L’adoration eucharistique : « Il est grand le mystère de la foi ! »
Par Mgr Joseph Boishu, Évêque auxiliaire de Reims
Il est fréquent que des fidèles aillent demander au curé de leur paroisse d’établir des temps d’adoration eucharistique et qu’ils ressentent chez lui des réticences. Il est vrai que, s’il reçoit la demande comme un « rétablissement » de ce qui se faisait dans le passé, ses hésitations sont compréhensibles. Mais il est tout à fait possible de répondre positivement à ces demandes en travaillant à promouvoir une autre manière de vivre l’adoration eucharistique.
« Il est grand le mystère de la foi ! » Il est si grand qu’il faut du temps pour « absorber et digérer spirituellement ce qu’on a avalé matériellement »1. Il faut du temps pour « aller au cœur de la foi », pour goûter le mystère pascal du Christ offrant sa vie pour attirer tous les hommes vers le Père, et pour se laisser saisir par ce Dieu qui a tant aimé le monde.
Le mystère de la foi
Nous ne pouvons vivre l’adoration eucharistique que reliée intimement à la célébration de la messe. Et pour cela, il est nécessaire d’aider à :
- Rejoindre le Christ dans la totalité du mystère trinitaire ; Lui que le Père continue à livrer au monde comme pain de vie ; Lui qui continue à baptiser les hommes dans l’Esprit de sainteté.
- Consentir à livrer sa vie à la suite de l’Agneau pour le salut du monde entier, et à être avec lui aux affaires du Père en ce monde.
- Ouvrir ses oreilles au Verbe qui parle dans les Écritures et les événements.
- Bien voir sa présence, non seulement dans le Corps eucharistique mais aussi dans le Corps de son Église, dont la face est si souvent humiliée.
- Accepter d’apprendre à ne pas se détourner de son frère blessé sur le chemin qui va de Jérusalem à Jéricho parce que ces blessures sont celles du Christ.
- Porter à Dieu, à travers ce pauvre signe du pain, toute la création et tout le labeur et la souffrance des hommes, dans la certitude que l’amour manifesté dans le Christ est la vraie clé de l’histoire.
- Entrer dans l’intercession du Christ grand prêtre pour le monde.
- Consentir progressivement à ne pas se sauver soi-même et à brûler gratuitement du temps aux pieds du maître, à recevoir le salut de Dieu lui-même.
Ceci suppose une préparation catéchétique développant les dimensions communautaires et missionnaires de l’adoration. Pourquoi ne pas confier à ces personnes les intentions de la paroisse ?
Quelques conseils pratiques
« Pendant que le Saint-Sacrement demeure exposé, on organisera les prières, les chants, les lectures de telle sorte que les fidèles, appliqués à la prière, ne s’occupent que du Christ Seigneur »2.
Il s’agit de bien centrer ce temps d’adoration sur le Christ dans son mystère eucharistique. On évitera donc, par exemple, de prendre un chant à l’Esprit Saint pour accueillir le Saint-Sacrement. On choisira un chant au Christ, à tonalité pascale ou eucharistique.
Ces temps d’adoration sont accompagnés de la proclamation de la Parole, car il est important de nourrir sa foi aux deux tables. Trop souvent la piété eucharistique n’a pas porté tous ses fruits, faute d’être éclairée et nourrie à la table de la Parole. On peut alors prendre un des textes que la liturgie du jour propose ou un autre qui semble plus adapté. Et il est bon alors de « l’accompagner d’une homélie ou de brèves exhortations qui engagent à une meilleure appréciation du mystère eucharistique »3.
S’il est essentiel que les voix s’unissent dans le chant et la louange, il est aussi essentiel que des temps de silence soient aménagés pour favoriser la prière personnelle.
On peut « célébrer une partie de la liturgie des Heures »4. Celle-ci est une louange adressée au Père par le Christ au nom du monde entier. Elle est donc en cohérence avec le mystère eucharistique.
Puisqu’on se sert le plus souvent d’un ostensoir, pourquoi ne pas s’appuyer sur sa symbolique pour développer le sens de cette adoration ? Il en est de très riches en ce domaine (thème de la nuée, du soleil, de l’agneau…).
Il est enfin nécessaire de veiller à la dignité de cette pratique. Le risque est réel de banaliser cette présence du Christ. Aussi faut-il veiller à la beauté du cadre par les cierges, les fleurs, la lumière… à la dignité des vêtements liturgiques, des démarches, des gestes…
Une question d’amour
On adore moins pour obtenir tel ou tel bienfait pour soi ou ses proches que pour être, d’abord, avec Jésus, gratuitement. Pour le rejoindre et se laisser attirer dans son cœur : se laisser revêtir par ses sentiments et par ses manières de vivre. On adore pour se laisser embaucher par le Christ au service du Royaume.
Au fond, adorer est une question d’amour. En prolongeant ainsi la célébration de l’eucharistie, on y apprend à aimer et à se laisser aimer. Et on peut l’apprendre à l’école de Marie, femme « eucharistique » comme le dit Jean Paul II dans sa dernière encyclique :
« Si l’eucharistie est un mystère de foi … nulle personne autant que Marie ne peut nous servir de soutien et de guide dans une telle démarche »5. Elle qui s’est donnée totalement à son fils, elle aide chacun à devenir « pain de vie » pour le monde.
Article extrait de la revue Célébrer n°329, juin-juillet 2004, p 23-24.
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- Hans Urs von Balthasar, « Point de repère », Éd. Fayard, 1973 p. 146.
- Rituel de l’Eucharistie en dehors de la messe, n° 95.
- Ibidem.
- Ibidem, n° 96.
- Encyclique Ecclesia de eucharistia, n° 54.
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