La cloche, instrument liturgique et outil de communication
Par la Société Française de Campanologie
Née d’une alchimie complexe de la terre et du feu, la cloche convoque à l’assemblée chrétienne, accompagne parfois la célébration des offices religieux et rythme les étapes de la vie de la communauté monastique ou paroissiale. Elle rassemble les vivants dans le sentiment d’appartenir à une communauté bien identifiée.
Les usages liturgiques des cloches se sont multipliés dans la suite des temps, il en est qui sont spéciaux à certaines contrées.
L’usage premier de la cloche, du moins en Occident, semble être la convocation des chrétiens pour la prière. C’est cette fonction qui a permis leur généralisation progressive entre le VIe et le IXe siècles ; les règles monastiques anciennes ont contribué à cette diffusion mais la pratique se propagea vite dans les églises de paroisse.
La bénédiction fait des cloches un meuble d’église destiné à annoncer la célébration des offices. Elle est le signe sonore qui rassemble les chrétiens pour la liturgie mais le son de cet instrument s’adresse aussi à ceux qui ne peuvent pas y participer : dans les monastères, les tintements de la consécration permettaient aux frères convers qui ne participaient pas à la messe conventuelle de s’associer à la célébration. Autour des monastères, les fidèles étaient avertis que les religieux allaient s’adonner à la louange divine au fur et à mesure des différents offices de la journée.
Plusieurs cloches permettent d’avoir des sonneries cultuelles variées correspondant aux différentes cérémonies et au Temps liturgique (Temps ordinaire, Temps de Pénitence – Avent, Carême – Temps pascal…). Le nombre de cloches mises en volée varie selon le degré de solennité. Par exemple, pour un ensemble de 4 cloches, on aurait les volées suivantes :
Jours ordinaires : 1 cloche (La) Fêtes mineures : 2 cloches (Sol, La) Dimanches et Fêtes majeures : 2 cloches (Fa, la) Solennités mineures : 3 cloches (Fa, Sol, La) Solennités majeures (« Grandes fêtes ») : 4 cloches dont le bourdon, (plenum)
Ce « règlement des sonneries » dépend avant tout de l’évêque et non de l’autorité civile.
L’Angélus
L’Angélus est une prière en trois versets, suivie d’un Ave Maria. La sonnerie de l’angélus invite les chrétiens à s’associer à leur manière à la liturgie des heures. Cette sonnerie caractéristique se fait entendre habituellement trois fois par jour : matin, midi et soir ; cette sonnerie est caractérisée par : 3 fois trois coups puis volée d’une cloche (en général la plus petite) ou de plusieurs cloches. Il convient de veiller à bien espacer les coups et les séries (1 coup, silence de 5 secondes, etc.) puis un silence de 10 secondes avant la deuxième série et de même avant la troisième série puis lancement de la cloche en volée pendant 1 minute. Il faudrait dans le temps d’une série avoir le temps de réciter l’invocation et le repons ainsi que la récitation d’un Ave Maria.
Sacrements et événements de la vie. La cloche est aussi un outil de communication de masse. Dans une société où l’Église accompagnait par ses rites et ses sacrements les grandes étapes de la vie humaine, cette fonction restait encore étroitement liée à la liturgie. Il est d’usage de célébrer un baptême et un mariage par des sonneries joyeuses. Il en est de même pour les fêtes patronales.
Pour un défunt, la cloche rend, au contraire, un glas funèbre. La sonnerie pour les morts est inspirée d’une double pensée de foi : on invite ainsi les vivants à prier pour les défunts, on leur rappelle en même temps qu’ils mourront un jour et qu’ils doivent songer à préparer pour eux-mêmes ce passage redoutable.
On constate des coutumes différentes selon les lieux : la lenteur du rythme de frappe ou l’espacement entre les séries de coups, l’alternance plus ou moins systématique entre les cloches, le nombre de cloches utilisées introduisent des variantes régionales qu’il convient de prendre en considération.
Les deux formes les plus courantes en France sont :
- Le glas tinté : tintement sur une cloche ou alternance sur plusieurs cloches ; aucune cloche n’est mise en volée.
