Que chanter aux funérailles ?
« Faut-il chanter aux funérailles ? » La réponse va de soi ; comme pour toutes les célébrations, le chant est un élément important et, chaque fois qu’il est possible, on préférera célébrer avec chant.
Le Rituel pour les funérailles le rappelle explicitement :
« La musique aura un double rôle : celui de créer le juste climat de paix au-delà de la douleur, en aidant à la cohésion d’une assemblée unanime ; celui d’exprimer la prière de supplication et de foi pascale. » (n°25).
Mais les funérailles posent quelques problèmes particuliers dus à l’aspect très concret que prend chaque célébration : c’est tel défunt, telle famille ; en fonction de cela, nous aurons telle assemblée… Sauront-ils, oseront-ils chanter ? Très souvent, on ne le saura qu’au moment où s’ouvre la célébration. Alors que faire ?
Ce qu’en dit le rituel
Le rituel, dans son introduction, nous donne quelques orientations générales qu’il est bon de se redire afin de les avoir présentes en mémoire :
« Le choix des chants et leur mise en œuvre tiendront compte tout à la fois du contexte pastoral et des possibilités concrètes de réalisation (assemblée importante ou non, chantante ou non, organiste…) Toujours, même dans les formes les plus modestes d’expression (simple antienne, verset du soliste, intervention de l’instrument), il faut faire effort pour la qualité du chant ou de la musique, qui est alors le signe sensible, expression de la foi. » (n° 26)
« Le chant des dialogues, antiennes et refrains par l’assemblée doit être favorisé. Cependant, dans bien des cas où le chant n’est pas possible (assemblées très restreintes, par exemple), on peut favoriser l’expression de la prière par la simple déclamation des dialogues, de refrains de psaumes ou de prières litaniques. Le rôle de l’organiste peut être très grand pour créer le climat de prière, nourrir un temps de silence après une lecture ou pendant certains gestes liturgiques (procession d’entrée, par exemple). » (n° 27)
Quand chanter ?
Dans le rituel, deux moments de chants sont explicitement indiqués, le chant d’entrée et le chant du dernier adieu. Il est clair qu’on y ajoutera, autant que possible, le refrain du psaume et celui de la prière litanique.
À propos du chant d’entrée, le rituel précise :
« il y a un seul chant d’entrée pour la procession avec le corps et le commencement de la célébration. On choisira le meilleur moment pour commencer : soit dès l’entrée du corps dans l’église, soit une fois l’assemblée en place. » (n° 48)
Quant au chant qui accompagne le rite de dernier adieu, il doit, nous dit le rituel, « … apparaître à tous comme le sommet de l’adieu de toute l’assemblée au défunt. Il est donc souhaitable que toute l’assemblée y participe. » Ajoutant :
« Si on ne peut chanter ce chant du dernier adieu, le célébrant proposera à l’assemblée de prier en s’unissant à quelques invocations. Cette forme de prière doit tendre à créer le même climat de confiance et d’espérance que celui du chant d’adieu. » (n° 101).
Il est notable que c’est le seul rite pour lequel le rituel propose des textes et même des musiques. C’est dire l’importance attribuée à ce chant, à ce qu’il doit dire, à ce qu’il doit produire comme effet. Il conviendra de s’en souvenir au moment de mettre en œuvre ce rite.
On se gardera d’oublier le psaume, élément important de la participation à la liturgie de la Parole. Il est encore trop souvent négligé. Et pourtant, élément poétique, il touche le cœur ; reflet de la prière d’un peuple de croyant, il nous unit à tous ceux qui l’ont déjà chanté ou qui le chanteront un jour ; souvent rédigés en « je-tu », il permet de nous approprier personnellement les sentiments qu’il exprime… Que peut-on dire de mieux que « Le Seigneur est mon berger » ou « Je mets mon espoir dans le Seigneur » ou encore « Tu ne peux laisser ton ami voir la corruption »…
Quant au refrain de la litanie, il est aussi un élément facile de participation ; et même pour des participants peu réguliers, il est facilement mémorisable. À la condition, bien sûr, qu’on le choisisse parmi les formules courantes et brèves.
