Célébrer le mariage : le rite de la bénédiction nuptiale
Par Serge Kerrien, Diacre du diocèse de Saint Brieuc-Tréguier
« Le prêtre ou le diacre, debout et tourné vers l’épouse et l’époux, appelle sur eux la bénédiction de Dieu. Ce rite n’est jamais omis ». (R 176).
La bénédiction
Héritière de la tradition biblique, l’Église a repris à son compte les rites de bénédiction, non pas comme un acte magique ou protecteur, mais bien comme un acte de louange à Dieu. En effet, la bénédiction est d’abord l’œuvre de Dieu pour son peuple. Dieu nous a aimés le premier. Dès l’origine, il bénit ses créatures (Gn 1, 22 et 28) et leur montre sa bienveillance. Il veut le bien de l’homme. Il lui donne toute ses grâces pour qu’il s’épanouisse totalement et, dans le cas du mariage, qu’il prenne en charge les responsabilités que le mariage implique : la fidélité à l’alliance conjugale, le respect mutuel des époux, l’accueil des enfants, le témoignage de vie, l’action de grâce dans le quotidien de la vie. Il ne s’agit donc pas d’un geste magique, mais d’un geste relationnel entre Dieu et sa créature : l’homme demande à Dieu de lui envoyer l’Esprit Saint pour que sa vie, vécue selon l’Évangile, soit un acte de louange.
La place de la bénédiction nuptiale
Le rituel envisage deux moments possibles pour la bénédiction nuptiale. En fonction du moment où elle est donnée, sa portée théologique n’est pas la même.
Après le Notre Père
Située après le Notre-Père, la bénédiction manifeste clairement le lien entre le sacrement de mariage et l’eucharistie, mais elle ne fait pas partie de la séquence proprement sacramentelle des rites. En effet, le rituel donne cette précision à propos du chant de louange proposé après la remise des alliances : « En signe de reconnaissance pour le don du sacrement de mariage….. » (R. 90), ce qui laisse entendre que la bénédiction nuptiale ne fait pas partie de l’acte sacramentel. Et la « prière des époux » qui suit le chant, indique bien par son intitulé que le sacrement a été donné. C’est alors l’échange des consentements qui réalise le mariage ; les époux se donnent le sacrement.
Après l’échange des consentements
Située après l’échange des consentements, elle prend une tout autre dimension. Elle situe nettement Dieu comme acteur du sacrement, lui demande d’envoyer son Esprit pour consacrer les époux à leur nouvelle mission. Prononcée avec le geste d’imposition des mains, la bénédiction nuptiale prend alors une dimension consécratoire, c’est-à-dire qu’elle demande la sanctification des personnes.
Même si elle n’a pas la même portée en fonction du moment où elle est située, la bénédiction nuptiale est un élément majeur de la célébration du sacrement. Lors de la préparation, il sera indispensable d’en faire mesurer toute la portée aux futurs époux et, au cours de la célébration, de veiller à sa mise en œuvre.
Une bonne mise en œuvre
L’importance sacramentelle de la bénédiction nuptiale requiert une bonne mise en œuvre des rites. Le rituel donne ces précisions :
« Les époux viennent devant l’autel et se tiennent debout, ou, selon l’opportunité, restent à leur place et s’agenouillent » (R 176) « Puis le prêtre ou le diacre, étendant les mains au-dessus des époux » (R 177).
Le déplacement vers l’autel comme l’agenouillement introduisent les époux à une manière de se tenir devant Dieu pour lui demander de consacrer leur amour. S’agenouiller pour la prière est une tradition ancienne (Ac 20, 36). Cette attitude n’a rien à voir avec une quelconque soumission à Dieu (elle pourrait, chez nos contemporains, être ainsi interprétée). Il s’agit, comme le dit si bien Romano Guardini, « d’agenouiller son cœur » devant Dieu pour lui dire le respect qu’on lui porte. Il est le Dieu de tout amour qui nous comble de sa grâce, avec une grâce que l’on accueille avec humilité. Quant au geste du célébrant au dessus des époux, son ampleur signifiera, mieux que tous les discours, l’effusion de l’Esprit et le don de la grâce. Un geste étriqué, mal fait ou encombré, aura du mal à signifier ce pour quoi il est fait et amoindrira la portée de la bénédiction nuptiale. Faut-il pour autant répéter cette séquence avec les futurs époux lors de la préparation ? Sans doute pas, tant il est évident que gestes et déplacements répétés auparavant perdent en intensité au moment de la célébration. Mieux vaut aider les futurs époux à faire leurs les mots de la prière et à se laisser guider vers la bonne attitude à prendre. Plus que d’explications préalables, la liturgie a besoin, pour produire son effet, de bonnes mises en œuvre[1].
Les conséquences pratiques
On l’aura compris, l’importance de la séquence proprement sacramentelle supporte difficilement une forme de théâtralisation trop souvent véhiculée par les média et les feuilletons à la mode. Elle supporte tout aussi difficilement les meutes de photographes dont les déplacements bruyants et envahissants viennent contredire ce moment si intense où Dieu donne sa grâce. Dieu, les époux et le ministre en sont les acteurs ; c’est entre eux que tout se joue et il faut préserver ce moment. On privilégiera donc le silence, un positionnement face à l’autel ou au siège de présidence ; on invitera les photographes à ne pas se déplacer pour ne pas envahir l’espace ni détruire le silence de la rencontre avec Dieu, on donnera davantage de place au silence qu’aux expressions bruyantes. L’action de grâce trouvera ensuite toute sa place. En préparant la célébration, il conviendra d’aborder ces questions avec les futurs époux pour qu’ils saisissent bien l’enjeu de ce moment de la célébration.
Cet article paru dans la revue Célébrer n°381
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1. Romano Guardini, Les signes sacrés, Éditions Spes, Paris, 1938, p. 37.