Porter la communion aux malades : quelle démarche ?
Dès l’an 150, saint Justin en nous donnant la première description de la messe dans sa première Apologie, n°67, signale que « l’on envoie leur part (des aliments consacrés, c’est-à-dire de l’eucharistie) aux absents, par le ministère des diacres ».
L’actuel Rituel des sacrements pour les malades redit pour nous l’importance du geste (n°27) :
« Porter la communion à un malade est un geste de foi et une démarche fraternelle de la communauté eucharistique envers ses membres absents : un membre de l’assemblée eucharistique (prêtre ou laïc désigné à cet effet) apporte à celui qui ne peut y participer le réconfort de la Parole et le pain ou le vin eucharistique partagé dans l’assemblée. De cette manière, le malade reste uni à cette assemblée et il est soutenu par ce geste de fraternité chrétienne. »
Beaucoup de chrétiens l’ont compris, et notamment ceux qui sont engagés dans la pastorale de la santé. Mais, à circuler en France et à participer dans des endroits divers à la messe dominicale, on doit reconnaître que cette pratique n’est pas aussi généralisée qu’il le faudrait.
La communion aux malades peut être portée n’importe quand et par n’importe quel fidèle. C’est la première raison d’être de la réserve eucharistique gardée dans le tabernacle. Mais nous parlerons ici de celle qui découle de la messe du dimanche, en nous référant :
– au Missel carré d’autel, p. 446 ;
– au Rituel des sacrements pour les malades, du n° 27 au n° 51 ;
– au Rituel de l’eucharistie en dehors de la messe, du n° 54 au n° 67.
L’eucharistie confiée au visiteur
Lorsqu’il participe à la célébration eucharistique, le fidèle qui va porter la communion à un malade peut, bien sûr, en arrivant devant la personne qui la distribue, demander une hostie supplémentaire. Mais à cette démarche isolée, on préférera une autre, plus communautaire et plus liturgique.
Après le geste de paix ou, mieux, entre l’Amen de la prière eucharistique et la monition du Notre Père, le prêtre qui préside invite à le rejoindre autour de la table de l’autel tous ceux qui vont porter l’eucharistie, à l’assemblée dans un instant, ou aux malades après la messe. Le Missel (voir Missel carré d’autel, en bas de la page 446) prévoit deux formules au choix que le prêtre prononce pour bénir et envoyer les distributeurs ou les porteurs. Il va de soi que, selon le n° 242 de la PGMR, ces fidèles peuvent communier sous les deux espèces.
Cette pratique est donc préférable, car elle considère la communion portée aux malades comme un acte liturgique qui concerne toute l’assemblée et non seulement l’un de ses membres agissant individuellement. Elle suppose en outre que le prêtre qui préside ait été averti avant le début de la messe et ait pu faire prier toute l’assemblée pour ces malades à la prière universelle, voire même – en certaines occasions – dans la prière eucharistique : « Sur nous tous enfin et, particulièrement sur les malades de notre paroisse … »
Notons enfin que certaines assemblées, pour mieux marquer le caractère communautaire de ce geste, ont choisi de le placer entre la bénédiction et l’envoi ou, mieux, entre l’Amen de la prière après la communion et la bénédiction.
Quelques remarques pratiques
– Le Rituel des sacrements pour les malades (n°31) dit qu’on portera l’eucharistie dans une custode ou par un autre moyen approprié. La custode est, en effet, le moyen le plus simple et le plus significatif. À défaut, on prendra une jolie petite boîte sur laquelle rien n’est inscrit ou une jolie pochette pliée en neuf.
– Si l’état du malade ne lui permet pas d’avaler du solide, on peut lui donner l’eucharistie sous la seule espèce du vin. On veillera alors plus encore à la beauté et à la sûreté du flacon.
– Les personnes qui entourent le malade peuvent communier avec lui (infirmière, garde-malade…). Mais celui qui porte la communion et qui a déjà communié à la messe ne le refera pas.
– Il est normal que certains malades souhaitent communier au moment de la communion de la messe télévisée. Mais on se rappellera que la communion aux malades est un acte liturgique de la communauté locale et que le porteur accomplit un ministère. Il ne pourra donc pas s’effacer complètement devant l’image ou laisser l’eucharistie au malade pour qu’il se communie lui-même au moment de la communion de la messe télévisée. Il fait partie du signe sacramentel de l’eucharistie qu’elle soit donnée et reçue.