Lorsqu’il y a eucharistie on chantera normalement le Saint, le Seigneur et l’Agneau de Dieu. Par contre, on gardera plutôt le Notre-Père récité dans l’espoir qu’un plus grand nombre puisse s’y associer. S’il n’y a pas eucharistie, le rituel prévoit une prière d’action de grâce. C’est une partie difficile à réaliser. En effet, les familles sont en deuil, les amis eux aussi sont touchés, parfois bouleversés ; des mots comme « nous te rendons grâce », « béni sois-tu » ou « alléluia » peuvent surprendre voire choquer ou scandaliser. Dans ce cas, on évitera tout ce qui pourrait paraître trop joyeux ou sembler irrespectueux de la souffrance et des questions qui y sont liées. Un chant de confiance au Dieu qui sauve de la mort pourra peut-être trouver sa place à ce moment.
Quoi chanter ?
La réponse à une telle question est difficile à donner dans le cadre d’un article visant un grand public, car elle dépend tellement des conditions concrètes dans lesquelles vont se célébrer les funérailles et des habitudes de chacune de nos assemblées liturgiques. On peut néanmoins se risquer à quelques considérations d’ordre général sur le sujet. Commençons par rappeler ce que nous en dit le Rituel : il s’agit de créer un climat qui permette le recueillement dans la paix, de rendre possible la communion de l’assemblée si possible par le chant ou, à son défaut, par l’écoute, et surtout d’exprimer la foi de l’Église en la résurrection. Cela demande des chants assez familiers et relativement faciles à mettre en œuvre ! Cela veut dire, aussi et surtout, des chants qui ont une réelle qualité de texte et de musique et dans lesquels s’exprime la foi de l’Église. Dans Chants notés de l’assemblée, ou dans le plus ancien Missel noté de l’assemblée un certain nombre de chants pour les funérailles. Aux chants cités par ces recueils, on pourra ajouter comme chants d’entrée, parmi les chants possibles et fréquemment cités par les divers documents parus :
- Seigneur, rassemble-nous (D 87) ;
- Lumière des hommes, nous marchons vers toi (G 128) ;
- Si l’espérance t’a fait marcher (G 213) ;
- Tu nous guideras au chemin de vie (J 15) …
Dans certaines circonstances (défunt et famille très croyants, présence de l’assemblée chrétienne du dimanche…) on pourra prendre des chants comme Peuple de baptisés, marche vers ta lumière (K 106), Dieu nous a tous appelés (A 14-56-1). Mais, on évitera, sous prétexte d’affirmer la foi chrétienne, tout ce qui pourrait donner à croire que l’on ne tient pas compte de la souffrance de la famille et qu’un deuil reste toujours un passage difficile. Et on se rappellera qu’utiliser un chant de ce genre pour les funérailles risque de lui donner à jamais cette connotation là pour ceux qui l’auront vécu intensément et donc de rendre plus difficile une utilisation en d’autres circonstances, particulièrement celle pour laquelle il a été initialement prévu.
Pour le rite d’Adieu, avec les chants prévus par le rituel, on pourra utiliser Dans la ville où tu t’en vas (S 57-1), La mort ne peut me garder sur la croix (S 21-2) ou encore Tu as été plongé dans la mort de Jésus (S 69-1) Dans le même esprit, on aura soin de regarder si telle ou telle phrase d’un chant ne va pas brutalement prendre une résonance dramatique en fonction de circonstances particulières : je pense à « les eaux qui t’ont sauvés », allusion évidente au baptême, mais qui peut choquer le jour où l’on enterre quelqu’un qui s’est noyé ; de même « la vie est courte… ce serait trop bête de se croiser sans se rencontrer » qui fut un jour chanté aux obsèques de jeunes qui s’étaient tués en moto ! Même le célèbre « Dieu nous accueille en sa maison », qui nous parait si paisible et si confiant et qui nous fait dire, tout de suite après, « jour d’allégresse et jour de joie », n’est pas dépourvu d’ambiguïté.
