Fête de la Toussaint, 1er novembre : notre avenir dévoilé

La solennité de tous les Saints nous met devant les yeux la foule immense des rachetés, pour nous dévoiler l’avenir vers lequel nous sommes en marche. Mais elle doit aussi nous rendre conscients de notre solidarité avec ceux qui nous ont précédés dans le monde invisible. Vivant près de Dieu, ils sont pour nous de puissants intercesseurs (extrait du Missel romain).

L’histoire de la Toussaint est assez complexe. Relevons déjà que cette fête ne peut s’appuyer sur aucun événement raconté dans les Évangiles à la différence des grandes célébrations liturgiques que sont Noël, Pâques ou encore la Pentecôte. L’origine de la célébration collective de tous les saints est à attribuer autant à la piété populaire qu’à l’évolution de la réflexion théologique. C’est bien l’Église qui a institué la Toussaint pour encourager ses membres en leur dévoilant l’avenir vers lequel tous sont en marche et que reflètent déjà les témoins de la foi qui les ont précédés auprès de Dieu.

Les leçons de l’histoire

L’histoire montre en effet que, très vite, les premiers chrétiens ont cherché à manifester leur admiration et leur reconnaissance envers leurs contemporains qui témoignaient de leur fidélité au Christ jusqu’à la mort. Des cultes ont été organisés sur les restes des martyrs, bientôt au jour anniversaire de leur mort. Puis la piété des chrétiens s’est tournée vers d’autres figures de baptisés dont la vie exemplaire – ascètes, vierges, confesseurs de la foi, pasteurs… – a marqué leurs communautés. Il était juste de les célébrer, habituellement au jour anniversaire de leur mort ; en les associant aux saints inscrits dans les divers martyrologes. Le calendrier des saints, embryonnaire au IIIe siècle, s’est ainsi progressivement constitué. Dès le Ve siècle, on a fait mémoire des saints dans la prière eucharistique (sur cette évolution et la nature du culte des saints, Pierre Jounel, le culte des saints dans l’Église catholique). Mais comment la fête de la Toussaint en tant que célébration de tous les saints a-t-elle vu le jour ?

On trouve assez tôt des traces d’une fête de tous les saints martyrs ou confesseurs, notamment en Orient. La date primitive est peut-être le 13 mai. À côté de cet usage syrien, on la célèbre souvent le premier dimanche qui suivait la Pentecôte. Des écrits de Saint Jean Chrysostome (+ 407) évoquent à cette date la consécration d’une journée à tous les saints car leur nombre ne permet pas leur commémoration individuelle. Mais au IVe siècle un calendrier de Nicomédie mentionne aussi le vendredi de l’octave de Pâques. S’il n’est pas sûr que cette célébration, quelle que soit sa date, ait eu beaucoup d’impact sur l’ensemble du peuple chrétien – elle était le plus souvent célébrée avant tout dans des monastères -, la proximité de Pâques ou de la Pentecôte est à relever : en son sens originel, la fête vise à mettre devant les yeux des croyants la sainteté de vie qui caractérise ceux qui essaient de vivre en vérité selon l’esprit du Ressuscité, autrement dit selon l’Esprit Saint descendu sur les apôtres à la Pentecôte.

Puis cette fête est arrivée à Rome et en Occident. Elle va connaitre une grande diffusion et un changement de date. Cette étape s’amorce au début du VIIe siècle à Rome lorsque l’empereur fait don au pape Boniface IV du Panthéon, temple païen en l’honneur de tous les dieux. Boniface IV y fit alors transporter des ossements de martyrs provenant des catacombes et le consacra le 13 mai 610 à la Vierge : le Panthéon devient alors l’Église Sainte Marie aux Martyrs. L’anniversaire de cette dédicace fut célébré par la suite tous les 13 mai. De nombreux chrétiens venaient y assister à ce qui devint la « Fête des martyrs et de tous les saints ».