- Le glas romain : volée de cloche avec tintements alternés sur une ou plusieurs cloches entre chaque frappe du battant sur la cloche mise ainsi en volée
« Leur capacité à créer une ambiance festive, leur aptitude à signifier la tristesse et à permettre le deuil sont autant d’atouts pour témoigner de la foi que nos prédécesseurs ont gravées sur nos cloches » (Patrick Prétot, Les cloches : instrument liturgique et signal public, Chroniques d’Art sacré, n° 46, été 1996)
Plus généralement, la cloche prête sa voix pour traduire les sentiments de la population (Sonnerie exceptionnelle à l’occasion du décès d’une personnalité, par exemple).
Le silence des cloches
Le silence des cloches pendant les trois derniers jours de la Semaine Sainte. Quoiqu’on sonne en signe de deuil pour les défunts, l’anniversaire de la mort du sauveur est signalé à l’attention des chrétiens par le silence complet de toutes les cloches. Dès le VIIIe siècle, on cesse de sonner les cloches le Jeudi Saint pour n’en reprendre la sonnerie que le matin du jour de Pâques. C’est honorer la sépulture du Sauveur et le silence du tombeau dans l’attente de la glorieuse résurrection.
Le symbolisme des cloches
La cloche est l’instrument qui s’est substitué aux trompettes de la loi mosaïque. Elle convoque les fidèles autour du prêtre pour recevoir de sa bouche la Bonne parole. La cloche, à la fois maternelle et spirituelle, relie par ses ondes tout l’espace humanisé au sanctuaire, maison cosmique, lien entre le ciel et la terre. Selon Dom Baudot, les prières liturgiques invitent les fidèles à voir dans la cloche le modèle d’une âme contemplative : la cloche plane dans les airs au-dessus des bruyantes agitations du siècle. Le joug en bois qui sert à la suspendre représente la croix du sauveur. Elle symbolise le grand retentissement que doit avoir l’enseignement du Fils de Dieu. Nombre de liturgistes considèrent que le son des cloches est non seulement un écho à la voix des prédicateurs de l’Evangile, mais qu’il est « voix » :
- Voix d’adoration : les cloches suspendues dans les airs sont des messagères célestes (Ps. 28 et 76) ;
- Voix de louange : les cloches sont comme les ambassadrices de tous les êtres de la création que le Psalmiste invite à la reconnaissance (Ps. 148) ;
- Voix de la pénitence : elles pleurent avec nous les malheurs que nous a apporté le péché ; elles crient pardon pour les âmes repentantes ;
- Voix de la prière : au son de la cloche, l’âme s’élève comme d’elle-même vers le ciel d’où lui vient tout secours ;
- Voix du temps qui s’écoule : la cloche nous rappelle qu’il faut employer utilement ce qui nous reste de vie sur cette terre pour préparer notre éternité.
La bénédiction des cloches
La pratique de la Bénédiction, pour les cloches, remonte probablement au IVe siècle ; le rite primitif date du VIIe siècle et se réduit à une formule d’exorcisme et une prière de bénédiction. Ce terme figure explicitement dans les premiers Sacramentaires (VIIIe siècle).
L’Eglise n’a jamais employé l’expression Baptême des cloches, communément admise dans le langage courant, parce qu’il n’y a pas là baptême dans le sens théologique de régénération de l’âme par la rémission du péché. La cérémonie de bénédiction des cloches comporte néanmoins une représentation des signes et des symboles du baptême. Très tôt l’Eglise donna aux cloches des noms de saints.
Le Livre des Bénédictions de 1988 a considérablement changé le rituel de la bénédiction de la cloche. Cette célébration est souvent intégrée au cours d’une liturgie eucharistique, ce qui est normal puisque la cloche convoque à l’assemblée chrétienne et rythme les étapes de la communauté paroissiale.
De droit commun, la fonction de bénédiction d’une cloche revient à l’évêque. Il peut cependant déléguer le vicaire général ou un simple prêtre.
Télécharger l’article complet en PDF :
Société Française de Campanologie – La cloche, instrument liturgique et outil de communication