Une autre question se pose rapidement à ceux qui prennent régulièrement en charge les funérailles : va-t-on chanter toujours la même chose ? N’y a-t-il pas là risque de routine, de lassitude ? On se souviendra surtout que c’est pour nous, animateurs et célébrants qui sommes là à chaque célébration, que l’impression de répétitivité est forte : pour la famille du défunt, c’est toujours un événement unique. On se rappellera aussi que si l’on veut que les personnes présentes puissent chanter, il vaut mieux que l’on propose des chants familiers. Ce qui n’empêche pas, bien évidemment, d’avoir plusieurs possibilités à offrir aux familles en deuil.
Et que faire des chants ou musiques que la famille propose ou souhaite ? Pour juger de la réponse à donner, on se rappellera les indications du Rituel citées plus haut. S’il devait apparaître que les chants ou musiques souhaitées sont par trop éloignées de la prière de l’Église, on les évitera – autant qu’une saine attitude d’accueil le permet – ; à la rigueur on pourra, dans le rite d’entrée, au moment où on évoque la vie du défunt, faire entendre telle musique qu’il aimait… Mais, on aura soin de faire cela au moment de l’accueil et de marquer nettement le moment où commence la prière de l’Église.
Comment chanter ?
Avec les moyens du bord, bien sûr ! Ceci étant dit, on peut réfléchir à la question. L’idéal serait d’avoir quelques personnes participant régulièrement à nos célébrations : ils seront la présence de la communauté chrétienne ; ils assureront naturellement les réponses aux dialogues et aux prières ; ils donneront une certaine tenue aux chants… Il semble que ce soit encore le cas dans les villages et dans les bourgs où une partie de la communauté villageoise tient à être présente aux obsèques. La question se pose différemment dans les églises qui desservent hôpitaux et cliniques. Là, il arrive que le défunt soit très peu ou pas du tout connu et l’assemblée paroissiale n’est pas toujours représentée.
Dans tous les cas, est souhaitée la présence d’un « chantre », c’est à dire de quelqu’un capable d’entonner avec justesse les chants et d’assurer les couplets. Pas besoin qu’il soit nécessairement animateur de l’assemblée, un simple geste peut très bien indiquer le moment du refrain pour que tous se sentent invités à chanter. S’il y a un instrument et qu’un organiste peut être présent, ce sera une richesse supplémentaire. Il pourra entonner et accompagner les chants aidant l’assemblée à participer. De plus, il pourra intervenir en soliste pour créer l’ambiance de recueillement et de paix dont parle le Rituel. À défaut d’instrumentiste il y a le disque. Avec les CD, on peut avoir une relative qualité et une grande souplesse d’utilisation. Pour ma part, je donnerais préférence à des pièces d’orgue plutôt qu’à des chœurs. Par contre, je veillerais à deux choses. D’abord à ne pas mettre le son très fort : les installations de nos églises ont été faites plus pour la parole que pour la musique ; augmenter le volume c’est prendre le risque de distorsions qu’il vaut mieux éviter. Ensuite, je veillerais surtout à baisser le volume avant d’arrêter le disque et, dans la mesure du possible, je l’arrêterais sur une fin de phrase musicale. Pour cela, il est peut-être bon que quelqu’un un peu mélomane se tienne disponible pour ce travail aux moments qu’il convient.
Un dernier détail. On peut désirer faire une feuille d’assemblée pour chaque célébration. On peut aussi légitimement penser que c’est peut-être un lourd investissement. Pourquoi ne pas préparer une feuille contenant plusieurs chants possibles parmi lesquels on choisira pour les enterrements habituels ? On ne ferait alors une feuille spéciale que lorsque les circonstances l’impose !
Chanter / ne pas chanter… Chanter beaucoup / chanter peu… La question n’est pas celle-là si chacun a à cœur de faire « ce qu’il peut ». Par contre, que l’on chante ou que l’on parle, l’essentiel est que cela soit fait avec qualité, dans la vérité du geste humain et du rite. Ainsi sera respectée la douleur de la famille, ainsi sera proposée en vérité la foi en la résurrection que l’Église entend signifier quand elle célèbre les funérailles des baptisés.
Article extrait de la revue Célébrer n° 336
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