Le message du pape François adressé à 7000 choristes et musiciens
Le chant, « véritable instrument d’évangélisation », fait « sentir la beauté du Paradis », a déclaré le pape François à des choristes venus du monde entier, « il exprime les émotions de la profondeur du cœur ». 7000 chanteurs et musiciens étaient présents à Rome pour la IIIe Rencontre international des chorales, organisée par le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation le 24 novembre 2018.
Le discours du pape François
Chers frères et sœurs, bonjour !
Votre présence dans cette Salle a permis de faire résonner des musiques et des chants qui d’une certaine façon sont allés au-delà des murs : vous avez réveillé le Vatican ! Il est beau d’écouter vos mélodies et de percevoir la joie et le sérieux avec lesquels vous donnez voix tous ensemble à la beauté de notre prière. Je remercie Mgr Rino Fisichella pour sa créativité et pour ses paroles et pour cette initiative qui permet de toucher du doigt les nombreuses voies de l’évangélisation.
Ces derniers temps, comme vous le savez, a eu lieu le Synode des évêques, dédié aux jeunes et un des thèmes qui ont été traités avec intérêt a été celui de la musique : « L’importance de la musique est très particulière, elle représente un véritable environnement où les jeunes sont constamment immergés, ainsi qu’une culture et un langage capables de susciter des émotions et de façonner l’identité. Le langage musical représente aussi une ressource pastorale, qui interpelle en particulier la liturgie et son renouveau » (Document final, 47).
Votre musique et votre chant sont un véritable instrument d’évangélisation dans la mesure où vous vous rendez témoins de la profondeur de la Parole de Dieu qui touche le cœur des personnes, et vous permettez une célébration des sacrements, en particulier dans la Sainte Eucharistie, qui fait sentir la beauté du Paradis. Ne cessez jamais cet engagement si important pour la vie de nos communautés ; de cette façon, vous donnez voix par le chant aux émotions qui sont dans la profondeur du cœur de chacun. Dans les moments de joie et de tristesse, l’Eglise est appelée à être toujours proche des personnes, pour leur offrir la compagnie de la foi. Si souvent, la musique et le chant permettent de rendre ces moments uniques dans la vie des personnes, parce qu’elles les gardent comme un souvenir précieux qui a marqué leur existence.
Le Concile Vatican II, en réalisant le renouveau de la liturgie, a confirmé que la « tradition musicale de l’Église constitue un patrimoine d’une valeur inestimable » (Const. Sacrosanctum Concilium, 112). C’est cela. Je pense, en particulier, aux nombreuses traditions de nos communautés dispersées dans le monde entier, qui font émerger les formes les plus enracinées de notre culture populaire, et qui deviennent aussi une véritable prière. Cette piété populaire qui sait prier avec créativité, qui sait chanter avec créativité ; cette piété populaire qui, comme l’a dit un évêque italien, est le “système immunitaire” de l’Eglise. Et le chant poursuit cette piété. A travers ces musiques et ces chants, l’on donne voix aussi à la prière et de cette façon l’on forme une véritable chorale internationale, où monte vers le Père toute la louange et la gloire de son peuple, à l’unisson.
Votre présence, tandis qu’elle met en relief l’internationalité de vos pays respectifs, permet de toucher l’universalité de l’Eglise et ses diverses traditions. Votre chant et votre musique, surtout dans la célébration de l’Eucharistie, rendent évident que nous sommes un seul Corps et que nous chantons d’une seule voix notre unique foi. Même si nous parlons des langues différentes, tout le monde peut comprendre la musique par laquelle nous chantons, la foi que nous professons et l’espérance qui nous attend.
Vous étudiez et vous vous préparez pour faire de votre chant une mélodie qui favorise la prière et la célébration liturgique. Ne tombez pas, cependant, dans la tentation d’une participation qui ternisse votre engagement et humilie la participation active du peuple à la prière. S’il vous plaît, ne faites pas la “prima donna”. Soyez animateurs du chant de toute l’assemblée et ne vous substituez pas à elle, en privant le peuple de Dieu de chanter avec vous et de donner le témoignage d’une prière ecclésiale et communautaire. Parfois je m’attriste quand, dans certaines cérémonies, on chante très bien mais les fidèles ne peuvent pas chanter… Vous qui avez profondément compris l’importance du chant et de la musique, ne dévaluez pas les autres expressions de la spiritualité populaire : les fêtes patronales, les processions, les danses et les chants religieux de notre peuple sont eux aussi un vrai patrimoine de religiosité qui mérite d’être valorisé et soutenu parce qu’il est toujours une action de l’Esprit Saint dans le cœur de l’Eglise. L’Esprit, dans le chant, nous aide à avancer.
Que la musique, donc, soit un instrument d’unité pour rendre efficace l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui, à travers la beauté qui fascine encore et qui rend possible de croire en se confiant à l’amour du Père.
Je vous accompagne par ma bénédiction et je vous confie à sainte Cécile, votre Patronne, mais surtout je vous demande de ne pas oublier de prier pour moi ; prier pour moi aussi par votre chant ! Merci !
Traduction de Zenit, Anne Kurian
Un regard sur ce rassemblement
Le conseil d’administration de l’ANCOLI (association nationale des chorales liturgiques) a sollicité le service musique et des responsables diocésains pour former une délégation française.
Vivre ce rassemblement international, auprès de plus jeunes générations qui ne connaissent pas (ou mal) les structures ecclésiales musicales déjà existantes, crée du lien intergénérationnel, et décloisonne momentanément les « chapellisations » stylistiques.
En plus de courtes pièces de répertoire des « trésors du passé » (Palestrina, Victoria, Bach, Vivaldi, Mozart, Fauré…), nous avons tous chanté des compositions faciles d’accès de M.Fressina (sans même les connaître préalablement). Le fait de garder en mémoire certaines de ces mélodies (les heures et les jours qui suivent) est gage d’un savoir-faire tout à fait efficace, tant dans les compositions populaires, que dans celles considérées plus savantes.
Ce choix pédagogique est très intéressant car il permet un parallélisme d’avec la situation d’assemblée : n’importe quel fidèle peut chanter certaines parties, et la mise en œuvre de choses plus complexes par quelques-uns ne parait pas élitistes (elle ne s’y ajoute qu’aux moments opportuns).
C’est sans doute vers cette partition active immédiate partielle que doivent tendre les chants liturgiques d’aujourd’hui : « que tous participent immédiatement partiellement ».
Un vrai chantier s’ouvre pour :
- trier et catégoriser le répertoire déjà existant, en fonction de la faisabilité des mises en œuvre par l’assemblée.
- Et susciter des compositions qui vont dans le sens du « chant de tous » par des alternances, ou des superpositions (une partie est immédiatement chantable par tous sans support de partition, et d’autres parties plus complexes alternent avec, ou se superposent à celle-ci).
Ce tri permettra de distinguer ce qui est de l’ordre du chant rituel « fonctionnel » (qui peut et doit aussi être beau, mais avant tout sert le rite), de compositions spirituelles populaires ou savantes « à partir de textes rituels ou bibliques » sans fonctionnalité rituelle. Et ce, sans préjugé stylistique ni de complexité.
Agnès Minier-Pinardel, adjointe du département Musique du SNPLS