Tous, visiteurs et malades, fonderont leur pratique sur le n°15 du Rituel de l’eucharistie en dehors de la messe, qui cite lui-même le n°3a de l’Instruction sur le mystère eucharistique du pape Paul VI :
« On enseignera soigneusement aux fidèles ce qui suit. Même lorsqu’ils communient en dehors de la célébration de la messe, ils s’unissent intimement au sacrifice qui perpétue celui de la croix ; ils participent à ce banquet sacré où, par la communion au corps et au sang du Seigneur, le peuple de Dieu participe aux bienfaits du sacrifice pascal, renouvelle l’alliance nouvelle scellée par Dieu avec les hommes une fois pour toutes, dans le sang du Christ ; ce banquet eucharistique, dans la foi et l’espérance, préfigure et anticipe le banquet eschatologique dans le Royaume du Père, en annonçant la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. »
Il semble utile de rappeler d’abord, tant l’étonnement est général lorsqu’on en parle, qu’il existe un Rituel de l’eucharistie en dehors de la messe1. Il comporte quatre chapitres :
1. Le rite ordinaire de la communion dans une célébration communautaire qui n’est pas la messe (c’est tout à fait le cas des ADAP) ;
2.La communion et le viatique portés au malade par un ministre extraordinaire (c’est le cas de la communion portée par un laïc) ;
3. Les différentes formes de culte à rendre à l’eucharistie :
– l’exposition de l’eucharistie (salut du Saint-Sacrement) ;
– les processions eucharistiques ;
– les congrès eucharistiques ;
4. Annexe (références bibliques, prières, chants, ).
Il est vrai qu’il existe aussi des livrets ou des pages dans certains missels des fidèles qui présentent des matériaux pour aider un laïc qui porte la communion à faire de cette démarche une célébration liturgique. Mais les éléments ainsi fournis sont toujours le résultat d’une sélection et, surtout, les textes de présentation et les notes pastorales en sont absents. Or il est de la plus grande importance qu’ils soient connus pour que soient bien saisis le sens, le contenu et les façons de faire de chaque action.
On ne dira pas pour autant que chaque fidèle doit posséder tout le Rituel. Mais il est indispensable que chaque aumônerie d’hôpital ou de clinique, chaque paroisse de grande ville et chaque secteur rural puisse le mettre à la disposition de tous ceux qu’il concerne, et organise de temps à autre une réunion autour de lui, pour confronter les façons de faire de chacun avec ce que l’Église propose.
À la maison
Le début de ce chapitre présentait les règles générales de la communion aux malades et ce qui se passe à la messe avec les fidèles qui la portent.
Voici maintenant ce qui se passe à la maison, ou dans une chambre d’hôpital.
D’abord, un minimum d’aménagement est souhaitable. Sur une table pas trop encombrée par ailleurs, on déplie une nappe sur laquelle on pose le récipient contenant l’hostie. On aura également préparé et disposé sur la nappe un crucifix, un cierge et un petit bouquet de fleurs (peut-être apporté par la personne qui porte la communion).
La célébration (car selon le n° 16 de notre Rituel, il s’agit bien d’une célébration) compte plusieurs actions.
– L’entrée en célébration : c’est la salutation amicale du porteur au malade et à ceux qui l’entourent, qui peut aboutir à une salutation liturgique : « Paix à cette maison et à tous ceux qui l’habitent. »
– La préparation pénitentielle comportant une invitation à la pénitence, l’élément pénitentiel (les trois invocations de la messe : « Seigneur Jésus, envoyé … » ou une autre formule qui s’en inspire, ou le Je confesse à Dieu, ou l’acte de contrition, etc.) et la prière pour le pardon : « Que Dieu tout-puissant nous fasse miséricorde … »
– La parole de Dieu : c’est évidemment celle de la liturgie du jour ou un extrait qui convient le mieux, mais on tiendra compte de l’état de réception dans lequel se trouve la personne malade.
– La prière commune : ce peut être la prière universelle de la messe paroissiale ou une prière improvisée. Là aussi, l’état du malade commandera la longueur (et même l’existence) de l’action.
– La communion elle-même : comportant la récitation du Notre-Père, la formule :
« Heureux les invités… », le don de l’eucharistie au malade selon le mode qui conviendra à son état de santé (dans la main, sur la langue, et même, si c’est le seul moyen, par le vin consacré, comme nous l’avons dit) et une oraison d’action de grâce.
– La conclusion comporte une bénédiction : « Que le Seigneur nous bénisse… », à laquelle on peut ajouter un Je vous salue Marie, ou un chant, si c’est possible. À noter que la formule de la bénédiction, comme la demande de pardon ci- dessus, est la formule officielle, mais qui passe du « vous » au « nous » si c’est un laïc qui la dit.
Le rite bref
Il comporte seulement la salutation, les formules : « Heureux … » et « Seigneur je ne suis pas digne … », et le don de l’eucharistie.
Il peut avoir lieu :
– lorsque la personne qui donne la communion a de nombreux autres malades à visiter ;
– lorsque le malade est trop fatigué ;
– lorsque l’entourage réclame que l’on soit discret, par exemple dans une salle commune d’hôpital ou une chambre à plusieurs lits.
Enfin, il est normal et utile de réunir de temps en temps les personnes qui ont accepté ce service de la communion aux malades, pour qu’elles partagent leurs difficultés et leurs joies, posent leurs questions et complètent leur formation.
Cet article est extrait de Du bon usage de la liturgie, Guides Célébrer
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1. Rituel de l’eucharistie en dehors de la messe, 2e édition, Desclée-Mame, 1996.