La piété populaire et le culte eucharistique en dehors de la messe
Par Marie-Pierre Ritzenthaler-Thiebo, Membre du service de PLS du diocèse de Strasbourg
L’adoration eucharistique est une des formes du culte eucharistique en dehors de la messe. Ici ou là, refleurissent aussi les processions de la Fête-Dieu, le jeudi – dans les pays où la fête du Saint-Sacrement est de précepte – ou le dimanche qui suit la Sainte Trinité.
Approche historique : avec quelle tradition renouer ?
- Dans les premiers siècles, il n’existait pas la coutume de l’adoration eucharistique, la communion, c’est une nourriture que l’on prend ensemble lors de la célébration dominicale. La messe n’étant célébrée que le dimanche, certains fidèles ramènent chez eux le pain eucharistique pour qu’il soit la première nourriture de chaque jour ; on conserve aussi le pain eucharistique pour l’apporter aux mourants, comme l’y encourage le Concile de Nicée en 325, stipulant qu’il ne faut pas « priver du dernier et très nécessaire viatique celui qui est près de la mort. »
- C’est dans le milieu monastique, vers le XIe siècle, que l’on commence à mettre en évidence la réserve eucharistique. Ainsi apparaissent le tabernacle et la lampe de sanctuaire, pour faire acte de foi en la présence du Seigneur.
- À une époque où on communiait peu, on vivait avec la conviction que voir l’hostie et la regarder longuement procurait autant de grâces que de la recevoir. C’est donc à la requête de la piété populaire qu’on introduisit à la messe le rite de l’élévation, qu’on prolongea par la vénération de l’hostie dans un ostensoir, en dehors de la célébration.
- En 1252, on instaure la fête du Corps et du Sang du Christ, ou Fête-Dieu, à Liège. Douze ans plus tard, le Pape Urbain confirme cette fête, qui donne lieu à des processions solennelles. Tout en encourageant cette pratique, il est très vite obligé de la cadrer, et de mettre en garde sur les dangers d’une chosification de l’eucharistie : le but devenant d’obtenir une hostie à adorer !
- En 1910, Saint Pie X, par le décret Quam singulari, rétablit l’équilibre en faveur de la communion. Il facilite l’accès des fidèles à l’eucharistie dès leur plus jeune âge. Le Concile Vatican II, lui, insiste sur la participation active de ces fidèles à l’action eucharistique (Sacrosanctum Concilium, n°48).
- En 1967, l’instruction Eucharisticum mysterium (n°60) demande de veiller « à ce que le culte du Saint-Sacrement apparaisse clairement, au moyen des signes, dans la relation qui l’unit à la messe. »
D’après un article de Robert Cabié, professeur honoraire à l’Institut catholique de Toulouse : Le culte eucharistique en dehors de la messe
Approche théologique : renouer avec la tradition de l’Église
Le Directoire sur la piété populaire et la liturgie (p.134 et p.135) rappelle deux réalités fondamentales :
- « c’est la Pâque du Seigneur qui est le point de référence suprême de la piété eucharistique. […] L’eucharistie est avant tout la célébration du mystère pascal, constitué par la Passion, la Mort et la Résurrection de Jésus. »
- Il ne peut y avoir une dévotion eucharistique qu’en lien avec le sacrifice eucharistique ; la dévotion eucharistique est soit une préparation à sa célébration, soit un prolongement de cette célébration.
Le Rituel romain, Rituale romanum, De sacra communione et de culta mysterii eucharistici extra Missam, insiste pour :
- que les fidèles se rappellent que la présence du Christ dans le Sacrement « dérive du sacrifice et tend à la communion sacramentelle en même temps que spirituelle. »
- la procession de la Fête-Dieu est une prolongation de la célébration. L’hostie consacrée pendant la célébration, est portée aussitôt après la messe au dehors. La procession permet que « les fidèles rendent témoignage public de leur foi et de piété envers le Saint Sacrement ». Ainsi, ils prennent conscience de faire partie du peuple de Dieu, de ce Dieu qui est le « Dieu avec nous ».
Approche pastorale et points d’attention : ne pas se tromper de tradition
Il s’agira donc de toujours veiller :
- à la dignité et au respect dus au Saint Sacrement ;
- à ce que l’hommage floral, les chants, la musique, les autels (et tous les éléments ajoutés par la piété populaire et les habitudes des paroisses) « visent à ce que tous manifestent leur foi au Christ et ne s’occupent que du Seigneur », en écartant toutes formes de compétition ;
- à la mise en œuvre de la bénédiction du Saint Sacrement. Celle-ci remplace la bénédiction habituelle du prêtre. Elle constitue la conclusion solennelle de la procession tout entière. Jamais donc « l’exposition ne sera faite uniquement pour donner la bénédiction ».
Cet article est paru en mars 2019 dans le numéro La Fête-Dieu de Caecilia. Caecilia est la revue du Service de pastorale liturgique et sacramentelle, de musique et d’art sacré du diocèse de Strasbourg en mars 2019.