Pourquoi alors le 1er novembre ? Depuis des temps lointains, les peuples celtes célébraient à cette date Samain, une fête païenne dédiée aux morts et qui correspondait aussi au nouvel an celte. La mise en place du 1er novembre pour célébrer la Toussaint découle de la décision de combattre cette fête païenne : en 835, le pape Grégoire IV fit promulguer par Louis le Pieux (+ 840) un décret qui fixait la fête de tous les saints à la date du 1er novembre. À partir de ce moment, cette célébration s’imposa rapidement dans tout l’empire carolingien, c’est-dire l’occident et la fête du 13 mai disparut. À partir du XIe siècle, on consacra le jour suivant à la commémoration de tous les fidèles défunts. Né du culte des défunts, le culte des saints, y conduit à nouveau, car il n’y a qu’une Cité des vivants.

La « communion des saints » à la portée de tous  

L’adoration de Dieu est au centre de la célébration de la Toussaint. Celle-ci célèbre en effet le Dieu trois fois saint entouré de tous les élus sanctifiés par sa grâce. Elle est donc avant tout une action de grâce pour ce que Dieu a fait de certains de ses enfants, en les laissant refléter chacun une part certes infime mais réelle de sa sainteté. Et cette vision de la foule immense des rachetés qui nous ont précédés et du monde invisible qui attend tous les croyants nourrit leur espérance et donc leur courage.

Tous ensemble, réjouissons-nous dans le Seigneur,
célébrons ce jour de fête en l’honneur de tous les saints.
Les anges se réjouissent avec nous de cette fête ;
ils en glorifient le Fils de Dieu.
(antienne d’ouverture)

La Toussaint n’est bien sûr pas le seul jour où l’Église fait mémoire des saints. Tout au long de l’année, elle fête ces baptisés qui ont eu une vie exemplaire et sont des modèles pour nous. N’oublions pas d’ailleurs que nous célébrons non leurs « prouesses » mais avant tout l’action du Christ qui les a façonnés à son image. C’est parce qu’ils ont accepté de se laisser façonner qu’ils nous sont des modèles. Témoins de la communion spirituelle que cette action crée entre tous les hommes, par solidarité, ils intercèdent pour nous pour que nous y ayons accès à notre tour.

C’est bien l’accessibilité de cette « communion des saints » que rappelle tout spécialement la fête de la Toussaint. En invitant à honorer ceux et celles qui ont été des témoins lumineux du Christ non plus individuellement mais en tant qu’une « foule innombrable », cette fête rappelle que tous sont appelés à la sainteté et que bien des chemins sont possibles, parfois surprenants et exceptionnels, bien souvent beaucoup plus ordinaires.

Autrement dit, parce qu’historiquement le culte des saints s’est de plus en plus affranchi de la seule figure des martyrs voire de tout support matériel, la fête de tous les saints, connus ou inconnus, a pu s’imposer. D’abord rattachée en Orient aux solennités pascales puis fixée au 1er novembre pour concurrencer le paganisme, elle vise à offrir aux croyants encore en pèlerinage sur la terre une vision d’avenir susceptible de les encourager. Mieux elle ouvre l’accès à une communion spirituelle qui soutient cette marche. Peuple de bienheureux, peuple de Dieu en marche …

Bénédiction solennelle prévue pour la Fête des saints

Dieu lui-même est la gloire et le bonheur des saints,
il vous donne le réconfort de leurs prières :
qu’il vous bénisse à jamais.
R/. Amen.
L’intercession des saints vous délivre du mal présent,
l’exemple de leur sainteté vous instruit :
soyez toujours prêts à servir Dieu et vos frères.
R/. Amen.
Puissiez-vous, tous ensemble,
posséder le bonheur de la patrie
où la sainte Église se réjouit de voir ses enfants
associés aux citoyens du ciel dans la paix éternelle.
R/. Amen.
Et que la bénédiction de Dieu tout-puissant,
le Père, et le Fils, + et le Saint-Esprit,
descende sur vous et y demeure toujours.
R/. Amen.

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