Le Triduum Pascal #4 : la Vigile pascale

Alors qu’à l’origine, l’Église célébrait l’ensemble du mystère pascal du Christ lors d’une unique célébration, la vigile pascale, le besoin s’est fait sentir de développer chacune des facettes de ce même mystère en autant de célébrations : repas pascal, passion et mort du Seigneur, silence du tombeau, résurrection. Cela a commencé à Jérusalem, où l’on pouvait pérégriner de lieu en lieu sur les traces du Sauveur : Cénacle, Jardin des Oliviers, Golgotha, etc. Ainsi naquit au IVe siècle le « triduum pascal », les trois jours, selon l’expression de saint Augustin, du « Christ crucifié, enseveli et ressuscité », triduum qui allait donc du jeudi soir au dimanche de Pâques.

#4 : La Vigile pascale – série d’articles proposée par le SNPLS à partir d’éléments fournis par Louis-Marie Chauvet

« Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi » s’exclame saint Paul (1 Co 14, 15). La tradition liturgique n’est pas moins ferme : pour les premiers siècles, Pâques n’est pas seulement « la fête par excellence, la fête des fêtes, mais la seule fête, à côté de laquelle il ne saurait en exister d’autre » (H.-I. Dalmais). Une célébration n’est proprement chrétienne que dans son rapport avec Pâques. Ainsi, à Noël, l’Église célèbre non pas l’anniversaire de la naissance du « petit Jésus », mais la manifestation dans la chair du « Seigneur Jésus » ce qui est un titre pascal. La vigile pascale finit pourtant par tomber en désuétude dès le Haut Moyen Age époque où les baptêmes d’adultes se firent de plus en plus rares. Mais, avant même Vatican II, Pie XII, en 1951, a restauré ce que saint Augustin appelait « la mère de toutes les saintes veillées ». La liturgie, particulièrement riche, est articulée autour des quatre grands symboles que sont le feu (la lumière), la parole, l’eau et le pain.

La « lumière du Christ » acclamée autour du cierge pascal allumé au feu nouveau entre processionnellement dans l’église éclairée par les cierges des fidèles et culmine dans le chant, vraiment exultant, de l’« Exsultet » qui acclame « la nuit bienheureuse » où le Christ« brisant les liens de la mort, s’est relevé victorieux des enfers ».

L’Église se met ensuite à l’écoute de la Parole. Avant la lecture de saint Paul aux Romains, sur le baptême, et de l’évangile de la résurrection, sept lectures de l’Ancien Testament, avec leur psaume et la prière qui en donne une interprétation chrétienne, sont prévues. Les quatre premières sont tirées du poème juif pour la Pâque dit des « quatre nuits » : la nuit de la Création (« Il y eut un soir, il y eut un matin »), la nuit de la foi d’Abraham (offrant son fils unique), la nuit de l’Exode (passage de l’esclavage à la liberté) et la nuit où, selon une forte tradition juive, viendra le Messie. Les trois dernières lectures sont davantage tournées vers le baptême, notamment la dernière (Ez 36 : « de toutes vos souillures, je vous purifierai »).

Car la vigile pascale a été considérée comme le moment par excellence du baptême par lequel on meurt au péché avec le Christ pour ressusciter de sa vie nouvelle (Rm 6). C’est pourquoi, les baptêmes se faisaient principalement dans la nuit de Pâques. Aux IVe – Ve siècles, ce sont des centaines de catéchumènes d’une même ville qui étaient baptisés durant les vigiles pascales. Les évêques les enseignaient ensuite par des catéchèses « mystagogiques » qui les faisaient entrer dans le mystère qu’ils avaient vécus. Aujourd’hui, le nombre de baptisés est moins important, mais le processus reste le même : un catéchuménat d’au moins deux années en moyenne, l’appel décisif par l’évêque au début du Carême, réception des sacrements de l’initiation (baptême-confirmation-eucharistie) dans la nuit pascale.

L’eucharistie solennelle a lieu ensuite, marquée par l’apport du pain et du vin par les néophytes (nouveaux baptisés), puis par leur première communion, sommet de leur initiation. Ils sont désormais pleinement membres du « corps ecclésial » du Christ en communiant à son « corps eucharistique ».