Collection « Célébrer » : Le chant, don pour l’Église.
« À la lumière du mystère pascal », le sous-titre de ce douzième volume de la collection Célébrer sur le chant dans la liturgie dit l’ambition de l’ouvrage. Destiné aux équipes liturgiques, aux animateurs du chant et à tout chrétien soucieux de la beauté des célébrations, ce guide propose de redécouvrir qu’en chantant la liturgie, c’est notre identité en tant que membres du corps du Christ appelés à vivre le mystère pascal que nous manifestons.
Expiration et inspiration… Mort et résurrection… Habité par le Souffle, le chant inscrit déjà notre corps dans le mystère pascal du Christ, tel qu’il se déploie dans le rite. Reçu par l’Église, il est aussi un don qu’elle offre dans sa liturgie, comme un écho authentique du chant divin qui parcourt l’univers depuis l’aube du monde, et dans l’anticipation de la nouvelle Jérusalem, où les chœurs célestes nous attirent vers le mystère de notre gloire à venir. Cet ouvrage, mêlant approches théologique, mystagogique et liturgique, nous invite à renouveler notre regard sur le chant liturgique pour mieux unir nos voix à celle du Christ et entonner avec lui le Cantique nouveau
Conformément à l’approche de la collection, ce volume alterne le récit liturgique, la relecture mystagogique et l’approfondissement théologique pour aider chacun à vivre pleinement l’acte du chant dans la liturgie. Des QR Codes rendent accessibles divers articles complémentaires, souvent plus pratiques.
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Présentation
CHANTER POUR VIVRE LE MYSTÈRE PASCAL
« Pendant le chant, on ne vieillit pas », écrit le poète (Eugène Guillevic).
Il est vrai qu’il existe un certain bonheur de chanter qui peut nous donner l’impression de transcender le temps et l’existence, en nous offrant des moments de pure joie et de connexion profonde avec nous-mêmes et avec les autres. Et pourtant, chanter nous relie aussi à notre finitude.
En effet, dans le chant, comme dans la parole, il nous faut inspirer puis expirer. Chanter se greffe donc sur cette expérience régulière et vitale du souffle qui, sans cesse, nous traverse et nous fait vivre, dans un flux qui peut sembler sans fin.
Mais, pour cela, il nous faut consentir au fait que, si l’on n’inspire pas, on ne pourra plus expirer. Ce faisant, l’acte de respirer, auquel chanter est intrinsèquement lié, est comme notre première porte d’entrée dans le mystère de la mort et de la vie : nous naissons et nous mourrons dans un souffle. Dès lors, on pourrait dire que l’expiration constitue comme la partie « mourante » et l’inspiration la partie « ressuscitante » de notre cycle respiratoire. La mort et la vie y mènent un combat.
Plus encore, libérer notre souffle dans un flux musical de nature « pascale
Mais l’acte de chanter nous engage encore plus loin : il nécessite aussi que nous libérions notre souffle dans un flux musical de nature « pascale ». Dès qu’un son est émis, il doit commencer à mourir, libérant un passage pour que le son suivant puisse naître. Cela signifie que chaque ligne mélodique est comme une succession de « morts » et de « résurrections » liées organiquement. En effet, si chaque son vivait pour toujours, sans jamais mourir ou se décomposer en silence, il ne pourrait y avoir de chant. Il n’y aurait que bruit et cacophonie.
Certes, notre engagement vocal dans ce rythme musical déterminé par la mort et la résurrection peut être inconscient, mais l’aspect et l’engagement physiques de notre respiration ne le sont pas : nous y expérimentons le rythme et le cycle continu d’entrée du souffle de vie puis de sa libération vers l’extérieur.
Bien plus, en chantant ensemble, cette alternance mort / résurrection devient un processus ecclésial, dès lors que nous commençons de respirer ensemble comme un corps. À un niveau très profond, sous la surface de la musique, nous devenons liés les uns aux autres dans un rythme commun de mort et de résurrection.
Ce faisant, et malgré des résistances toujours possibles dues à notre condition humaine, nous nous engageons en tant que corps du Christ vivant et respirant le Mystère pascal célébré ici et maintenant. Dans cette mise en œuvre rituelle de notre mort et de notre résurrection, le chant devient un facilitateur et un opérateur : il nous est donné, dans la liturgie, par l’Église, pour nous aider à nous livrer, à nous abandonner au mystère pascal du Christ, tel qu’il se déploie dans le rite.
En chantant la liturgie, c’est notre identité que nous manifestons.
Nous ne sommes peut-être pas toujours conscients de ce mouvement d’abandon, mais nous éprouvons souvent ce sentiment de libération que le chant génère, en « cédant » à quelque chose au-delà de nous-mêmes. Et, plus nous prenons conscience du chant liturgique en tant que participation au mystère de mort et de résurrection que la liturgie proclame, plus nous permettons à notre chant de faciliter notre abandon à ce mystère.
Bien plus, en chantant la liturgie, c’est notre identité en tant que membres du corps du Christ appelés à vivre le mystère pascal que nous manifestons. Le chant liturgique, par la puissance de la dynamique inscrite dans sa nature pascale greffée sur le mouvement d’inspir et d’expir, facilite alors notre entrée dans cette identité, en nous permettant « de crier les Kyrie eleison des opprimés, de chanter les Alléluia des ressuscités, de soutenir les Maranatha des fidèles dans l’espérance du Royaume qui vient ! ».
En régime chrétien, c’est ainsi qu’en vérité, « pendant le chant, on ne vieillit pas ».
François-Xavier Ledoux