Du bon usage de la liturgie : la préparation des dons
Comme les habitudes sont difficiles à perdre ! En 1969, le Missel romain de Paul VI a remplacé « l’offertoire » par « la préparation des dons ». Et pourtant, que disons-nous qu’il va se passer à la messe lorsque la prière universelle est achevée et que l’assemblée s’assied ?
L’enjeu du changement
S’il ne s’agissait que d’une simple question de mots, l’affaire ne vaudrait même pas un paragraphe. Mais, par les mots, c’est un changement radical de mentalité que la réforme liturgique veut opérer.
– Durant les dix siècles qui ont précédé Vatican II, le « canon » de la messe était devenu « secret », sauf la préface et le Per omnia final.
– Durant ce même temps, l’offertoire se chargeait de prières privées exprimant l’offrande du sacrifice et l’indignité du célébrant.
– De sorte que les premiers essais de restauration liturgique qui préparèrent Vatican II en vinrent naturellement, pour exprimer l’offrande des fidèles, à gonfler l’offertoire : « L’immense foule des hommes … »
– Or le grand et unique moment d’offrande de la messe est celui où le Christ lui- même s’offre à son Père et nous offre avec lui. Et c’est la prière eucharistique qui l’exprime et le réalise, et non l’offertoire.
– C’est donc très logiquement que la réforme conciliaire a réhabilité la prière eucharistique et a, du même coup, fait passer l’offertoire, de doublet qu’il était, à son juste rôle de « préparation des dons ».
Préparer les dons
Il est vrai, malgré tout, qu’une certaine nostalgie de l’offertoire demeure chez beaucoup. Cela nous amène à faire deux remarques et quelques propositions.
Les rites de la messe
– Première remarque : il ne peut y avoir de nostalgie de l’offertoire que chez ceux qui n’ont pas saisi l’enjeu de la prière eucharistique. Quelle perte pour leur foi ! Ce n’est donc pas en maintenant le mot « offertoire » ou en en regonflant sa spiritualité qu’on les enrichira, mais en procurant une nourrissante catéchèse mystagogique de l’offrande sacrificielle de la prière eucharistique.
– Deuxième remarque : la messe ne mime pas la Cène, mais elle l’actualise en accomplissant le mémorial du Seigneur. Ainsi, rompre l’hostie en disant les paroles de la consécration est de l’ordre du mime et non du mémorial. Le mémorial, lui, étale rituellement les gestes du Christ :
– il prit le pain : c’est la préparation des dons ;
– il rendit grâce : c’est la prière eucharistique ;
– il le rompit : c’est la fraction du pain ;
– il le donna : c’est la communion.
De la sorte, la préparation des dons, bien loin d’être négligée par la réforme liturgique, retrouve sa place la plus éminente de premier geste par lequel, à la messe, l’Église répond au commandement du Seigneur en faisant, en mémoire de lui, ce qu’il a fait à la Cène.
Quelques propositions
Elles ne sont rien d’autre qu’une application de la PGMR.
– Préparer l’autel. Les choses parlent autant que les mots ! Seul un autel « vide » dira l’importance de ce qui va se passer parce qu’il sera prêt à recevoir digne- ment le pain et le vin. Tout encombrement préalable le fera passer pour une crédence, alors qu’il est la table du « repas du Seigneur » (1 Corinthiens 11, 20).
– D’ailleurs, la patène (ou la coupelle d’hosties) et le calice n’ont pas à y être depuis le début de la messe, puisque « c’est un usage à recommander que de faire présenter le pain et le vin par les fidèles » (PGMR, n° 49). Même dans une église aux dimensions modestes, il y a donc intérêt à ce que le pain et le vin soient à une certaine distance de l’autel pour que leur présentation, par des fidèles, au prêtre (ou au diacre) qui les reçoit et les dépose sur l’autel, ait une signification visible.
– D’autres dons (argent, dons en nature) peuvent aussi être apportés, mais ils ne doivent pas être déposés sur l’autel, qui ne reçoit que le pain et le vin pour l’eucharistie.
– C’est normalement à voix basse que sont dites, par le prêtre, les prières de la préparation (« Tu es béni… ») avant de déposer pain et vin sur l’autel. C’est évident s’il y a un chant ou une musique instrumentale. En leur absence, on peut tout à fait admettre qu’elles soient dites à voix haute, mais d’une façon cependant moins proclamatoire que la prière eucharistique qui suivra.
Admirable échange que ce pain et ce vin que Dieu nous donne et que nous lui présentons, afin qu’il nous les rende en corps et sang de son Fils, pour qu’à notre tour, et par le Christ, nous lui rendions grâce !
La préparation des dons dans la PGMR
73. Au commencement de la liturgie eucharistique, on apporte à l’autel les dons qui deviendront le Corps et le Sang du Christ.
D’abord on prépare l’autel, ou table du Seigneur, qui est le centre de toute la liturgie eucharistique[70], en y plaçant le corporal, le purificatoire, le missel et le calice, à moins que celui-ci ne soit préparé à la crédence.
Puis on apporte les offrandes : faire présenter le pain et le vin par les fidèles est un usage à recommander; le prêtre ou le diacre reçoit ces offrandes à un endroit favorable, pour les déposer sur l’autel. Même si les fidèles n’apportent plus, comme autrefois, du pain et du vin de chez eux, ce rite de l’apport des dons garde sa valeur et sa signification spirituelle.
De l’argent, ou d’autres dons au profit des pauvres ou de l’Église, peuvent être apportés par les fidèles ou recueillis dans l’église ; on les dépose à un endroit approprié, hors de la table eucharistique.
74. La procession qui apporte les dons est accompagnée par le chant d’offertoire (Cf. n. 37b) qui se prolonge au moins jusqu’à ce que les dons aient été déposés sur l’autel. Les normes qui concernent la manière d’exécuter ce chant sont les mêmes que pour le chant d’entrée (n. 48). Le chant peut toujours accompagner les rites de l’offertoire, même lorsqu’il n’y a pas de procession des dons.
75. Le pain et le vin sont déposés par le prêtre sur l’autel, geste qu’il accompagne des formules établies ; le prêtre peut encenser les dons placés sur l’autel, puis la croix et l’autel lui-même, pour signifier que l’oblation de l’Église et sa prière montent comme l’encens devant la face de Dieu. Puis, le diacre ou un autre ministre encense le prêtre, à cause de son ministère sacré, et le peuple, en raison de sa dignité baptismale.
76. Ensuite le prêtre se lave les mains sur le côté de l’autel, rite qui exprime le désir de purification intérieure.
Cet article est extrait de Du bon usage de la liturgie, Guides Célébrer