Le vêtement blanc du baptisé : histoire et sens

Pape François baptême

© CIRIC

Par Michèle Crosnier

« Baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ »

Le petit enfant reçoit, à son baptême, un nouveau vêtement, de couleur blanche. Est-ce pour dire son innocence ou sa pureté ? Non ! Dans notre culture, le vêtement blanc est signe de fête. Le vêtement de la première communion, de la profession de foi, de l’engagement religieux, sont traditionnellement blancs. Blanche est la robe de la mariée, le jour des noces, ou l’aube des ministres situés dans le chœur pour les célébrations liturgiques. Cherchons ce que nous disent du vêtement blanc, la vie courante, le rituel, l’histoire du rite et la Bible, puis réfléchissons à sa mise en œuvre.

Dans la vie courante

« Avez-vous remarqué, écrit Michel Hubaut, combien le vêtement est pour l’homme un langage qui cache et révèle tout à la fois son vrai visage ? » Pensons aux vêtements de travail, tenues de loisirs, déguisements, vêtements de deuil, de fête, costumes de folklore, uniformes militaires. Les vêtements et parures répondent à des logiques d’utilité, de nécessité. Mais pas seulement. Certains vêtements sont soumis à des modes lancées par notre société de consommation. Nous en changeons selon l’humeur, les circonstances : rebelle, gai, pour se reposer, pour passer inaperçu ou se faire remarquer… Ils ont une dimension symbolique pour dire la pudeur, la présentation de soi, l’appartenance à une communauté, la démonstration de rang social, l’indication d’une fonction, le signe extérieur de jubilation ou de deuil.

Dans le rituel

La remise du vêtement blanc est l’un des trois rites complémentaires qui achèvent le baptismal, après l’onction avec le Saint Chrême, avant la remise du cierge allumé. Le Rituel du baptême des petits enfants (n° 141) accompagne ce geste de la parole suivante prononcée par le ministre :

« N., tu es une création nouvelle dans le Christ :
tu as revêtu le Christ ;
ce vêtement blanc en est le signe.
Que tes parents et amis t’aident,
par leur parole et leur exemple,
à garder intacte la dignité des fils de Dieu,
pour la vie éternelle. »

Dans l’histoire de l’Eglise

Vers 215, l’auteur de la Tradition apostolique écrit comment se déroulait le baptême : dans la nuit pascale, le « candidat » se déshabille. Il descend les marches qui mènent au fond d’une petite piscine, le baptistère. Dans l’eau, il reçoit le baptême. Puis le nouveau baptisé remonte par l’autre côté du baptistère. Il revêt un nouveau vêtement, une aube blanche (alba). Á partir du IVe siècle, vêtus ainsi pendant les sept jours de la « semaine en blanc » (in albis) suivant le 1er jour de la Pâque, les néophytes[1] reçoivent une catéchèse mystagogique[2].

SIGNIFICATION

Le vêtement blanc du baptisé souligne les effets positifs du sacrement.

Renoncement au vieil homme

Avant de revêtir le vêtement blanc, il s’agit de quitter ses vêtements, non pas pour renouer avec l’innocence angélique, mais pour marquer l’acceptation de sa pauvreté, de ses limites. Quitter ses vêtements, c’est ressembler au Christ nu sur la croix au moment de sa mort, dénudé par les soldats (Matthieu 27, 28). C’est se retrouver nu comme au jour de sa naissance, abandonner sa vie d’avant. C’est renoncer au « vieil homme », qui veut vivre sans Dieu ou contre Dieu, et au péché entré par lui dans le monde (Romains 5, 12-21) : « Vous avez dépouillé votre tunique, écrit Cyrille de Jérusalem, et ce geste figurait le dépouillement du vieil homme. »[3]

Dignité et liberté

Après leur péché, Dieu n’abandonna pas Adam et Ève et « fit pour eux des tuniques de peau et les en vêtit » (Genèse 3, 21), à la place des pagnes en feuilles de figuier qu’ils s’étaient fait (Genèse 3, 7).
Dans la parabole du fils prodigue (Luc 15, 11-32), le fils quitte son Père. Puis découvrant sa nudité spirituelle et sa misère morale, il décide de revenir. Réaction, de tendresse, du père, qui guettait son retour : « Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le ; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. (…) Mangeons et festoyons, car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé. »
Ainsi en est-il au baptême : le vêtement nouveau est habit de dignité et de liberté redonnées au fils retrouvé.

