Trois fondamentaux pour « fleurir en liturgie »

MesseChrismale2016-225 © Muriel Bergasa  Diocèse de Nanterre réduit

Cette intervention de Marie-Odile Lalo concluait la formation nationale du département Fleurir en liturgie de mars 2016.

Dans le précédent article traitant du sens de la mission des personnes chargées du fleurissement de l’espace liturgique, l’accent est mis sur sept actions caractérisant cette mission. Nous voudrions maintenant dégager trois fondamentaux de « Fleurir en liturgie ».

Trois points essentiels constituent la base commune de notre mission et permettent le dialogue entre les divers acteurs de la liturgie pour contribuer à l’harmonie et à la beauté des célébrations.

Fleurir au service de l’Eglise : un savoir

Le fleurissement est au service de l’Église en prière. Il s’agit d’un savoir.

Prier avec les fleurs, avec les végétaux n’est pas évident et, en tout cas, plus facile à dire qu’à faire.

Il s’agit de recentrer notre mission de fleurissement sur la liturgie, la célébration du Salut, la mort et la résurrection de Jésus, au cœur de cette grande action de grâce constituée par chaque eucharistie.

Notre charisme, ou encore notre art, consiste à faire entrer la création dans la célébration eucharistique et contribuer ainsi à la dignité et à la beauté de la célébration.

Saint Jean-Paul II a mentionné les fleurs dans une lettre apostolique publiée le 4 décembre 1988 à l’occasion du 25ème anniversaire de la promulgation par Paul VI de la Constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium sur la Sainte Liturgie : « Les signes, surtout les signes sacramentels, doivent avoir la plus grande expressivité. Le pain et le vin, l’eau et l’huile, mais aussi l’encens, les cendres, le feu et les fleurs et presque tous les éléments de la création ont leur place dans la liturgie comme une offrande au Créateur et contribuent à la dignité et à la beauté de la célébration. »

« La plus grande expressivité » c’est-à-dire ce qui exprime avec force une pensée, un sentiment, une émotion. Autrement dit la liturgie est une action qui met en jeu des gestes et des signes forts qui doivent servir la célébration. Les éléments végétaux que nous arrangeons serviront l’action liturgique. Nous pouvons reprendre à notre compte le vocabulaire des concepteurs lumières : « habiter le lieu, éclairer ce qui s’y trouve et ce qui s’y passe. »

En étant au service de l’Église en prière, le fleurissement est soumis à l’action liturgique et doit respecter le temps liturgique. En effet, ce n’est pas en notre nom propre que nous fleurissons, mais au nom de toute l’Église. Quand l’Église célèbre le culte divin, elle le fait dans une culture donnée et dans le temps. Ce temps chrétien qui fait mémoire des interventions de Dieu dans l’histoire.

Ainsi, le fleurissement, en respectant le temps et la pédagogie mise en œuvre par l’Église elle-même, permet à l’Église en prière d’exprimer son attente, sa joie, sa peine, son espérance, bref de faire mémoire de l’aujourd’hui du Salut en le déployant dans notre histoire, ici et maintenant.

Le fleurissement dans la liturgie est donc l’une des mises en œuvre concrètes de la réponse de l’assemblée à Dieu qui œuvre pour le salut de l’homme.

C’est enfin permettre à la création d’entrer dans le temps éternel déployé par la liturgie et dans l’action de grâce de l’Église.

Un savoir-être : l’esprit de service

De là découle le second point essentiel défini comme un savoir-être : l’esprit de service.  Autrement dit, quelle est notre attitude intérieure ?

Nous sommes au service de l’acte du peuple de Dieu. La liturgie nous est confiée et nous ne sommes que ses ministres. « Parce qu’elle est une célébration de l’Église, la liturgie appelle la participation pleine, consciente et active de tous, selon la diversité des ordres et des fonctions : tous, ministres et fidèles, en accomplissant leur fonction, font tout ce qui leur revient, et seulement ce qui leur revient. » dit encore saint Jean-Paul II dans sa lettre apostolique publiée le 4 décembre 1988.

De plus, les éléments végétaux nous précèdent, ils nous ont été donnés. C’est un don qui nous est fait et nous le recevons. (Laudato Si’ n° 67).

Enfin, la composition florale en liturgie n’est pas là pour qu’on la contemple (même si elle le mérite) mais plutôt pour aider à contempler et servir le dessein de Dieu. Elle tient la même fonction que la lumière qui éclaire l’espace dans une église orientant le regard et l’esprit du visible à l’invisible. Elle ne trouve pas sa finalité en elle-même.

Ces considérations illustrent la nécessité d’un esprit d’humilité.

Un savoir-faire : le respect du sens de pousse

Respecter le sens de pousse constitue le troisième point défini comme un savoir-faire.

Au sujet de la composition florale liturgique, nous lisons dans le guide Célébrer « Du bon usage de la liturgie » du Centre National de Pastorale Liturgique, – l’ancien SNPLS -, au chapitre 13 « Du bon usage des fleurs » : « Par son origine indo-européenne, le mot « rite » évoque l’idée de mise en ordre et, particulièrement, d’action humaine mise en rapport avec l’ordre cosmique : la nuit et le jour, l’ordre des saisons, le soleil et la lune… Or la liturgie chrétienne baigne tout entière dans cet ordre cosmique … C’est dans ce rituel de mise en ordre avec le cosmos que le bouquet, par le choix des fleurs et leur arrangement, va pleinement jouer son rôle liturgique. La couleur des vêtements liturgiques qui change selon le temps et non selon l’Évangile du jour est du même ordre.  Il faut laisser le bouquet jouer ce rôle de représentation symbolique de la nature en louange et non le « dénaturer » en le chargeant d’allégories factices … Faire un bouquet liturgique, ce n’est pas « christianiser » les fleurs, c’est se servir chrétiennement du symbole naturel, de beauté gratuite et de louange qu’elles portent en elles . »

« Se servir chrétiennement du symbole naturel, de beauté gratuite et de louange » que les fleurs portent en elles, c’est contempler la création, c’est écouter son message, c’est entendre chaque créature chanter l’hymne de son existence (Laudato Si’ n° 69 et n° 85).

Respecter le sens de pousse et de fait l’enracinement des végétaux, c’est donc observer et respecter la création avec ses lois internes, c’est respecter l’ordre et les lois de la nature (Laudato Si’ n° 68).

En résumé, le savoir et le savoir-faire supposent de connaître et donc de se former aussi bien en liturgie qu’en technique florale. Le savoir-être est de l’ordre d’une attitude intérieure et doit se cultiver. Pourquoi insister sur ces repères fondamentaux ? Tout simplement parce que disposer de bases communes et s’accorder sur ce socle nous permet d’aller plus loin ensemble. C’est donc donner la possibilité à des personnes de sensibilités différentes d’échanger, de se parler, de dépassionner les débats.

On l’aura compris, en étant d’accord sur l’essentiel, nous pourrons vivre d’autant mieux nos différences

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