 et 57, entre autres) lui demandent de développer la pastorale liturgique et sacramentelle, de veiller au catéchuménat. On le voit, si l’évêque est qualifié d’« ordinaire du lieu », c’est parce qu’il règle, ordinairement, la liturgie de son Eglise diocésaine. Cela explique l’importance des célébrations présidées par l’évêque : elles sont normatives pour le diocèse.

Alors « ordinaire » ? Pas vraiment.

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