Homme nouveau, vie nouvelle

« L’éclat de ce vêtement royal » manifeste que les néophytes ont « revêtu l’homme nouveau » (Colossiens 3, 10 ; Éphésiens 4, 24) explique saint Jean Chrysostome[4]. Dans ces « vêtements brillants », saint Augustin[5] voit « comme une parole visible » qui inscrit dans leur mémoire leur « nouveauté de vie ». Ce vêtement de lumière marque aussi une exigence : conserver « la blancheur spirituelle » (saint Cyrille de Jérusalem) et « faire briller la lumière par les œuvres » (saint Jean Chrysostome).

La couleur du Christ

Le blanc est couleur des vêtements de Dieu, « blancs comme la neige » (Daniel 7, 9), et du Christ transfiguré (Marc 9, 3 ; Matthieu 17, 2 ; Luc 9, 29), « éblouissants, si blancs qu’aucun foulon sur terre ne saurait blanchir ainsi ». Le vêtement du baptisé, c’est le Christ, écrit Saint Paul : « Tous vous êtes par la foi, fils de Dieu, en Jésus-Christ. Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. » (Galates 3, 27). Le baptisé le revêt pour devenir fils de Dieu, comme lui.

Vers le Royaume

Le vêtement blanc est le « vêtement de salut » selon Isaïe 61, 10. Ceux qui marcheront avec le Seigneur sont « habillés de blanc » (Apocalypse 3, 4). Les élus au ciel « sont revêtus de robes blanches, les palmes à la main » (Apocalypse 7, 9), « blanchies dans le sang de l’Agneau » (Apocalypse 7, 14). L’épouse aux noces de l’Agneau est vêtue « de lin d’une blancheur éclatante » (Apocalypse 19, 7). Le vêtement blanc est « signe de ce monde brillant et resplendissant » auquel le baptisé est appelé (saint Jean Chrysostome)[6].

EN PRATIQUE

Vatican II a rendu facultative la remise du vêtement blanc pour les adultes (Rituel n° 226) et les enfants en âge scolaire (Rituel n° 116). Cela se comprend puisque ce symbole ne parle bien qu’associé à celui du dépouillement, montrant le passage de l’homme ancien à l’homme nouveau. C’est le cas dans le baptême par immersion. Dans le rite de l’ablution, plus fréquent, pourquoi ne pas imaginer un geste qui signifierait l’abandon du vêtement ancien et manifesterait mieux, par contraste, le passage à un nouveau vêtement ? Il faut au moins veiller à ce que le vêtement blanc soit mis à ce moment de la célébration et non dès le début.

Comment faire ? Il est bon de prévoir une table, avec un matelas, pour habiller le petit enfant facilement. Normalement la marraine (ou le parrain) accomplit ce geste. Le rituel propose de chanter : « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ, alléluia », qui permet à l’assemblée une participation joyeuse.

Quel vêtement ? Un vêtement facile à enfiler et suffisamment enveloppant pour remplacer les anciens vêtements (et recouvrir ceux qui ont été conservés). Quelquefois, la marraine aime l’offrir elle-même, ou la famille transmet une robe de baptême, portée lors du baptême de l’arrière-grand mère à celui du petit frère : elle est alors signe de la foi, de l’Évangile, transmis de génération en génération. Certaines paroisses ont fait confectionner de petites aubes : le vêtement est ainsi transmis par la communauté chrétienne.

Enjeu pastoral

Malgré les difficultés de mise en œuvre, faut-il réduire à sa plus simple expression, la remise du vêtement blanc, si riche de sens ? Cherchons une solution moyenne : un vêtement blanc, ample, enveloppant, facile à enfiler, dans la fidélité à l’intuition des premières générations de fidèles du Christ. Á moins de proposer plus souvent le baptême par immersion pour rendre plus explicite le vêtement blanc revêtu pour toute la vie au jour du baptême, dans l’espérance de la résurrection ! Ainsi sera mieux manifestée l’image paulinienne : « baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ », vous avez revêtu « l’homme nouveau ». Dans la couleur de la lumière du matin de Pâques.

 

[1] Nouveaux baptisés. // [2] Etymologiquement : « qui conduit au mystère ». Il s’agit d’explications, commentaires à partir de ce qui a été vécu dans le rite. // [3] Catéchèses mystagogiques 2, 2. // [4] Catéchèses baptismales 4, 18.// [5] Sermon Mai, 94, 7. // |6] 3e catéchèse baptismale n° 26.

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M. Crosnier – Le vêtemet blanc

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